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Cancérologie

Publié le 28 juin 2024Lecture 6 min

Le dépistage du cancer du poumon en 2024 : où en est-on ?

Olivier LELEU, Chef du service de pneumologie et oncologie thoracique, Centre hospitalier d'Abbeville

Le cancer du poumon est un excellent candidat au dépistage, il répond en effet aux 10 critères établis par l’Organisation mondiale de la santé pour dire qu’une maladie est éligible à un dépistage organisé (tableau 1).

  LE CANCER DU POUMON : UN PROBLÈME MAJEUR DE SANTÉ PUBLIQUE   En France, le cancer du poumon reste la première cause de mortalité par cancer avec 33 117 décès en 2018 (22 761 chez les hommes et 10 356 chez les femmes). Il est le 3e cancer le plus fréquent avec 52 777 nouveaux cas estimés en 2023. L’âge médian au diagnostic est de 69 ans chez les hommes et 68 ans chez les femmes. Si l’incidence s’est stabilisée, voire légèrement diminuée chez les hommes, elle progresse de manière dramatique chez les femmes avec une évolution annuelle moyenne de +4,3 % par an depuis 2010(1).   LE TABAGISME RESPONSABLE DE 8 CANCERS DU POUMON SUR 10   Le principal facteur de risque du cancer du poumon reste le tabagisme impliqué dans 81 % des nouveaux cas de cancers. Les autres facteurs de risque reconnus sont les expositions toxiques professionnelles (amiante, silice, vapeurs de diesel…), les expositions environnementales (radon, particules fines), les antécédents personnels et familiaux de cancer du poumon et d’affections respiratoires (BPCO, emphysème, tuberculose), les antécédents d’exposition aux radiations (radiothérapie pour lymphome ou cancer du sein) et l’exposition dans certaines régions du monde aux polluants issus de la cuisson et du chauffage.   LE DÉPISTAGE DU CANCER DU POUMON : UN NOUVEAU PARADIGME   Le facteur pronostique le plus puissant du cancer du poumon est sa classification en stade TNM avec une survie à 5 ans qui passe de 92 % pour les stades IA à 10 % pour les stades IVA. Malheureusement le diagnostic de cancer du poumon se fait habituellement à un stade évolué. Récemment l’étude KBP2020 a montré que sur 8 999 nouveaux cas de cancers du poumon seuls 21,5 % étaient diagnostiqués aux stades I, II, contre 78,5 % aux stades III et IV(2). Le but du dépistage du cancer du poumon est donc de diagnostiquer des formes précoces de cancer pouvant bénéficier de traitements curatifs (figure 1). Figure 1. Nodule lobaire inférieur droit correspondant à un adénocarcinome T1aN0M0 traité par lobectomie inférieure droite chez un patient de 66 ans ayant bénéficié d’un dépistage du cancer du poumon dans le cadre de l’étude DEP KP80.   L’étude NLST menée en 2011 chez plus de 53 000 sujets à haut risque de cancer du poumon (55-74 ans, tabagiques à plus de 30 paquets/année, actifs ou sevrés depuis moins de 15 ans) en montrant une réduction significative de la mortalité spécifique du cancer du poumon de 20 % et de la mortalité globale de 6,7 % dans le bras expérimental (scanner faiblement irradiant annuel pendant 3 ans) a ouvert la voie au dépistage du cancer du poumon(3). L’essai européen belgo-néerlandais NELSON publié en 2022 a confirmé ces résultats. Les critères d’éligibilité étaient légèrement différents de ceux de NLST : sujets âgés de 50 à 75 ans, fumeur à plus de 10 cigarettes par jour pendant au moins 30 ans ou plus de 15 cigarettes par jour pendant au moins 25 ans, fumeurs actifs ou sevrés depuis moins de 10 ans. Les scanners faiblement irradiants étaient proposés à l’inclusion, 1 an plus tard, 2 ans après le précédent et 2,5 ans après le précédent. Près de 15 000 individus ont été randomisés dans l’essai. Les résultats montraient, chez les hommes, une réduction significative de la mortalité spécifique de 24 % à 10 ans. Chez les femmes, le bénéfice est beaucoup plus important, mais n’atteignait pas la significativité à 10 ans (0,67 (95 % CI, 0,38-1,14)(4). L’originalité et l’efficience de l’essai NELSON tiennent à sa technique d’interprétation des scanners privilégiant la volumétrie et au concept de dépistage indéterminé pour les nodules de volume moyen avec TDM de contrôle à 3 mois