Publié le 09 avr 2015Lecture 23 min
Sémiologie vestibulaire centrale
H. BOZEC, Site Médipôle, Cabestany
L’examen clinique de tout patient venant consulter un praticien est la base de toute démarche diagnostique. C’est particulièrement le cas de la pathologie vertigineuse au sein de laquelle cet examen, correctement effectué, doit être capable dans 9 cas sur 10 d’aboutir à un diagnostic. Il est sans doute nécessaire, en ces temps actuels où la société ne voit la vérité que par l’image, de rappeler les éléments sémiologiques nécessaires au praticien pour qu’il puisse assurer son diagnostic et rendre son verdict.
Une étude récente(1) et une revue récente de la littérature(2) montrent qu’une analyse sémiologique rigoureuse, en particulier des mouvements oculaires, est plus sensible que l’IRM dans la détermination du niveau lésionnel. L’exposé suivant se propose d’éclairer les points sémiologiques évoquant une origine neurologique d’un syndrome vestibulaire. Un prochain article visera à dresser la liste des principales pathologies neurologiques à l’origine d’un tel syndrome. Données de l'interrogatoire L’interrogatoire fournit au clinicien des éléments importants dans sa stratégie diagnostique. Seuls seront développés ceux qui orientent spécifiquement vers l’origine cérébrale du syndrome vertigineux. Recherche des antécédents médicaux Elle est orientée sur l’existence de pathologies neurologiques connues et sur les facteurs favorisants de certaines d’entre elles. On recherchera donc, préférentiellement : – la survenue d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques constitués ou transitoires ou de facteurs favorisants connus : tout facteur de risque vasculaire reconnu comme tel, des pathologies emboligènes (valvulopathies, troubles du rythme cardiaque, athérome avéré, thrombophlébites à l’origine d’embolies paradoxales, etc.), des situations à risque (accident de décompression, etc.), des maladies systémiques (lupus notamment) ; – l’existence d’une pathologie cancéreuse primitive cérébrale ou secondaire métastatique ; – l’existence d’une maladie neurodégénérative, d’une sclérose en plaques (SEP), d’une épilepsie, d’une migraine ; – l’existence d’antécédents familiaux (cérébellopathies notamment). Bilan symptomatique Il fait état de l’ensemble des symptômes ressentis dont il faut rechercher l’exhaustivité. • La sensation vertigineuse • Le type : – l’illusion rotatoire semble moins fréquente que dans les pathologies périphériques mais n’élimine pas une atteinte centrale : elle sera d’autant plus fréquente que l’atteinte est proche du neurone vestibulaire primaire (c’est le cas des AVC du tronc cérébral et notamment du syndrome de Wallenberg) ; – l’illusion de translation verticale évoque davantage une origine centrale ; – les sensations de mouvement plus complexes sont davantage l’apanage des atteintes neurologiques, notamment celles intéressant le cortex cérébral (épilepsies, AVC supratentoriels) : – autoscopie (= héautoscopie) : expérience de sortie du corps, vision de soi par soi-même, – sensation de lévitation, – kinétopsie : perception en mouvement d’objets immobiles. • L’intensité Comme pour la sensation rotatoire, l’intensité du vertige dépend beaucoup de la proximité de la lésion avec le neurone vestibulaire primaire. Elle est souvent moindre, comparativement à celle de l’instabilité et des nausées/vomissements. • Le mode d’installation Il est relativement peu informatif. On gardera à l’esprit les installations brutales des AVC ischémiques et des AIT, et l’installation progressive des maladies neurodégénératives. • La durée Là encore, il s’agit d’un élément peu discriminant entre une étiologie périphérique et centrale du vertige. Une durée de quelques secondes peut traduire une crise d’épilepsie ; une durée de quel ques minutes peut évoquer un AIT ou une malformation d’Arnold Chiari ; une durée de quel ques heures se rencontre dans les migraines ou des crises de SEP ; une durée de plusieurs jours est plutôt