Publié le 19 sep 2019Lecture 8 min
La bronchiolite oblitérante postinfectieuse
Véronique HOUDOUIN, service de pédiatrie, hôpital Robert Debré, Paris
La bronchiolite oblitérante post infectieuse est une spécificité pédiatrique. L’obstruction non réversible des petites voies aériennes à la suite d’une infection par certains pathogènes peut entraîner des séquelles pulmonaires irréversibles. Le diagnostic peut être tardif et il faut reconnaître cette entité prise souvent à tort pour de l’asthme non contrôlé.
La bronchiolite oblitérante correspond à une obstruction non réversible des petites voies aériennes. Plus fréquemment décrite à la suite d’une transplantation pulmonaire, la bronchiolite oblitérante peut survenir à la suite de transplantation de cellules souches hématopoïétiques, d’infections, d’inhalation de toxiques ou de maladies de système(1). Chez l’enfant, la bronchiolite oblitérante post infectieuse (BOPI) est rapportée à certains virus ou agents microbiens spécifiques. Chez l’adulte, la bronchiolite oblitérante post infectieuse est associée à une atteinte parenchymateuse : on parle alors de pneumonie organisée ou BOOP. Cette particularité pédiatrique doit être connue car environ 20 % des dilatations bronchiques de l’adulte sont rapportées à des séquelles de virose(2).
Mécanisme histopathologie
À la différence de la bronchiolite oblitérante post-transplantation pulmonaire, le mécanisme cellulaire de la BOPI reste inexploré. Initialement, l’agent infectieux joue le rôle de trigger qui déclenche la cascade inflammatoire. Sur les biopsies pulmonaires d’enfants atteints de BOPI post-adénovirus, la présence de lymphocytes T cytotoxiques CD8+ est supérieure à celle des biopsies d’enfants sans BOPI(3). Cette réponse inflammatoire va entraîner une lyse de la cellule infectée et une sécrétion de cytokines responsable de l’apoptose des cellules infectées et de la perte de l’intégrité de la membrane basale associée à un afflux de fibroblastes. Il est probable que, comme dans la bronchiolite oblitérante post-transplantation, cette perte d’intégrité de la membrane basale va aboutir à une propagation de l’apoptose cellulaire et à un mécanisme de transition mésenchymato-épithéliale (TME)(4). Ce mécanisme de TME est responsable d’une transformation des cellules épithéliales en cellules mésenchymateuses qui vont aboutir à une fibrose de la paroi bronchiolaire.
Figure 1. Syndrome de bronchiolite oblitérante post-Mycoplasma pneumoniae unilatéral (syndrome de McLeod) chez un jeune garçon de 11 ans. Initialement hospitalisé pour un syndrome de Stevens Johnson avec une atteinte cutanéo-muqueuse étendue. A. La radiographie de thorax réalisée au cours de son hospitalisation initiale retrouve un foyer rétrocardiaque associé à une distension thoracique compliquée d’un emphysème sous-cutané et d’un pneumomédiastin. B. À 1 mois de sa sortie d’hospitalisation atélectasie rétractile de tout le poumon gauche et distension thoracique compensatrice du poumon droit. C. Dilatation bronchique diffuse au sein de l’atélectasie rétractile.
