ORL
Publié le 04 sep 2016Lecture 8 min
Place du scanner dans l’exploration des cavités naso-sinusiennes
J.-C. FERRIÉ, Pôle d’imagerie médicale, CHU de Poitiers
Avec le développement de la chirurgie endoscopique, il a rendu obsolète l’usage des radiographies standard. Les scanners actuels permettent l’obtention rapide de données volumiques à partir desquelles des images sont reconstruites dans différents plans de l’espace. Celles-ci offrent une vision détaillée du contenu sinusien, des voies de drainage et des parois osseuses. Le choix d’une acquisition limitant l’irradiation « technique de basse dose » et l’accroissement du parc des machines ont facilité la diffusion de cette technique d’imagerie.
Les indications de la TDM dans l’exploration des cavités naso-sinusiennes ont fait l’objet de recommandations par les sociétés savantes(1,2). Ce sont les données cliniques ou endoscopiques qui déterminent la nécessité d’une imagerie. Les complications orbitaires ou encéphaliques des sinusites aiguës, l’exploration de certaines rhinosinusites chroniques ou récidivantes, l’analyse morphologique sinusienne avant chirurgie endoscopique sont les principales indications du scanner. En pathologie tumorale, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et la TDM sont souvent associées. La tomodensitométrie naso-sinusienne Les scanners actuels (acquisition spiralée avec multidétecteurs) ont permis de réduire le temps de l’acquisition qui se fait dans un plan transverse sur un patient installé en décubitus dorsal, tête en position neutre. Le volume d’acquisition porte sur l’ensemble des cavités naso-sinusiennes. Les données informatiques obtenues sont secondairement traitées pour obtenir des reconstructions multiplanaires (MPR) ou volumiques (3D) et peuvent être intégrées dans un système d’aide à la chirurgie endoscopique sinusienne (sinuso-navigation). L’acquisition directe de coupes frontales, tête en hyperextension, n’est plus nécessaire. L’augmentation du nombre des détecteurs permet une haute résolution et l’obtention d’une série d’images transverses inframillimétriques et chevauchées, traitées avec des algorithmes privilégiant les structures osseuses ou les tissus mous. Des reconstructions MPR de 2 à 3 mm d’épaisseur dans les plans transverse, frontal et sagittal sont réalisées. Les reconstructions MPR frontales exposent les régions ostio-méatales et permettent une corrélation avec les données endoscopiques. L’analyse de repères anatomiques chirurgicaux tels que la lame criblée, le toit ethmoïdo-frontal ou les parois orbitaires est privilégiée dans cette incidence, ainsi que l’étude des relations entre les apex dentaires et les sinus maxillaires (figure 1). Les reconstructions transverses détaillent les rapports entre les sinus sphénoïdaux, l’ethmoïde postérieur, les nerfs optiques et les carotides internes ; elles facilitent l’étude des parois osseuses ethmoïdales latérales et frontales antérieures et postérieures ; elles montrent l’ostium du sinus sphénoïdal (figure 2). Les reconstructions sagittales révèlent l’étage antérieur de la base du crâne, et sont particulièrement adaptées pour l’analyse du drainage sinusien frontal et de ses rapports avec les cellules ethmoïdales antérieures. Plusieurs procédés (réduction des paramètres d’acquisition, contrôle automatique d’exposition, algorithme de reconstruction itérative) réduisent actuellement l’irradiation, tout en conservant une qualité d’examen satisfaisante pour rechercher un comblement sinusien ou évaluer l’anatomie sinusienne. L’analyse précise du comblement sinusien est cependant limitée, et l’injection d’un produit de contraste iodé est inutile. Ces techniques, dites en « basses doses », sont utilisées dans l’exploration des rhino-sinusites chroniques et avant chirurgie endoscopique sinusienne. Elles sont toutefois peu adaptées lorsqu’une analyse des tissus mous faciaux ou encéphaliques est nécessaire. Les sinusites aiguës Leur diagnostic est clinique et rhinoscopique ; une imagerie n’est indiquée que si une complication orbitaire ou encéphalique est suspectée. L’imagerie permet au niveau orbitaire de différencier les cellulites préseptale et orbitaire, de mettre en évidence des abcès sous-périostés ou orbitaires et de rechercher des thromboses veineuses ou caverneuses (figure 3). À l’étage encéphalique, elle recherche des signes de méningite, des empyèmes sous-duraux ou épiduraux, une encéphalite ou des abcès cérébraux(3). Les signes cliniques extrasinusiens sont souvent au premier plan et la TDM, par sa facilité d’accès et sa rapidité d’exécution, est l’imagerie privilégiée en première intention dans ce contexte d’urgence. Il s’agit alors d’une TDM adaptée à l’exploration encéphalique et faciale qui permet, à partir des données d’acquisition, des reconstructions au niveau des cavités naso-sinusiennes. Elle est réalisée avec injection intraveineuse