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ORL

Publié le 25 juin 2024Lecture 11 min

Focus sur les Assises d’ORL 2024

Hannah DAOUDI, Paris

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ACOUPHÈNES ET TRAUMATISMES SONORES D’après Philippe LEFEBVRE, Marie-José FRAYSSE Les acouphènes sont fréquemment associés à la surdité, étant perçus comme la conséquence d’une activité neuronale anormale dans le système nerveux central en réponse à une diminution des signaux neuronaux provenant d’une oreille en bonne santé. L’impact émotionnel des acouphènes varie selon les individus et peut avoir des répercussions durables sur leur qualité de vie. Ces troubles peuvent être attribués à trois mécanismes principaux : – la désafférentation, caractérisée par une réponse compensatoire inadaptée ; – l’augmentation de l’activité spontanée des neurones auditifs centraux ; – l’augmentation des connexions croisées entre les fibres nerveuses. Ces mécanismes conduisent finalement à une hyperactivité des voies auditives, de la périphérie du système auditif, depuis le noyau cochléaire jusqu’au cortex auditif. Les traumatismes sonores entraînent des modifications plastiques de l’activité neuronale au niveau des voies auditives, se manifestant par une augmentation de leur activité spontanée : l’équilibre est perturbé entre les systèmes d’activation et d’inhibition des circuits neuronaux. La surdité cachée (synaptopathie), est une condition où un seuil auditif normal ne garantit pas l’absence de lésions cochléaires. Après un traumatisme sonore, une population suffisante de fibres nerveuses à faible seuil peut rester sensible, ce qui peut conduire uniquement à des difficultés de compréhension dans le bruit ou à une hyperacousie. Dans de tels cas, des explorations complémentaires telles que l’audiométrie dans le bruit, l’audiogramme à haute fréquence et les potentiels évoqués auditifs peuvent être nécessaires. La neuro-inflammation est également identifiée comme une cause potentielle des acouphènes, jouant un rôle important dans leur développement aigu et chronique. Les troubles liés à la perte auditive et au traumatisme sonore déclenchent une réponse neuro-inflammatoire, générant une boucle de rétroaction entre les cytokines (comme le TNF alpha) et l’activation de la microglie. Les changements persistants induits par l’inflammation conduisent à une hyperexcitabilité du système auditif, pouvant favoriser le développement des acouphènes. Dans cette optique, diverses approches thérapeutiques peuvent être envisagées, visant à : – augmenter l’effet du GABA (neurotransmetteur inhibiteur dans le système auditif central) par l’utilisation d’agonistes : mimétiques directs du GABA tels que le baclofène, ou mimétiques indirects comme la gabapentine (Neurontin®, 300 à 600 mg par jour). – inhiber le glutamate (neurotransmetteur excitateur dans le système auditif central) par des médicaments tels que la lamotrigine, le Laroxyl® ou des suppléments tels que le zinc et le magnésium. La prise en charge sera complétée par une approche pluridisciplinaire : évaluation de l’acouphène et de la surdité, analyse de leur retentissement émotionnel, mise en place de thérapies sonores (audioprothésiste), relaxation (sophrologie). Il est conseillé de procéder à un interrogatoire détaillé, une otoscopie, et de recourir à des questionnaires tels que le THI (Tinnitus Handicap Inventory), le DET (Distress Evaluation Questionnaire) et l’EVA (échelle visuelle analogique), ainsi qu’à un audiogramme. Les explications simples sur la physiopathologie sont également essentielles. Le choix thérapeutique dépendra ensuite de plusieurs critères, notamment : L’importance de l’acouphène : pour un THI < 40 ou un EVA < 6, des conseils directifs, des bases physiologiques, l’enrichissement sonore, ainsi que des applications avec des bruits neutres de faible intensité peuvent être recommandés pour favoriser la distraction et l’habituation (Tinnitracks, Oticon Tinnitus SoundSupport™, Sonothérapie Tinniwell, etc.). Pour un THI > 40 ou un EVA > 6, une thérapie sonore que le patient ait ou non une surdité, ainsi que de la sophrologie ou la TCC (thérapie cognitive et comportementale) peuvent