Épidémiologie
L’incidence varie de 0,5 à 18/100 000 enfants dans le monde. Il existe probablement une susceptibilité particulière de l’hôte. La BOPI est décrite principalement en Amérique du Sud : Chili, Argentine, au sud du Brésil. On la retrouve également plus fréquemment décrite en Nouvelle-Zélande, en Chine, en Corée et à Taiwan, ainsi qu’au Canada(5). Au niveau génétique, une anomalie dans la synthèse de la lectine pourrait être impliquée dans des formes sévères de BOPI(6). La lectine est une glycoprotéine se liant au mannose. Elle intervient dans l’immunité innée contre les virus et les bactéries. Enfin, la réponse immunitaire innée est hétérogène au cours du temps et d’un individu à l’autre. Cette hétérogénéité peut expliquer en partie la diversité de la symptomatologie observée pour un même pathogène(7). Les agents pathogènes responsables de bronchiolite oblitérante sont en premier lieu les virus. L’adénovirus, virus à ADN double brin, est le virus le plus souvent en cause. Le sous-groupe B(7,5,21) est plus particulièrement isolé dans les BOPI en Amérique du Sud(8). La rougeole, virus à ARN du groupe Paramyxoviridae est responsable de bronchiolite oblitérante chez l’enfant mais également chez l’adulte non vacciné avec ou sans pneumonie organisée(9,10). La recherche du rash morbilliforme et du signe de Köplick doit faire rechercher ce pathogène par PCR dans le nasopharynx ou dans le lavage bronchioalvéolaire lorsque cela est possible. Le diagnostic doit être précoce pour mettre en place rapidement le traitement. Les autres virus tels que la grippe, le métapneumovirus, le VRS ont également été rapportés dans la survenue de BOPI(8). Au niveau bactérien, Bordetella pertussis et Mycoplasma pneumoniae sont les principaux pathogènes impliqués. Une atteinte cutanéo-muqueuse associée à une atteinte respiratoire est évocatrice de Mycoplasma pneumoniae (figure 2).
Figure 2. Syndrome de bronchiolite oblitérante post infectieuse. Hospitalisation initiale à l’âge de 4 ans our un tableau de bronchiolite oxygénodépendante. Depuis l’hospitalisation présence d’exacerbations respiratoires sifflantes et productives. Le scanner éalisé à 4 ans de l’hospitalisation retrouve en inspiration (A) et expiration (B) un aspect en mosaïque (hyperclarté plus marquée en expiration) (étoiles blanches) et la présence de quelques dilatations des bronches (flèches blanches).
Clinique
Les symptômes de la bronchiolite oblitérante postinfectieuse sont ceux d’une pathologie bronchique obstructive associant de la toux, une expectoration, des sibilants. Le début de la symptomatologie peut être marquée par une hospitalisation pour un tableau de pneumopathie ou de bronchiolite avec ou sans oxygénodépendance. Le début peut être moins explosif avec une aggravation clinique progressive. En fonction des étiologies, la symptomatologie pulmonaire n’est pas toujours au premier plan. Le diagnostic alors tardif, peut retarder la mise en place de thérapeutique spécifique. L’oxygénodépendance prolongée doit être un signe d’alarme au cours de l’hospitalisation, mais elle peut survenir à distance de l’infection causale. À moyen terme, la dyspnée d’effort est souvent présente. L’évolution vers une insuffisance respiratoire chronique est possible. Elle associe alors une hypoxémie à l’effort puis au repos, une déformation thoracique et un hippocratisme digital.
• L’adénovirus, le virus de la grippe, le mycoplasme sont les principaux pathogènes responsables de BOPI.
• L’oxygénodépendance prolongée au cours d’une hospitalisation pour pneumopathie doit faire évoquer le diagnostic de BOPI.
• Le début peut être progressif ou plus insidieux sans hospitalisation préalable chez l’enfant.
Évolution
Au cours de la première année qui suit le processus fibrosant, les exacerbations sont fréquentes avec parfois un recours aux hospitalisations. Par la suite, une limitation à l’effort doit être recherchée. Dans les formes très étendues, une transplantation pulmonaire peut être proposée à distance. La mortalité décrite au moment de la phase aiguë est exceptionnelle par la suite(5). Un déclin de la fonction respiratoire survient progressivement, la distension bronchique importante entraîne une raréfaction de la vascularisation périphérique et des bronchectasies de traction. Une surinfection bronchique est alors possible avec différents pathogènes dont le Pseudomonas aeruginosa.
Les examens complémentaires
Le diagnostic repose sur l’imagerie. Initialement la distension thoracique peut être le seul signe présent. L’aspect en mosaïque sur le scanner thoracique est un signe indirect mais très spécifique d’obstruction bronchiolaire. L’aspect de mosaïque est secondaire au contraste de densité entre les régions d’obstruction bronchiolaire importante, dans lesquelles l’air intra-alvéolaire est piégé à l’expiration (zones claires) et l’aspect du parenchyme sain en expiration (zones denses) (figure 2). Les signes directs d’atteinte bronchiolaire sont les micronodules de topographie centrolobulaire réalisant un aspect en bourgeon. Les bronchectasies sont fréquemment observées. Elles sont de type cylindrique avec des parois fines. Des atélectasies sont fréquentes et par fois définitives. Enfin, une raréfaction de la trame vasculaire peut survenir à moyen terme si la distension thoracique est importante. La présence d’un trouble ventilatoire obstructif non réversible, parfois sévère d’emblée est caractéristique (figure 3).