caractéristique d’un AVC, qu’il soit ischémique ou hémorragique. • Le profil évolutif Certaines évolutions sont assez caractéristiques de certaines pathologies neurologiques mais n’éliminent pas une origine labyrinthique. Une crise unique est typique d’un AVC. Des crises répétées peuvent être dues à des AIT, une épilepsie, une migraine, une SEP. Un mode permanent est plutôt en faveur d’une tumeur cérébrale, d’une maladie dégénérative ou d’une cérébellopathie. • Les facteurs déclenchants Les crises de vertiges issues de pathologies neurologiques sont peu favorisées par quelque facteur que ce soit. Deux exceptions néanmoins : l’extension cervicale pour les malformations d’Arnold Chiari et la dissection vertébrale, et le traumatisme crânien pour l’hématome sous-dural (HSD). • L’instabilité Elle est souvent au premier plan, visible dès que le patient se met debout, contrastant parfois avec la modestie des vertiges, voire leur absence. Elle s’intègre le plus souvent dans l’ataxie, c’est-à-dire l’incoordination motrice empêchant la station debout (astasie) et/ou la marche (abasie) sans qu’il y ait de déficit moteur. Outre son origine cérébelleuse ou labyrinthique, elle peut être due à d’autres atteintes, et notamment à la sensibilité proprioceptive : la marche est alors caractéristique, dite « talonnante ». Une origine supratentorielle est également possible, relevant davantage de l’apraxie d’origine frontale, telle qu’on peut la constater dans l’hydrocéphalie à pression normale (HPN). La marche est alors « dandinante » avec une rétropulsion fréquente en station debout, pieds joints. L’instabilité peut également être due à une atteinte motrice déficitaire (atteinte du motoneurone, syndrome pyramidal) ou à des mouvements anormaux (syndrome extrapyramidal, syndrome choréique, ballique ou athétosique, dystonie). • Les nausées/vomissements Ils ne sont pas l’apanage des pathologies centrales. Néanmoins, la discordance entre leur importance et la pauvreté de l’illusion de mouvement plaide en faveur d’une pathologie de la fosse cérébrale postérieure. Lorsqu’ils soulagent des céphalées, ces vomissements sont alors évocateurs d’une hypertension intracrânienne et doivent commander, sans délai, une orientation dans un service d’accueil d’urgences médicales. • Les symptômes neurologiques • Les céphalées fréquentes dans les syndromes vertigineux, elles sont suspectes lorsqu’elles sont inhabituelles pour le patient. Les céphalées migraineuses sont typiquement unilatérales mais peuvent être diffuses, soit d’emblée, soit secondairement ; elles sont le plus souvent frontales ou temporales, volontiers pulsatiles, notamment à l’effort ou à l’acmé. Trois quarts des patients les considèrent comme violentes (EVA > 6). Elles s’accompagnent d’autres symptômes caractéristiques et sont souvent annoncées par d’autres symptômes annonciateurs. Les céphalées d’hypertension intracrânienne (tumeurs cérébrales d’évolution rapide, AVC hémorragique, abcès cérébraux, œdèmes cérébraux, etc.) sont constantes et précoces, sans localisation préférentielle. Elles sont souvent qualifiées d’atroce, à type de broiement ou d’éclatement du crâne, et surviennent par crises de plusieurs heures avec intervalles libres. Elles sont augmentées par la toux, l’effort et la rotation cervicale, elles s’accompagnent fréquemment de vomissements et d’une impression de flou visuel. Les céphalées d’hypotension intracrânienne ont un profil évolutif différent, persistantes plusieurs jours sans crise et très nettement augmentées par l’orthostatisme. • Les symptômes évoquant une atteinte du tronc cérébral : – la diplopie (+++) peut traduire une paralysie oculomotrice ou supranucléaire (cf. infra), même si sa cause la plus fréquente est l’hétérophorie, facilement découverte au cover-test (figures 1, 2 et 3) et relevant d’une rééducation orthoptique. Toute diplopie installée est en règle transitoire car rapidement compensée par des phénomènes centraux, d’où la nécessité impérative de poser la question