être envisagées. L’association d’une hyperacousie : une thérapie sonore avec générateur de bruit blanc, ainsi que la sophrologie et/ou la TCC peuvent être recommandées. Le retentissement psychologique : une évaluation par le questionnaire DET, ainsi que des troubles du sommeil, peut conduire à des recommandations telles que la sophrologie et la TCC. Pour ce qui est de l’orientation vers une prise en charge psychologique, plusieurs options peuvent être envisagées. La sophrologie, qui permet une gestion autonome du stress à travers des exercices de respiration et de relaxation. La TCC, qui vise à identifier et à modifier les pensées négatives et les comportements inadaptés. La psychologie de soutien, pour apporter un soutien face à la détresse psychologique. La psychiatrie, en cas de dépression ou de décompensation nécessitant une médication.   • Un patient présentant un acouphène post-traumatique aigu devrait bénéficier d’une évaluation complète comprenant divers examens auditifs. • Le traitement médical est basé sur les corticoïdes (jusqu’à deux mois après le traumatisme sonore), qu’il y ait ou non une surdité associée. • Une prise en charge globale est primordiale et doit être adaptée à chaque situation.   GLANDE SUBMANDIBULAIRE : QUAND ET COMMENT L’OPÉRER ? D’après Sébastien VERGES Les glandes submandibulaires présentent souvent des pathologies tumorales bénignes ou malignes, nécessitant généralement une chirurgie d’exérèse. Cependant, la submandibulectomie est rarement pratiquée en dehors des cas de tumeurs. Pour les calculs submandibulaires, des chirurgies conservatrices sont préférées. En cas de tumeur de la glande submandibulaire, un bilan nodulaire complet est nécessaire. Il comprend une IRM avec des séquences en diffusion/perfusion, bien que la performance de l’IRM puisse être altérée par une cytoponction récente. Une cytoponction est souvent réalisée, sauf en présence de lésions typiques à l’IRM, telles qu’un adénome pléiomorphe ou une tumeur deWhartin avec une exérèse déjà prévue. En cas de suspicion de cancer, un scanner cervico-thoracique est également recommandé. En présence d’un adénome pléiomorphe, une submandibulectomie avec marges et examen extemporané systématique est pratiquée. En cas de pathologie inflammatoire, comme la submandibulite aiguë qui est le plus souvent d’origine bactérienne, un traitement par antibiothérapie probabiliste est recommandé, et une échographie peut être réalisée si nécessaire. Pour les cas de submandibulite chronique, diverses anomalies comme les hernies, les cliques, ou l’hypertrophie glandulaire peuvent être évaluées par échographie. Le traitement par sialendoscopie est souvent privilégié dans ces cas-là. En ce qui concerne les lithiases salivaires submandibulaires, différentes approches sont envisageables selon la localisation et la mobilité de la lithiase. Les lithiases flottantes peuvent être extraites endoscopiquement, tandis que les lithiases fixées peuvent nécessiter une fragmentation endoscopique pour réduire les risques de récidive. Pour les lithiases fixes intégralement visibles et palpables, une approche combinée (sialendoscopie et abord du calcul par voie endobuccale) est souvent préférée, la voie d’abord cervicale étant de moins en moins utilisée. • La prise en charge des pathologies des glandes submandibulaires nécessite une approche multidisciplinaire et individualisée. • La submandibulectomie reste réservée aux cas de tumeurs, tandis que les calculs submandibulaires peuvent bénéficier de chirurgies conservatrices. • Une collaboration étroite entre les différents spécialistes, incluant chirurgiens, radiologues et pathologistes, est primordiale pour assurer une prise en charge optimale des patients présentant des affections des glandes submandibulaires.   