Publié le 22 sep 2014Lecture 9 min
Ce qu’il faut savoir des mycobactérioses atypiques non tuberculeuses
C. ANDRÉJAK, Service de pneumologie et réanimation respiratoire, CHU d’Amiens
L’isolement d’une mycobactérie non tuberculeuse (MNT) dans un prélèvement pulmonaire n’est pas synonyme d’infection. Le diagnostic s’appuie sur l’association de critères cliniques, radiologiques et microbiologiques. Les principales MNT en France, sont M. avium intracellulare, M. xenopi, M. kansasii, M. abscessus. Leur prise en charge est difficile et mal connue.
Pour M. avium intracellulare et M. kansasii, le traitement est bien codifié avec respectivement l’association clarithromycine-rifampicine-éthambutol et l’association isoniaziderifampicine- éthambutol. Pour M. xenopi, le traitement optimal n’est pas connu et l’association clarithromycine-rifampicine-éthambutol est actuellement recommandé, avec en alternative la moxifloxacine. Pour M. abscessus, il est difficile et s’appuie sur les données de l’antibiogramme. De manière générale, le traitement est long et émaillé de problèmes de tolérance.
Pour M. avium intracellulare et M. kansasii, le traitement est bien codifié avec respectivement l’association clarithromycine-rifampicine-éthambutol et l’association isoniaziderifampicine- éthambutol. Pour M. xenopi, le traitement optimal n’est pas connu et l’association clarithromycine-rifampicine-éthambutol est actuellement recommandé, avec en alternative la moxifloxacine. Pour M. abscessus, il est difficile et s’appuie sur les données de l’antibiogramme. De manière générale, le traitement est long et émaillé de problèmes de tolérance.
Généralités Les mycobactéries non tuberculeuses (MNT) ou atypiques font partie de la famille des Mycobacteriaceae. Contrairement à M. tuberculosis, les MNT sont « non pathogènes stricts » de l’homme. De nombreuses espèces de MNT ont été décrites (plus de 125 en 2007)(1). Seules quelques MNT ont une pathogénicité pulmonaire prouvée(2). Épidémiologie En France, l'incidence des infections respiratoires à MNT serait de 1 pour 100 000 habitants(3), avec 47,7 % de MAC, 25,2 % de M. xenopi, 12,9 % de M. kansasii et 10,7 % de mycobactéries à croissance rapide (principalement M. abscessus complex)(3). La source d’infection semble être uniquement environnementale (sources naturelles et réseaux de distribution de l’eau, et terre)(4). Aucun argument n’est en faveur d’une transmission interhumaine. Facteurs de risque La littérature reste très pauvre sur les facteurs de risque d’infection. Les pathologies pulmonaires chroniques (essentiellement BPCO, bronchectasies, mucoviscidose) apparaissent comme les comorbidités les plus souvent retrouvées chez les patients ayant une infection à MNT(1,5). D’autres facteurs sont également décrits, comme un phénotype clinique prédisposé aux infections à MNT(6), le reflux gastro-œsophagien(7) ou une immunodépression générale(8). Diagnostic des infections à mycobactéries non tuberculeuses Les MNT n’étant pas des pathogènes stricts de l’homme, isolement d’une MNT et infection à MNT ne sont pas synonymes. Le diagnostic repose donc sur des critères cliniques, radiologiques, bactériologiques, associé à l’élimination des autres diagnostics plus probables que l’infection à MNT(2). Enfin, un diagnostic d’infection ne doit pas systématiquement faire prescrire un traitement antibiotique. Critères cliniques et radiologiques Selon les critères actuels, il est nécessaire d’exiger une symptomatologie pulmonaire clinique (toux, expectorations, dyspnée, hémoptysie, altération de l’état général) et radiologique compatible. La difficulté réside dans l’attribution des symptômes à l’aggravation de la pathologie pulmonaire sous-jacente ou à la MNT. Les lésions radiologiques sont classiquement des lésions nodulaires ou cavitaires (figures 1, 2 et 3), plus rarement à type de syndrome micronodulaire diffus(2). Figure 1. Scanner thoracique en coupes parenchymateuses montrant une lésion nodulaire due à une infection à M. xenopi chez un patient emphysémateux. Figure 2. Radiographie thoracique de face montrant une lésion excavée apicale droite due à une infection à M. kansasii. Figure 3. Scanner thoracique du même patient infecté à M. kansasii, retrouvant