Publié le 08 juin 2011Lecture 5 min
La prévention des maladies allergiques : une démarche prénatale ?
F. RANCÉ, Service Allergologie-Pneumologie, Pôle Médico-chirurgical de Pédiatrie, Hôpital des Enfants, Toulouse
Les maladies allergiques font intervenir la génétique et l’environnement (1). Un nouveau concept dénommé épigénétique permet de relier génétique et environnement aux phénotypes des maladies allergiques (1). L’épigénétique module l’expression des gènes sans altérer la séquence de l’ADN (acide désoxyribonucléique). La prévention s’est intéressée à la période postnatale et beaucoup moins à la période foetale. Pourtant, les expositions in utero moduleraient aussi le développement immunitaire du foetus et la susceptibilité aux maladies allergiques (1). Ce concept permet d’envisager d’autres modalités de prévention, en particulier in utero. Le nombre croissant de publications témoigne de l’intérêt porté à l’épigénétique dans l’asthme et les maladies allergiques (2).
La prévention primaire : état des lieux Les sociétés savantes européennes et américaines sont unanimes pour les propositions suivantes (3) (tableau 1) : • Il n’y a pas d’arguments pour recommander des évictions alimentaires pendant la grossesse et pendant l’allaitement. • L’allaitement maternel est toujours à privilégier, exclusif et prolongé, si possible 4 à 6 mois. Le choix de la formule en complément de l’allaitement ou lors de son arrêt doit être discuté au cas par cas, en connaissant l’amplitude du bénéfice escompté, et en le discutant avec les familles. Si le bénéfice de certaines formules est évident sur le versant statistique, il faut rappeler qu’aucune des préparations pour nourrissons étudiées n’a démontré un impact sur la survenue d’un asthme ou des manifestations atopiques autres que l’eczéma. • La diversification est conseillée après 17 semaines et avant 24 semaines, avec des aliments riches en fer (oeuf, viande) et en acides gras polyinsaturés à longue chaîne (oeuf, poisson gras). En l’absence d’allergie alimentaire prouvée, la diversification est préconisée sans limitation d’aliments, mais en respectant un ordre d’introduction habituelle pour l’âge. Le concept de l’épigénétique L’épigénétique est l’étude des modifications des mitoses qui apparaissent sans altération directe sur la séquence de l’ADN. Les trois principaux mécanismes de l’épigénétique sont : – la modification de la méthylation de l’ADN par addition covalente d’un groupe méthyl à un résidu cytosine ; – l’acétylation des histones et la modification de la terminaison des acides aminés ; – l’expression aberrante d’ARN (acide ribonucléique) messager qui régule l’expression d’une cohorte de gènes. Il en résulte une altération de la structure de la chromatine des gènes, une augmentation de la transcription des gènes qui seront à l’origine de l’augmentation de la susceptibilité à développer des maladies allergiques. Sur un versant immunologique, il est observé une activation des lymphocytes de type Th2, alors que les Th1 sont rendus silencieux. Cette étape est essentielle au non-rejet du foetus pendant la vie intra-utérine. L’environnement peut accentuer ce phénotype Th2 et modifier l’expression des gènes pour les programmer vers une voie facilitant le développement des allergies. Après la naissance, l’environnement peut être à l’origine d’une persistance inappropriée de l’expression des gènes périnataux avec réduction de la voie silencieuse Th1 et régulatrice qui activera la voie Th2 de différenciation allergique. Une prévention in utero est-elle envisageable ? De nombreux facteurs environnementaux, pré- et postnataux, ont la capacité de modifier le programme épigénétique et l’expression des gènes pendant la période précoce du développement du système immunitaire. Les études préliminaires sont en faveur d’un rôle facilitateur pour la voie allergique de l’utilisation pendant la grossesse du paracétamol, des corticoïdes et des folates. Parmi les facteurs diététiques protecteurs du développement des allergies, il faut citer les probiotiques (4), les poissons riches en oméga 3, les antioxydants, la vitamine D et globalement le régime méditerranéen (tableau 2). Ces données posent des problèmes pratiques pendant la grossesse. Que pourra-t-on prescrire chez une femme enceinte fébrile ou qui a tout simplement mal à la tête ? Est-il préférable de réduire le risque allergique plutôt que le risque de spina bifida ou de prématurité et donc de maladie des membranes hyalines ? Conclusion L’épigénétique est l’illustration des changements environnementaux qui influencent, pendant la grossesse et les premières années de vie, le développement des maladies allergiques en modifiant l’expression des gènes. Néanmoins, il est encore trop tôt, en l’état actuel de nos connaissances, d’élaborer des recommandations pour la prévention des maladies allergiques in utero.
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