PATHOLOGIES TUMORALES BÉNIGNES DU CONDUIT AUDITIF EXTERNE D’après Mary DAVAL, Stéphane TRINGALI Les pathologies tumorales bénignes du conduit auditif externe regroupent des pathologies osseuses ou tissulaires. Pour les différencier à l’otoscopie, la palpation de la lésion est indispensable. Pour les pathologies osseuses, on distingue un ostéome (solitaire, de taille variable, avec une base d’implantation limitée) d’une exostose (excroissance osseuse, bilatérale et multiple, avec une base d’implantation large). Le scanner n’est pas obligatoire : il est recommandé en cas de forme atypique, d’indication chirurgicale, ou d’otite chronique associée, qui pourrait ne pas être détectée si le tympan n’est pas visible à l’otoscopie. On visualise la base d’implantation d’un ostéome et d’un éventuel contact avec la membrane tympanique. La chirurgie n’est pas systématique : bien que le geste soit simple, le risque de sténose fibreuse postopératoire est significatif. La canaloplastie est recommandée en cas de sténose subtotale avec rétention, d’épisodes infectieux récidivants, ou de difficultés d’appareillage. Il est essentiel d’informer le patient des risques tels que les acouphènes, la surdité, l’atteinte du nerf facial, l’ouverture de l’articulation temporo-mandibulaire, ainsi que la sténose ou la latéralisation tympanique. Deux voies d’abord chirurgicales sont possibles : voie endaurale ou rétro-auriculaire et dépendra des habitudes du chirurgien. Moins fréquemment, la dysplasie fibreuse peut entraîner une sténose quasi totale du conduit auditif externe. Le scanner est recommandé et montre un aspect radiologique en verre dépoli de la médullaire osseuse ou une corticale osseuse soufflée. Une consultation en médecine interne ou en rhumatologie est indispensable pour envisager des thérapies alternatives et éviter une intervention chirurgicale. Dans de rares cas, un méningiome en plaque peut se développer dans le conduit auditif externe. Au scanner, on observe un épaississement des parois osseuses avec un aspect irrégulier de la table interne. L’IRM est utile pour le diagnostic et pour rechercher d’autres méningiomes, notamment intracérébraux. En cas de pathologie tissulaire, il peut s’agir d’un polype sentinelle, surtout en présence d’un écoulement du conduit. Un cholestéatome du conduit auditif externe est également possible : il sera plutôt mou à la palpation, sans écoulement systématique. L’exérèse sera réalisée chirurgicalement. En cas de lésion de consistance molle et non pulsatile, un bilan d’imagerie (scanner et IRM) est privilégié pour le diagnostic (hémangiome, hernie de l’ATM, etc.). Attention aux biopsies avant l’imagerie, même en l’absence de caractère pulsatile.   PARTICULARITÉS DE LA PRISE EN CHARGE DES SURDITÉS DE L’ADULTE JEUNE D’après Ghizlène LAHLOU, Roxane AURENSAN, Jonathan FLAMENT La surdité chez l’adulte jeune, défini généralement comme étant entre 18 et 25 ans, voire jusqu’à 40 ans selon les classifications, nécessite une approche spécifique en raison des demandes particulières de cette population. Ces demandes évoluent en fonction de leur phase de vie, qu’il s’agisse de poursuivre des études, de débuter une carrière professionnelle, de fonder une famille, ou de faire face au regard des autres. En tant que médecin, il est essentiel de mener une évaluation approfondie de la surdité chez ces jeunes adultes. Cela implique de recueillir des informations sur l’âge de début de la surdité, du diagnostic et d’acquisition du langage pour distinguer les surdités pré-, péri et post-linguales. Pour toute surdité débutant avant 50 ans, une recherche approfondie de l’étiologie est nécessaire, incluant les antécédents familiaux de surdité, les éventuelles malformations de l’oreille ou anomalies associées [recherche de surdité syndromique : trouble de pigmentation (Wolfram), malformation d’oreille, troubles ophtalmologiques associés, dysmorphie faciale, goitre thyroïdien (syndrome de Pendred), diabète (surdité mitochondriale qui commence en général à l’âge adulte), atteintes rénales], ainsi que les facteurs de risque acquis comme l’exposition au bruit ou aux médicaments ototoxiques. Le bilan diagnostique doit comprendre au minimum une audiométrie tonale et vocale. On regarde la forme de la courbe même si ce n’est pas forcément discriminant (plate, descendante, ascendante, en « U »), discordance tonale et vocale (neuropathie). À noter qu’une surdité en « U » est plutôt endocochléaire que génétique. Un test dans le bruit peut être utile. Le bilan doit également comprendre des imageries des rochers (scanner et IRM) pour évaluer d’éventuelles anomalies de l’oreille interne ou du nerf cochléaire. Pour toute surdité congénitale ou sans facteur de risque acquis, une analyse génétique sera réalisée, même en l’absence d’étiologie identifiée. Outre les aspects médicaux, la prise en charge de la surdité chez ces adultes jeunes englobe des aspects sociaux et financiers importants. La demande auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) permet d’obtenir des allocations et des prestations compensatoires. Les seuils reconnus comme travailleur handicapé (RQTH) varient en fonction des départements. Une carte d’invalidité sera délivrée si le taux d’incapacité est de plus de 80 % (équivaut à un seuil en tonale > 80 dB). La Prestation compensatoire du handicap (PCH) permet de financer notamment des aides auditives, et est possible à partir d’un seuil auditif > 50 dB en binaural pour les patients actifs et > 70 dB pour les patients non actifs. Ces jeunes adultes peuvent évidemment bénéficier d’un accompagnement psychologique pour faire face aux défis liés à leur surdité. En termes de réhabilitation auditive, une approche individualisée est nécessaire, tenant compte de l’évolution potentielle de la perte auditive et des attentes spécifiques de chaque patient. Les attentes de ces jeunes adultes en matière d’accessibilité sont considérables, que ce soit pour travailler dans des espaces ouverts, participer à des échanges multilingues ou suivre des conférences en ligne. Depuis l’instauration de la loi du 11 février 2005, il est requis que tout lieu public fournisse des dispositifs d’aide à la communication. Différentes solutions technologiques sont disponibles : – la boucle d’induction magnétique, bien que de moins en moins utilisée, offre une alternative avec un coût relativement faible, mais une qualité de transmission variable. Elle peut être utilisée pour plusieurs utilisateurs ; – les systèmes Bluetooth, tels que l’Auracast, permettent une diffusion ouverte d’une source audio vers un nombre illimité de récepteurs, sans frais supplémentaires pour le patient, mais il reste peu disponible en France ; – un système Bluetooth en liaison directe ou indirecte, est couramment utilisé, mais offre une portée limitée (10 mètres), est mono-utilisateur avec une autonomie de batterie restreinte (4-6 h). Il reste cependant abordable (200 à 500 euros) ; – le système de communication FM ou Roger propose des microphones performants avec plusieurs faisceaux directionnels, une adaptabilité accrue, et une portée étendue (25 mètres), il est multi-utilisateur. Son coût est en revanche plus élevé (1 000 à 3 000 euros). Le bilan orthophonique englobe divers questionnaires, dont l’ERSA (Échelle de réalisation sociale et d’activité) pour évaluer la qualité de vie, ainsi que l’ECOMAS (Échelle de communication dans les maladies du système nerveux central) pour évaluer la communication. En complément, un bilan cognitif peut s’avérer utile, car les jeunes patients se plaignent souvent de difficultés d’attention ou de mémoire. Ce bilan inclut des tests pour évaluer la mémoire de travail, la mémoire auditive et la flexibilité mentale. Il est remarquable de constater que les jeunes, notamment les étudiants, présentant des surdités bilatérales appareillées ou implantées, rencontrent souvent des difficultés lors de ces tests. En consultation, il est possible de proposer aux patients un apprentissage de la lecture labiale, qui fournit environ 30 % des informations nécessaires à la compréhension du discours. Cela permet au patient de maintenir des performances optimales en communication tout en réduisant la fatigue. Par ailleurs, une rééducation auditivo-cognitive peut être proposée, impliquant un travail de compréhension de la parole dans des environnements bruyants, la stimulation des processus de suppléance mentale et le renforcement des fonctions cognitives. • La prise en charge de la surdité chez les adultes jeunes doit être pluridisciplinaire, intégrant des aspects médicaux, sociaux, psychologiques et technologiques pour répondre de manière optimale aux besoins de cette population spécifique.

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