au patient : « depuis que vous avez vos vertiges, avez-vous eu au moins à une reprise une vision dédoublée des choses ? ». Une vision trouble initiale peut représenter une diplopie a minima, la diplopie ne s’observe pas chez l’enfant de moins de 6 ans du fait de l’absence, avant cet âge, de vision binoculaire ; – troubles pharyngolaryngés (dysphagie, dysphonie, fausses routes, rhinolalie, reflux pharyngo-nasal) évoquant une paralysie des nerfs mixtes ; – troubles de la motricité faciale évoquant une paralysie du nerf facial ; – troubles de la sensibilité faciale évoquant une paralysie du nerf trijumeau ; – hémiplégie respectant ou non la face selon le niveau d’atteinte du tractus cortico-spinal (anciennement faisceau pyramidal) ; – troubles de la sensibilité d’un hémicorps par atteinte des tractus spino-thalamiques (anciennement lemnisque médian et latéral) ; – troubles du sommeil à type d’hypersomnie traduisant l’atteinte de la formation réticulaire activatrice ascendante. • Les symptômes évoquant une atteinte cérébelleuse : – ataxie ou trouble de la coordination des mouvements dans l’espace et le temps, sans atteinte de la force musculaire ; – dysarthrie ; – tremblements ; – dysgraphie. • Les symptômes évoquant une atteinte thalamique : – douleurs d’un hémicorps, spontanées et intenses, plutôt matinales, ne respectant pas forcément la face, rebelles aux traitements antalgiques ; – mouvements choréo-athétosiques fréquents, discrets et prédominants aux extrémités des membres supérieurs : c’est la « main thalamique » (main creuse tonique avec positionnement digital dans différents plans de l’espace) ; – troubles vasomoteurs : refroidissement des extrémités alternant avec bouffées de chaleur ; – manifestations neuropsychologiques : troubles du schéma corporel (asomatognosie, illusions kinesthésiques, négligence spatiale ou motrice) pour les lésions droites, troubles du langage (prosodie réduite, pauses dans le discours, persévérations) pour les lésions gauches, troubles de la mémoire pour des lésions bilatérales. • Les symptômes évoquant une atteinte corticale : sensations de mouvements plus ou moins complexes. Les symptômes absents L’absence de symptômes auditifs est un argument en faveur d’une origine centrale des vertiges mais n’élimine pas une atteinte périphérique comme, par exemple la névrite vestibulaire, la vestibulopathie récurrente idiopathique ou les vertiges paroxystiques positionnels bénins. Données de l'examen physique L’examen physique cherche à recueillir des signes attestant de l’atteinte vestibulaire centrale mais aussi de l’atteinte d’autres structures ou territoires cérébraux. Caractéristiques du nystagmus Le nystagmus est défini par une succession de mouvements oculaires de va-et-vient, involontaires, initiés par un mouvement lent des globes. On distingue les nystagmus à ressort (phase lente et retour rapide) des nystagmus pendulaires (alternance de phases lentes). Son observation requiert l’utilisation d’un masque de vidéonystagmoscopie (figure 4). Figure 4. Masque de vidéonystagmoscopie (VNS). Le nystagmus traduit un dysfonctionnement d’un des systèmes oculo moteurs permettant de stabiliser le regard sur l’environnement : – le système de fixation visuelle lorsque la tête est immobile ; – le système de maintien du regard excentré lorsque les globes oculaires sont en position excentrée ; – les systèmes vestibulaire, optocinétique et de poursuite lors des mouvements de la tête et/ou de l’environnement. Du fait de l’organisation des voies vestibulo-oculomotrices, des voies vestibulo-cérébelleuses et des voies cérébellooculomotrices, les nystagmus vestibulaires centraux comportent quelques particularités. • Lorsqu’ils sont unidirectionnels, ils sont volontiers verticaux ou torsionnels, s’opposant aux nystagmus vestibulaires périphériques fréquemment horizontorotatoires (exception notable de ceux prédisant une atteinte élective d’un canal semi-circulaire). Deux types de nystagmus sont particulièrement évocateurs : – le nystagmus vertical inférieur (down beat nystagmus), augmentant dans le regard porté vers le bas et assez spécifique d’une atteinte cérébelleuse, y compris celle consécutive à une malformation d’Arnold Chiari ; – le nystagmus vertical supérieur (up beat nystagmus), augmentant dans le regard porté vers le haut, plutôt évocateur du tronc cérébral médian et/ou supérieur. • Ils sont parfois multidirectionnels, changeant de direction selon la position du globe oculaire dans l’orbite. • Ils sont peu ou pas inhibés par la vision, voire parfois augmentés par celle-ci. Cela peut être constaté lors d’épreuves provoquant un nystagmus physiologique (épreuves cinétiques et caloriques lors d’une vidéonystagmographie), en mesurant l’indice de fixation oculaire (IFO), c’est-à-dire le rapport des vitesses des phases lentes du nystagmus calculées yeux ouverts fixant une cible et yeux ouverts dans le noir. Un rapport élevé (classiquement > 50 %) est un des meilleurs signes de centralité d’un nystagmus. • Leur intensité n’est pas proportionnelle à celle de la sensation vertigineuse. • Ils peuvent n’apparaître que dans le regard excentré, la phase lente se dirigeant systématique ment en dedans, constituant le gaze evoked nystagmus. Celui-ci est symptomatique d’une atteinte cérébelleuse. • Les nystagmus positionnels ne répondant pas aux critères habituels des VPPB sont suspects. On se méfiera alors des nystagmus sans aucune composante torsionnelle, des nystagmus apparaissant sans délai, des nystagmus sans vertige et de ceux qui persistent lors de la remise en position assise. • Certains sont spécifiques d’une atteinte cérébrale : – le see saw nystagmus associe un mouvement d’élévation et d’intorsion d’un œil et un mouvement inverse de l’autre œil, correspondant potentiellement à la manifestation spontanée, en dehors de toute stimulation, du réflexe de contre-torsion oculaire d’origine otolithique ; – le nystagmus périodique alternant est d’origine cérébelleuse : des secousses horizontales spontanées changent de sens au bout de 2 à 3 minutes avec, parfois, une phase neutre sans mouvement oculaire. Mouvements oculaires non nystagmiques • Ondes carrées – macro-ondes carrées Elles correspondent à des saccades horizontales peu amples (1 à 5 °), à droite ou à gauche, séparées par un intervalle de 200 ms correspondant au temps de réaction visuelle nécessaire à l’élaboration d’une saccade de refixation. Elles sont assez fréquentes chez le sujet âgé. Elles peuvent se rencontrer dans les cérébellopathies, la maladie de Parkinson, la paralysie supranucléaire progressive et la schizophrénie. Plus rarement, leur amplitude dépasse 10 ° : on les appelle macro-ondes carrées et on peut les rencontrer dans la sclérose en plaques et l’atrophie multiple systématisée. • Flutter – opsoclonus Le flutter est une salve de mouvements oculaires horizontaux de vaet-vient sans intervalle de temps. Si ce mouvement s’effectue dans n’importe quelle direction, il s’agit d’un opsoclonus. Ils peuvent se rencontrer dans plusieurs atteintes différentes : encéphalite, tumeur cérébrale, pathologies cérébelleuses, intoxication au lithium, etc. L’opsoclonus peut être intégré dans un syndrome paranéoplasique, notamment s’il s’accompagne d’une ataxie cérébelleuse et de myoclonies. • Nystagmus retractorius Il correspond à des saccades d’adduction des deux globes associés à leur rétraction au sein des orbites et signe une atteinte mésencéphalique. • Bobbing Il est représenté par des saccades verticales inférieures brusques suivies d’un mouvement lent d’élévation des globes. Il s’observe dans les atteintes pontiques. Syndrome cérébelleux Outre la présence des signes habituels (Certains sont spécifiques d’une atteinte cérébrale, tableau 1), la recherche d’une origine cérébelleuse d’un vertige peut également nécessiter de réaliser le test de suppression du réflexe vestibulo-oculaire (RVO). Il consiste à faire fixer au patient des lettres inscrites sur une feuille regardée à une longueur