d’un produit de contraste iodé pour optimiser la recherche des collections et des thromboses vasculaires. L’IRM, plus performante pour dépister les complications intracrâniennes mais de réalisation plus contraignante, est associée en cas de discordance entre la clinique et les résultats de la TDM. Les rhino-sinusites chroniques Le diagnostic de rhino-sinusite chronique repose sur des critères cliniques précis et est étayé par la mise en évidence, à l’endoscopie ou sur la TDM, d’une inflammation de la muqueuse naso-sinusienne. La TDM permet de rechercher une atteinte sinusienne non mise en évidence par l’analyse endoscopique. Son but est de différencier les atteintes muqueuses diffuses évocatrices d’une pathologie œdémateuse des sinusites unilatérales et systématisées pour lesquelles une origine infectieuse ou une dysperméabilité ostiale sont suspectées. L’analyse des comblements naso-sinusiens est peu spécifique ; elle doit être critique et topographique(4). La TDM précise le caractère diffus et bilatéral ou systématisé à un sinus ou à un groupe sinusien ayant un drainage commun ; elle recherche la présence de polypes au niveau des méats et des fosses nasales (figure 4). Certaines associations topographiques des comblements font évoquer une atteinte systématisée : l’infundibulum avec l’ostium et le sinus maxillaire ; le méat moyen avec les sinus frontal, maxillaire et les cellules ethmoïdales antérieures ; le récessus frontal avec le sinus frontal ; le récessus sphénoethmoïdal avec les cellules ethmoïdales postérieures et le sinus sphénoïdal. L’hétérogénéité d’un comblement sinusien est un élément d’orientation (hyperdensités punctiformes au sein d’une balle fungique, figure 2). L’étude des parois osseuses a une valeur diagnostique. Un épaississement et une densification au contact d’un comblement sinusien témoignent d’une ostéosclérose réactionnelle à une inflammation chronique (figure 2). Un aspect soufflé oriente vers une mucocèle (figure 5). Des érosions ou une perforation septale, associées à des ulcérations ou une micro-nodulation de la muqueuse, font rechercher une granulomatose. Une tumeur doit être suspectée si un comblement est associé à des lyses osseuses (figure 6). Un kyste périapical ou une communication osseuse bucco-sinusienne oriente vers une sinusite d’origine dentaire (figure 1). L’analyse TDM morphologique recherche des variations, source de complication opératoire ou de rétrécissement des voies de drainage sinusien. Avant chirurgie endoscopique, la profondeur des gouttières olfactives, le trajet de l’artère ethmoïdale antérieure, la présence d’une déviation ou d’un éperon septal et de déhiscences osseuses, la position de l’unciforme par rapport aux parois orbitaires (figure 7) sont analysés. Les variations de pneumatisation modifiant les rapports sinusiens sont évaluées, en particulier ceux : du sinus maxillaire et des cellules ethmoïdales avec le plancher orbitaire, des cavités ethmoïdales et sphénoïdales avec les carotides et les nerfs optiques, des cellules ethmoïdales antérieures avec les sinus frontaux et le toit ethmoïdo-frontal (cellules supra-orbitaire ou frontale). La pathologie tumorale ou pseudo-tumorale Une lésion tumorale ou pseudo-tumorale peut être suspectée à l’endoscopie ou sur une TDM (masse naso-ethmoïdale unilatérale, ostéolyse). Les signes cliniques sont généralement peu spécifiques. L’imagerie doit répondre de façon précise aux questions du clinicien : Quelle est la taille et l’extension réelle du processus ? À partir de quelles structures est-il développé ? Présente-t-il une diffusion extra-sinusienne ? Existet-il des éléments orientant sur sa nature ? Certains processus (mucocèle, dysplasie fibreuse, ostéome) présentent un aspect évocateur en TDM(5). Une mucocèle se présente comme un processus expansif développé au sein d’une cavité ou d’un cloisonnement sinusien. Elle résulte d’une obstruction ostiale, avec accumulation de mucus, associée à une inflammation chronique qui favorise l’amincissement et la déminéralisation de la paroi osseuse (figure 5). La TDM permet généralement son diagnostic et le bilan anatomique avant son ouverture endonasale endoscopique. L’IRM est parfois associée lorsque les rapports neuro-méningés de certaines mucocèles frontale, ethmoïdale ou sphénoïdale doivent être précisés. Lorsqu’une tumeur solide, en particulier maligne, est suspectée, la TDM et l’IRM sont complémentaires pour répondre aux attentes du chirurgien (figure 6). L’IRM dissocie mieux la réaction inflammatoire et la rétention associées à la tumeur. Elle analyse plus précisément les extensions tumorales orbitaires, péri-nerveuses et neuro-méningées. La TDM est plus sensible pour détecter les ostéolyses et étudier en préopératoire les structures osseuses du massif facial. Les deux explorations sont généralement associées.
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