une lésion excavée apicale droite. Critères bactériologiques Les critères microbiologiques d’infection à MNT actuels sont : – deux cultures positives ou plus à MNT sur deux expectorations prélevées deux jours différents ; – et/ou une culture positive à MNT sur un lavage bronchoalvéolaire ou une aspiration bronchique dirigée ; – et/ou une biopsie transbronchique ou biopsie pulmonaire chirurgicale ayant une histologie en faveur d’une infection à mycobactéries (granulome ou coloration de Ziehl positive) et une culture positive ou une biopsie ayant une histologie compatible avec une mycobactériose et une ou plusieurs expectorations positives en culture à MNT. Au minimum, le clinicien doit disposer du résultat de trois examens cytobactériologiques de crachat (ECBC) réalisés à des dates différentes pour discuter du diagnostic(2) (encadré). Que demander au laboratoire de bactériologie lorsque le diagnostic est suspecté ? • Quels prélèvements ? Classiquement, on enverra des ECBC réalisés au moins 3 jours séparés. Si le patient ne crache pas, des aspirations bronchiques per fibroscopie peuvent être réalisées(1). La réalisation d’une fibroscopie bronchique n’est pas systématique pour le diagnostic bactériologique, mais a l’avantage d’éliminer d’autres diagnostics plus probables. • Intérêt d’un antibiogramme ? La corrélation entre susceptibilité in vitro et efficacité in vivo n’est pas clairement établie et les données varient d’une mycobactérie à l’autre. Pour M. kansasii, seule la résistance à la rifampicine est prédictive d’un échec clinique, pour MAC c’est la clarithromycine, mais pour M. xenopi, aucune corrélation entre données in vitro et in vivo n’est retrouvée et donc pour ce dernier, l’antibiogramme ne sera proposé qu’en cas d’échec du traitement de première ligne. Pour les mycobactéries à croissance rapide, l’antibiogramme doit être systématiquement réalisé. Principes du traitement Quand débuter un traitement ? Une fois le diagnostic posé, la décision de traiter est souvent basée sur l’importance du retentissement clinique et radiologique de l’infection et sur l’importance des comorbidités du patient. Lorsque le clinicien choisit de ne pas traiter, il doit absolument suivre de manière rapprochée ses patients, le traitement pouvant secondairement s’avérer nécessaire. Quel traitement, quelle surveillance et pour quelle durée ? Une fois que la décision de traiter est prise, le choix des molécules à utiliser doit s’appuyer initialement sur l’espèce en cause et être adapté secondairement à l’efficacité et à la tolérance du patient. Les règles de base sont : – au moins trois antibiotiques associés ; – une molécule clé associée à deux molécules compagnons pour limiter le risque d’émergence de résistance ; – pour une durée minimale de 12 mois après négativation des prélèvements (avis d’expert) ; – une surveillance clinique (efficacité et tolérance), radiologique, biologique et bactériologique. Particularités liées à l’espèce en cause M. avium complex (MAC) MAC contient plusieurs espèces : M. avium, M. intracellulare, mais aussi M. triplex, M. lentiflavum, M. celatum ou M. conspicuum, etc. Plusieurs formes clinico-radiologiques sont décrites : forme cavitaire du fumeur de 50 ans (49 ± 65), forme bronchectasiante, parfois appelée « Lady Windermere syndrome », correspondant à des infiltrats nodulaires et interstitiels du lobe moyen et de la lingula survenant principalement chez la femme âgée, et enfin le hot tub lung qui correspond à une pneumopathie d’hypersensibilité à MAC, survenant chez les sujets fréquentant les spas (réaction immuno-allergique à un antigène de MAC). La première forme (cavitaire) peut être une forme rapidement progressive aboutissant à une destruction pulmonaire importante, nécessitant le plus souvent un traitement. La décision de traitement dans la deuxième forme ne sera pas systématique (selon retentissement clinique et comorbidités). Enfin, pour la forme hot tub lung, le traitement consiste en une éviction allergénique et une éventuelle corticothérapie(10). Le traitement des infections à MAC repose sur les macrolides (clarithromycine et azithromycine). En termes d’efficacité, la clarithromycine domine, en termes de tolérance c’est