et mesure du temps de doublement. Cette méthodologie a permis de réduire de manière drastique le nombre de faux positifs à 1,2 % versus 23,3 % dans l’étude NLST. L’essai italien MILD a également rapporté des résultats positifs. Cet essai comparait trois stratégies : un bras contrôle (N = 1 723) et deux bras interventionnels, le premier avec un scanner annuel(N = 1186) et un second avec un scanner tous les deux ans (N = 1 190). À 10 ans, on retrouve une réduction de la mortalité par cancer bronchopulmonaire (HR = 0,61 [0,39- 0,95]) dans les deux bras scanners groupés sans différence entre le dépistage annuel et bisannuel(5). D’autres études européennes ont également montré que le dépistage permettait un diagnostic de formes précoces de cancers du poumon se traduisant par des taux élevés de traitements chirurgicaux. Ces études n’avaient toutefois pas la puissance statistique pour mettre en évidence une réduction de la mortalité spécifique ou globale (tableau 2).   Récemment la méta-analyse de la Revue Cochrane sur l’impact du dépistage par scanner faiblement dosé (TDM FD) sur la mortalité liée au cancer du poumon retrouve une réduction significative de la mortalité spécifique du cancer du poumon de 21 % (RR 0.79, 95 % CI 0,72 à 0.87) et de la mortalité globale de 5 % (RR 0.95, 95 % CI 0,91 à 0.99)(6) (figure 2). Figure 2. Revue Cochrane : efficacité du dépistage du cancer du poumon par TDM FD.   OÙ EN SOMMES-NOUS EN FRANCE AUJOURD’HUI ?   À l’image de nombreuses sociétés savantes internationales, un groupe d’experts français a recommandé dès 2013 avec une actualisation en 2021 le dépistage du cancer du poumon par TDM FD pour les populations à risque(7) (tableau 3). Après avoir émis un avis négatif en 2016, la Haute Autorité de santé française a reconnu en février 2022 l’efficacité du TDM FD dans le dépistage du cancer du poumon et encouragé la mise en place d’expérimentations en vie réelle et d’un programme pilote par l’INCa avant d’envisager un dépistage organisé national.   Dans le département de la Somme, nous avons mis en place une cohorte « de vie réelle » dont les premiers résultats sont particulièrement démonstratifs. La participation au premier tour est importante puisque plus de 75 % des individus recrutés ont effectué leur premier scanner. Nous retrouvons également des résultats très proches de ceux de NELSON avec 5,3 % de tests positifs (valeur prédictive positive 46,3 %) permettant de détecter au premier tour un cancer chez 31 patients, dont près de 80 % ont été réséqués chirurgicalement. On note par contre une baisse significative de la participation au second et troisième tour, respectivement 40 % et 29 %(8). D’autres essais cliniques sont en cours en France : ACAPULCO en Corse, DACAPO à Nice, ILYAD à Lyon, CASCADE et PREVALUNG à Paris. Lors de la présentation de la stratégie décennale de lutte contre le cancer 2021-2030, le Président de la République Emmanuel Macron a par ailleurs eu ce message fort : « Fixons-nous une priorité que, d’ici quelques années, nous aurons déployé pour le cancer du poumon des campagnes au moins aussi efficaces que celles qui ont cours pour les cancers que je viens de citer. Alors, nous aurons défriché une nouvelle frontière. » Un référentiel est en cours d’élaboration par l’INCa, suivra dans les mois à venir un cahier des charges pour un appel à candidatures et le déploiement dans plusieurs régions françaises d’un dépistage organisé du cancer du poumon avant une éventuelle généralisation nationale. À l’avenir, l’apport de l’Intelligence artificielle, des biomarqueurs et des modèles de prédiction de risque pourraient améliorer l’efficience des ressources en professionnels de santé et ainsi optimiser la participation qui reste la pierre angulaire de tout programme de dépistage. Voici mes conflits d’intérêts en rapport avec cet article : participation au cours des trois dernières années à des groupes d’experts, des financements pour participation à des congrès et des actions de formation de la part des laboratoires AstraZeneca, Bristol-Myers Squibb, Roche.

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