équivalente à celle des bras pendant qu’on le fait tourner sur un fauteuil rotatoire. Normalement, les yeux du patient ne doivent pas quitter les lettres de la feuille malgré le mouvement de rotation, ce qui est permis par une suppression du RVO effectuée par le cervelet. Un déficit de cette suppression, induisant une dérive des yeux dans le sens de la rotation du fauteuil et donc une saccade de refixation nettement visible, est donc en faveur d’une atteinte cérébelleuse, le plus souvent liée à une sclérose en plaques. Troubles de l’exécution des mouvements oculaires La mobilisation conjuguée oculaire est finement contrôlée par des structures du tronc cérébral et du cervelet. Son analyse constitue l’oculographie, intégrée à la vidéonystagmographie (VNG). On s’intéresse principalement à deux types de mouvements : les saccades et la poursuite. • Saccades horizontales (figure 5) Le centre prémoteur de ce type de mouvements est situé dans la formation réticulaire pontine paramédiane. La saccade oculaire est un des mouvements les plus rapides et le plus précis de l’organisme. Son ralentissement dans une direction est évocateur d’une paralysie oculomotrice ou d’une paralysie de fonction (cf. infra). Son ralentissement dans toutes les directions est évocateur d’une paralysie supranucléaire progressive. L’imprécision est représentée soit par un mouvement qui n’arrive pas à son but (hypométrie), soit un mouvement qui dépasse sa cible (hypermétrie). Dans les deux cas, une saccade de correction est nécessaire pour que le regard se porte sur la cible choisie. L’hypométrie est peu spécifique, l’hypermétrie est très spécifique d’un syndrome cérébelleux statique, notamment pour les saccades centripètes (le regard va du champ temporal au champ nasal). Figure 5. Épreuve des saccades. • Saccades verticales Le centre prémoteur se situe dans le mésencéphale (partie rostrale du noyau interstitiel de Cajal). La modification de leurs caractéris tiques est plus rarement retrouvée lors d’une atteinte vestibulaire centrale. Leur évaluation est néanmoins importante devant l’Ocular tilt reaction ,car leur ralentissement isolé (sans ralentissement des saccades horizontales) est spécifique d’une atteinte sousthalamique. • Poursuite (figure 6) Il s’agit d’un mouvement oculaire asservi à celui de la cible, à condition que la vitesse ne soit pas trop importante. On s’intéresse essentiellement au gain (rapport du mouvement de l’œil sur celui de la cible), idéalement de 1 mais considéré comme pathologique lorsqu’il est inférieur à 0,7. Un gain insuffisant constaté dans un seul sens est assez sensible d’une atteinte des structures impliquées dans la genèse de la poursuite, notamment les noyaux vestibulaires. Figure 6. Épreuve de la poursuite. Autres signes oculomoteurs • Signes d’une paralysie oculomotrice (POM) La diplopie est le symptôme majeur d’une POM mais elle disparaît assez rapidement du fait d’une compensation centrale. Certains signes révèlent alors une telle atteinte, d’autant plus importante à déceler que l’intégrité de l’oculomotricité est nécessaire pour rendre fiable l’analyse des nystagmus. La recherche de tels signes nécessite fréquemment un test au verre rouge. • Une paralysie complète du nerf oculomoteur (III) entraîne une déviation du globe atteint vers l’extérieur, avec ptôsis et mydriase aréactive. Les mouvements d’élévation, d’abaissement et d’adduction du globe sont impossibles. • Une paralysie du nerf trochléaire (IV) est difficile à mettre en évidence même si elle représente la principale cause de diplopie verticale. Les signes oculaires s’associent souvent à une attitude compensatrice cervicale (inclinaison et rotation cervicale du côté sain). Il n’y a pas de déviation oculaire franche et on a alors recours à la manœuvre de Bielschowski (inclinaison cervicale du côté du globe touché) pour mettre en évidence une déviation du globe en haut, en dedans et en légère extorsion. La différence avec une skew deviation (cf. infra) est parfois difficile. • Une paralysie du nerf abducens (VI) est caractéristique par la déviation en dedans du globe atteint et par l’impossibilité de son abduction. • Signes d’une paralysie supranucléaire On entend par ce terme toute atteinte de la motricité oculaire consécutive à une lésion des voies unissant les centres de commande oculomotrice (aire oculomotrice frontale [aire 8 de Brodmann], aires oculomotrices occipito-pariétales [aires 18 et 19 de Brodmann]) aux noyaux oculomoteurs. Elle est évoquée devant la constatation d’une dissociation entre le respect des réflexes vestibulo-oculaires (head impulse test d’Halmagyi et Curthoys) et l’atteinte des saccades horizontales et verticales. Elle signe en général une atteinte du tronc cérébral. Plusieurs syndromes sont décrits : Foville, Parinaud, Un et demi de Fisher. Un est particulièrement à distinguer : l’ophtalmoplégie internucléaire (OIN). Il s’agit d’une paralysie ipsilatérale de l’adduction d’un œil lors des mouvements conjugués (ce même mouvement lors de la convergence des globes est intègre), associée à un nystagmus « ataxique » de l’autre œil, lié à l’hyperactivation du muscle droit latéral controlatéral. Ce nystagmus est horizontal pur, rapide et s’épuisant en quelques secondes. L’OIN signale une atteinte du faisceau longitudinal médial (appartenant à la formation réticulaire), support neuronal liant les noyaux oculomoteurs du III et du VI. • Syndrome de Claude Bernard-Horner (CBH) Dans le cadre des vertiges, la découverte d’un CBH oriente vers une atteinte du premier neurone de la voie sympathique (de l’hypothalamus à la moelle spinale), donc du tronc cérébral. Les principales causes sont un AVC ischémique (syndrome de Wallenberg), hémorragique ou une tumeur. Rappelons que le CBH est l’association de deux signes : un myosis réactif souvent discret et un ptôsis ipsilatéral, également discret lié à l’atteinte du muscle rétracteur supérieur de la paupière (muscle de Müller). L’atteinte du muscle rétracteur inférieur diminue l’aire de la fente palpébrale entraînant une fausse énophtalmie. Signes non contributifs • L’Ocular tilt reaction associe 3 signes caractéristiques : – le strabisme vertical (skew deviation) avec l’hypotropie d’un œil (abaissement du globe oculaire au sein de l’orbite) et l’hypertropie de l’autre ; – l’inclinaison latérale de la tête du côté de l’œil hypotrope ; – la cyclotorsion conjuguée des 2 globes oculaires. Il signe l’altération des voies neurologiques impliquées dans le réflexe de contre-torsion oculaire. Il peut ainsi se rencontrer aussi bien dans une atteinte centrale (syndrome de Wallenberg, SEP) que dans une atteinte otolithique périphérique. • Le tremblement d’attitude apparaît au cours du maintien volontaire des membres, essentiellement supérieurs, à une fréquence élevée (> 8 Hz). Il peut être physiologique ou essentiel. Il est à différencier du tremblement de repos, moins rapide (4-7 Hz) et spécifique du syndrome parkinsonien et du tremblement d’action (ou intentionnel), encore plus lent (3-4 Hz) et spécifique du syndrome cérébelleux. • Les nystagmus d’origine oculaire : nystagmus congénital, nystagmus latent, nystagmus patent. Autres signes neurologiques • Traduisant une atteinte des noyaux des nerfs crâniens (autres que les nerfs oculomoteurs) – hypo- voire anesthésie du territoire cutané du nerf trijumeau (V) ; – parésie ou paralysie faciale périphérique (VII) ; – parésie ou paralysie des muscles vélaires et pharyngés (IX et X) ; – parésie ou paralysie du muscle sterno-cléido-mastoïdien et/ou du muscle trapèze (XI) ; – parésie ou paralysie des muscles linguaux (XII). • Traduisant une atteinte des noyaux supra-segmentaires Les noyaux en cause sont essentiellement le locus niger et le noyau rouge, situés tous deux dans le mésencéphale. Une atteinte du locus niger se traduit par une rigidité extrapyramidale, c’est-à-dire une hypertonie plastique avec phénomène de la roue crantée. L’atteinte du noyau rouge donne une hémichorée symptomatique