Publié le 25 oct 2024Lecture 6 min
Prévention des infections à pneumocoques chez l’adulte
Élodie BLANCHARD, Groupe de recherche et d’enseignement en pneumo-infectiologie (GREPI) de SPLF, service de pneumologie, CHU de Bordeaux
Les infections à pneumocoques sont causées par Streptococcus pneumoniae, une bactérie commensale des voies respiratoires supérieures et opportuniste dont plus de 90 sérotypes ont été identifiés. En France, les pneumocoques sont la première cause de pneumopathie bactérienne communautaire et de méningite bactérienne chez l’adulte et sont aussi responsables de sinusites et d’otites particulièrement chez l’enfant. L’infection est dite invasive quand le pneumocoque est mis en évidence dans un site normalement stérile (sang, LCR)(1,2).
FACTEURS DE RISQUE ET MORTALITÉ
Les infections à pneumocoque touchent le plus souvent les jeunes enfants, les personnes âgées et les personnes atteintes de maladies chroniques ou d’immunodépression. Ainsi, le Haut Conseil de la santé publique a, en 2017, défini des niveaux de risque d’infections invasives à pneumocoques(2,3). Il faut toutefois noter que l’incidence des infections à pneumocoques augmente aussi avec l’âge en l’absence de comorbidités ou immunodépression(2,3).
À risque : personnes immunocompétentes atteintes des pathologies sous-jacentes suivantes : cardiopathie congénitale cyanogène, insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire chronique, broncho-pneumopathie obstructive, emphysème, asthme sévère sous traitement continu, insuffisance rénale, hépatopathies chroniques de toutes origines, diabète non équilibré par le simple régime, patients présentant une brèche ostéoméningée ou candidats à des implants.
À haut risque : personnes im munodéprimées : aspléniques ou hypospléniques (incluant les syndromes drépanocytaires majeurs), atteints de déficits immunitaires héréditaires, infectés par le VIH, quel que soit le statut immunologique, sous chimiothérapie pour tumeur solide ou hémopathie maligne, transplantés ou en attente de transplantation d’organe solide, greffés de cellules souches hématopoïétiques, traités par immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie pour une maladie auto-immune ou inflammatoire chronique, atteints de syndrome néphrotique.
La mortalité des infections à pneumocoques varie de 10 à 30 % selon les études et augmente avec l’âge et la présence de facteurs de risque(1,2).
En France, la vaccination antipneumococcique recommandée chez l’adulte cible les personnes considérées à risque et à haut risque. Jusqu’en 2023, la stratégie vaccinale reposait sur un schéma séquentiel comprenant l’administration d’un vaccin conjugué 13-valent (VPC 13) et d’un vaccin pneumococcique polyosidique non conjugué 23-valent (VPP 23), et prévoyait une revaccination par VPP 23 en respectant un délai de 5 ans après la précédente injection de ce même vaccin(3).
UNE ÉPIDÉMIOLOGIE CHANGEANTE
L’introduction du vaccin VPC13 dans le calendrier vaccinal du nourrisson en 2010 a permis une diminution de l’incidence des infections invasives à pneumocoques chez l’enfant de moins de 2 ans et chez les enfants plus âgés et les adultes(1,4).
L’épidémiologie des infections invasives à pneumocoque a ainsi évolué en France avec l’émergence d’infections à pneumocoques de sérotypes non vaccinaux (notamment les sérotypes 8, 12F, 22F chez les adultes, et le sérotype 24F chez les enfants) et au sérotype 3 inclus dans le VPC 13, du fait d’une moindre protection du vaccin contre ce sérotype(1). En 2020 chez les adultes âgés de 65 ans et plus, les principaux sérotypes observés dans les infections invasives à pneumocoque étaient les sérotypes 8 (non inclus dans le vaccin VPC 13) et 3 représentant respectivement 15,38 % et 11,37 % des bactériémies et 10,24 % et 9,45 % des méningites(2,4).
UNE COUVERTURE VACCINALE TRÈS INSUFFISANTE
Une étude française ayant utilisé les données de l’Assurance maladie entre 2014 et 2018 a montré une couverture vaccinale de la population à risque très insuffisante, avec la vaccination de seulement 2,9 % de la population à risque et 18,8 % de la population à haut risque(5). La complexité du schéma à 2 injections pourrait participer à ce défaut de couverture vaccinale.
NOUVEAUX VACCINS
Deux nouveaux vaccins conjugués ont été développés afin de s’adapter à l’épidémiologie.
Le vaccin VPC20 est dirigé contre 20 sérotypes pneumococciques soit les 13 sérotypes couverts par le VPC13 (1, 3, 4, 5, 6A, 6B, 7F, 9V, 14, 18C, 19A, 19F et 23F) et 7 sérotypes supplémentaires (8, 10A, 11A, 12F, 15B/C, 22F, 33F). Il a reçu une AMM européenne le 14 février 2022 dans l’immunisation active pour la prévention des maladies invasives et des pneumonies causées par S. pneumoniae chez les personnes âgées de 18 ans et plus. Les études ayant conduit à cette AMM sont des études d’immunogénicité comparant notamment les moyennes géométriques des titres d’anticorps opsonisants obtenues à 1 mois d’une vaccination par le VPC20 versus le schéma séquentiel VPC13 suivi de VPP23. Le critère de non-infériorité a été atteint pour 19 des 20 sérotypes, à l’exception du sérotype 8. Le profil de tolérance du VPC20 était comparable à celui du VPC13. La plupart des événements locaux et systémiques sollicités étaient d’intensité légère à modérée. Aucun événement indésirable grave relié à la vaccination n’a été signalé(6).
Le vaccin VPC15 est dirigé contre 15 sérotypes pneumococciques soit les 13 sérotypes couverts par le VPC13 et 2 sérotypes supplémentaires (22F et 33F). Il a reçu une AMM européenne le 13 décembre 2021 chez les adultes pour l’immunisation active pour la prévention des infections invasives et des pneumonies causées par Streptococcus pneumoniae chez les personnes âgées de 18 ans et plus. Une extension d’AMM a été obtenue le 15 septembre 2022 pour l’immunisation active pour la prévention des infections invasives, des pneumonies et des otites moyennes aiguës causées par Streptococcus pneumoniae chez les nourrissons, les enfants et les adolescents âgés de 6 semaines à moins de 18 ans. Les études ayant conduit à cette AMM sont des études d’immunogénicité comparant notamment les moyennes géométriques en opsonophagocytose (OPA) obtenues à 1 mois d’une vaccination par le VPC15 versus le VPC13(7,8). Il faut noter que chez l’adulte de plus de 50 ans, le VPC15 a montré une supériorité en termes d’immunogénicité pour le sérotype 3(8).
RECOMMANDATION HAS
La HAS s’est prononcée en juillet 2023 sur l’actualisation de la stratégie vaccinale contre les infections invasives à pneumocoques et notamment la place du nouveau vaccin conjugué 20-valent(2).
La HAS considère que l’ajout de 7 sérotypes supplémentaires et la simplification du schéma vaccinal justifient l’utilisation préférentielle du vaccin conjugué 20-valent (VPC20) en remplacement du schéma combiné VPC13-VPP23 actuellement en vigueur.
En effet, l’absence de démonstration de la non-infériorité sur le sérotype 8 ne permet pas de conclure à une moindre protection clinique conférée par VPC 20 en comparaison au schéma actuel.
À noter que le VPC15 a été positionné par la HAS chez les nourrissons, les enfants de 2 à 5 ans et les enfants de 5 ans et plus mais pas chez l’adulte(7).
La HAS ne recommande pas de campagne de rattrapage de vaccination. Les adultes éligibles à la vaccination antipneumococcique ayant déjà reçu un ou des vaccins avant la mise en place de ce schéma vaccinal poursuivront leur schéma de vaccination selon les schémas recommandés ci-dessous(2) :
– les personnes ayant reçu une seule dose de VPC13 ou une seule dose de VPP23 reçoivent une dose de VPC20 si la vaccination antérieure remonte à plus de 1 an ;
– les personnes déjà vaccinées avec la séquence VPC13-VPP23 pourront recevoir une injection de VPC20 en respectant un délai de 5 ans après la précédente injection.
La figure résume ces recommandations.
Figure. Stratégie de vaccination contre les infections à pneumocoque, selon le rapport de la HAS du 27 juillet 2023(2).
PRESCRIPTION ET ADMINISTRATION : NE PAS RETARDER LA VACCINATION
Le VPC20 est disponible en pharmacie d’officine et peut être prescrit et administré à n’importe quel moment de l’année. L’élargissement des compétences vaccinales permet, comme pour les autres vaccins inertes, sa prescription et son administration par les sages-femmes, pharmaciens et infirmiers sous réserve d’une formation spécifique.
CONCLUSION
• Les infections à pneumocoques de l’adulte sont potentiellement graves et mortelles.
• Un nouveau vaccin conjugué 20-valent efficace, bien toléré et plus adapté à l’épidémiologie actuelle est disponible et recommandé par la HAS.
• Son administration simple en 1 injection devrait permettre d’augmenter la couverture vaccinale actuellement très insuffisante pour la protection des patients à risque.
Conflits d’intérêts déclarés par l’auteur de cet article : collaboration au cours des trois dernières années avec Pfizer et MSD.
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