Figure 3. Syndrome obstructif (A) non réversible après salbutamol (B). Distension thoracique à la pléthysmographie (C) caractérisée par une augmentation du volume résiduel (VR) et du rapport volume résiduel/capacité pulmonaire totale (VR/CPT).
L’atteinte est majeure au niveau des débits expiratoires à bas volumes pulmonaires (DEM25-75, DEM25), leur diminution est souvent bien supérieure à celle du VEMS/CV. Avant 7 ans, la coopération des enfants peut être délicate à obtenir. La mesure des résistances est alors plus facilement réalisable chez les jeunes enfants. La distension accompagne habituellement l’obstruction bronchique avec augmentation du volume de repos (capacité résiduelle fonctionnelle), mesurable à tout âge, avec une augmentation du volume résiduel et du rapport VR/capacité pulmonaire totale. L’inhomogénéité de l’atteinte topographique a pour conséquence une inégalité accrue des rapports ventilation/perfusion à l’origine d’une hypoxémie à l’effort. Lorsque la maladie est très évoluée, il apparaît une hypoventilation alvéolaire avec hypercapnie de repos.
• La biopsie pulmonaire n’est plus nécessaire pour le diagnostic de BOPI.
• L’association d’une distension thoracique, d’un syndrome obstructif parfois sévère et fixé sur les explorations fonctionnelles et d’un aspect en mosaïque avec ou sans dilatations bronchiques au scanner pose le diagnostic de BO.
Prise en charge thérapeutique
La prise en charge en situation aiguë a pour but d’enrayer la réponse inflammatoire. Dans les BOPI, l’utilisation de corticoïdes parfois à forte dose peut être réalisée. Ceci reste très débattu, et si elle est proposée, la corticothérapie en bolus doit être précoce. Du fait de son action anti-inflammatoire, l’azythromyzine est associée à la corticothérapie(11). L’utilisation de bêta-2 longue durée d’action en association avec des corticoïdes inhalés peut améliorer le sentiment d’inconfort lors de l’effort chez les enfants très distendus. Cette association est recommandée dans le traitement des bronchiolites oblitérantes post-greffe de cellules souches hématopoïétiques. La prise en charge des atélectasies et des dilatations des bronches qui surviennent est indispensable : kinésithérapie respiratoire, antibiothérapie adaptée au résultat de l’examen des crachats. La vaccination préventive contre la grippe et le pneumocoque est recommandée. L’éviction du tabagisme passif et actif est indispensable pour éviter la poursuite de l’inflammation bronchique. La pratique d’une activité physique sportive et la réhabilitation à l’effort sont souvent indispensables. L’évolution vers une insuffisance respiratoire chronique nécessite une prise en charge adaptée (oxygénothérapie au long cours, nutritionnelle, réhabilitation, greffe pulmonaire, etc.).
• L’apparition d’une gêne à l’effort ne doit pas aboutir à la suppression de l’activité sportive, au contraire.
• Il faut favoriser l’activité sportive à l’aide d’un programme de réhabilitation chez l’enfant si besoin.
Conclusion
• Le diagnostic doit être évoqué devant l’association d’un tableau d’exacerbations sifflantes plus ou moins productives, résistant au traitement inhalé.
• Le bilan alors réalisé retrouve un aspect en mosaïque au scanner associé à un trouble ventilatoire obstructif.
• L’évolution est variable mais la prise en charge après la phase aiguë associe le traitement des exacerbations infectieuses, et un traitement antiinflammatoire (azythromycine, corticothérapie inhalée).
• La prise en charge de la dyspnée d’effort est indispensable chez l’enfant, associée aux mesures préventives de vaccination et de lutte contre le tabagisme.
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