avec mouvements typiques : involontaires, brusques, voire explosifs, brefs et rapides, et souvent de grande amplitude donnant un caractère arythmique, désordonné et bizarre. S’y associe une hypotonie paradoxale et une perturbation des saccades volontaires. • Traduisant une atteinte de la substance réticulée Deux types de troubles peuvent se rencontrer : – troubles du sommeil : les insomnies, plutôt d’origine bulbaire, et les hypersomnies, plutôt d’origine pontique ; – troubles végétatifs : plusieurs types de manifestations sont possibles, qu’elles soient respiratoires (dyspnée, cyanose), cardiaques (troubles du rythme), digestives (hoquet, bâillements, nausées) ou générales (hypothermie, sudation profuse). • Traduisant une atteinte des voies longues du tronc cérébral • Atteinte du faisceau cortico-spinal : le syndrome pyramidal : il s’agit du recueil de signes évoquant une interruption de la motricité volontaire. Au début de cette atteinte, il s’agit d’une paralysie flasque avec hypotonie, augmentation du ballant et diminution ou disparition des réflexes ostéo-tendineux. La présence d’un signe de Babinski affirme alors l’origine centrale de cette paralysie. Elle prédomine sur les muscles extenseurs du membre supérieur et les muscles fléchisseurs du membre inférieur. Ce syndrome peut être discret, différents signes sont alors à rechercher pour attester de sa présence : signe de Barré, signe de Mingazzini, épreuve des bras tendus et signe de la main creuse. La paralysie est controlatérale à l’atteinte si cette dernière se situe au-dessus de la décussation bulbaire. La face est respectée si la lésion se situe sous le niveau du noyau du nerf facial. • Atteinte des faisceaux spinothalamiques : hypo- et anesthésies : les troubles sensitifs s’observent lors d’une lésion des voies véhiculant les différents types de sensibilité cutanée. Au niveau du bulbe et du pont, il s’agit volontiers de troubles dissociés du fait de la séparation des voies de conduction sensitive : le faisceau spino-thalamique antérieur (véhiculant la sensibilité tactile grossière) et les voies du cordon postérieur (véhiculant la sensibilité profonde consciente et la sensibilité tactile fine) poursuivent leur cheminement dans le tronc cérébral dans le lemniscus médial, une fois la décussation effectuée ; le faisceau spinothalamique latéral (véhiculant la thermo-algésie) se poursuit au sein du lemniscus latéral. L’hémianesthésie est controlatérale à la lésion si celle-ci se situe au-dessus de la décussation bulbaire (légèrement au-dessus de la décussation des fibres motrices). • Syndromes du tronc cérébral (tableau 2) L’association de plusieurs signes peut traduire l’atteinte d’une région du tronc cérébral. Dans le cas des AVC ischémiques, on peut en déduire la topographie artérielle en cause. Les syndromes pédonculaires ne donnent pas d’atteinte vestibulaire : ils sont dominés par des troubles moteurs et oculomoteurs. Un syndrome cérébelleux peut se rencontrer, essentiellement cinétique et donc peu à même de produire des troubles de l’équilibre. Les syndromes pontiques et bulbaires sont davantage pourvoyeurs de vertiges, soit par atteinte des noyaux vestibulaires, soit par atteinte du cervelet ou des pédoncules cérébelleux inférieurs et moyens, soit par atteinte des deux structures. Une atteinte très localisée des noyaux vestibulaires peut mimer une atteinte périphérique. Conclusion Tout vertige peut être le symptôme d’une affection du système nerveux central. L’interrogatoire et l’examen physique, correctement menés, permettent en général de le soupçonner. La dissociation entre l’intensité des symptômes et celle des signes objectivables, le terrain, les caractéristiques du nystagmus observable et le recueil de signes neurologiques sont les pierres d’angle de ce soupçon, qui peut et doit devenir une certitude parfois avant même la réalisation d’imageries neuroradiologiques ou l’avis d’un confrère spécialisé.
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