l’azithromycine(11). La clarithromycine doit toujours être associée à au moins deux autres antibiotiques, classiquement une rifamycine (rifampicine, sauf si le patient a un traitement pouvant interagir avec la rifampicine via le cytochrome P450, sinon rifabutine) et de l’éthambutol. Les autres antibiotiques efficaces sont les aminosides proposés pour des infections à MAC extensives(2). Le traitement recommandé(2) pour une infection pulmonaire à MAC sensible aux macrolides est : – la clarithromycine 1 000 mg/j en 2 prises ; – en association avec la rifampicine 10 mg/kg/j (maximum 600 mg/j) ; – et à l’éthambutol 15 mg/kg/j ; – association à un aminoside (amikacine 10 mg/kg, objectif pic à 20 mg/ml) dans les infections agressives pendant 2 mois ; – en cas d’infection disséminée chez le patient VIH positif, le traitement sera identique hormis le remplacement de la rifampicine par la rifabutine (300 mg/j). En cas d’infection respiratoire à MAC résistant aux macrolides, les molécules possibles à utiliser sont l’isoniazide, la moxifloxacine. La possibilité d’une chirurgie est à évoquer chez ces patients. M. xenopi M. xenopi est une mycobactérie d’incidence croissante, notamment dans le Nord de la France. Trois tableaux radiocliniques bien distincts ont été individualisés dans une étude réalisée chez 136 patients infectés(12) : – forme excavée du patient ayant une immunodépression locale ; – forme interstitielle du patient ayant une immunodépression systémique ; – forme nodulaire du patient immunocompétent. Le traitement proposé par l’ATS(2) est basé sur l’association clarithromycine- rifampicine-éthambutol. Une fluoroquinolone, de préférence la moxifloxacine, peut remplacer l’une des molécules. La chirurgie pourrait être proposée en cas d’échec du traitement chez des patients ayant une capacité respiratoire correcte. Peu de données nous permettent aujourd’hui de connaître le meilleur traitement à utiliser. Les données actuelles sont en faveur d’un traitement contenant de la rifampicine et de l’éthambutol. Parmi les molécules à associer, la clarithromycine et la moxifloxacine sont candidates. Pour essayer d’évaluer ces deux molécules, un essai clinique multicentrique français est en cours (Essai CaMoMy, PHRC 2010). M. kansasii M. kansasii est la mycobactérie la plus proche de M. tuberculosis en termes de présentation clinique, radiologique, antigénique ou thérapeutique. Les lésions classiques sont de type infiltrats et cavernes au niveau des apex, avec parfois des formes bronchectasiantes pouvant correspondre à un stade plus précoce de la maladie. La molécule clé du traitement est la rifampicine(2). Le traitement classique est un traitement antituberculeux sans pyrazinamide, avec rifampicine (10 mg/kg/j, maximum 600 mg/j), éthambutol (15 mg/kg/j) et isoniazide (5 mg/kg/j, maximum de 300 mg/j) pour une durée de 12 mois après négativation des prélèvements, sans dépasser 18 mois. Certains auteurs pensent que 9 mois peuvent suffire pour M. kansasii. En cas de souche résistante à la rifampicine, le traitement doit être basé sur la sensibilité in vitro. Mycobactéries à croissance rapide La principale mycobactérie à croissance rapide est M. abscessus(13). C’est la première MNT isolée chez les patients porteurs d’une mucoviscidose. Les lésions radiologiques sont souvent multilobaires, réticulo-nodulaires ou alvéolointerstitielles, prédominant aux apex. Les lésions excavées sont plus rares. M. chelonae et M. fortuitum sont rarement responsables d’infections pulmonaires. Pour M. abscessus, le but du traitement est l’amélioration clinique, radiologique et la négativation des prélèvements pendant au moins 12 mois, aucun traitement ne permettant une négativation prolongée des prélèvements. Le traitement proposé comporte l’association de la clarithromycine, de l’amikacine et de la céfoxitine ou de l’imipénem, et doit être basé sur l’antibiogramme. L’idéal est de pouvoir compléter le traitement antibiotique par une prise en charge chirurgicale radicale(13), possible uniquement lorsque la maladie est limitée. De nouveaux antibiotiques pourraient être utiles mais n’ont pas encore été évalués (oxazolidinones et glycylcyclines).
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :