publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

ORL

Publié le 17 oct 2019Lecture 6 min

Prise en charge d’une paralysie faciale dite idiopathique

Vincent DARROUZET, Chef du service d’ORL du CHU de Bordeaux ; Chef du Pôle des spécialités chirurgicales, Hôpital Pellegrin, Bordeaux

La paralysie faciale périphérique aiguë n’est pas toujours idiopathique et pas constamment bénigne. Elle impose une enquête clinique vigilante au centre de laquelle se situe l’ORL. Son traitement est une urgence, pour ne pas avoir à regretter des séquelles fonctionnelles lourdes.

Les paralysies faciales périphériques idiopathiques (PFPI) sont fréquentes (20 cas pour 100 000 habitants/an)(1). Malgré cette forte prévalence, il doit s’agir d’un diagnostic d’élimination, fruit d’une enquête clinique et parfois paraclinique complète, afin d’écarter les formes d’origine tumorale. Reflet de notre ignorance, ce terme d’« idiopathique » est en fait immérité, car une atteinte virale est habituellement sous-jacente, en tout cas chez l’adulte(2). Chez la femme enceinte, cette pathologie est 3,3 fois plus fréquente, survenant au troisième trimestre de la grossesse. Elle doit faire rechercher une toxémie gravidique(1). L’atteinte virale représente 60 à 80 % des cas. Le trajet intrapétreux du nerf est à la source de la compression nerveuse qui peut se jouer au niveau du ganglion géniculé, où les fibres motrices, enfermées, sont adossées aux cellules sensitives porteuses d’ADN herpès dormants. Le scénario est le suivant : réplication de l’ADN viral sous l’effet d’un stress physique ou psychique, inflammation aiguë, œdème compressif, garrottage du nerf, ischémie et démyélinisation, source de neurapraxie, puis mort axonale et dénervation. Dans la famille herpès, l’HSV1 est le plus souvent en cause. Mais le virus du zona (VZV) est aussi fréquemment en cause. Il doit être redouté, car il induit les formes les plus sévères, alors que l’éruption caractéristique peut manquer. Ces zonas « sine herpete » pourraient représenter 30 % des PFPI(2). Il faut y penser devant une PFPI d’emblée massive, douloureuse ou syndromique. Le diagnostic : la clinique avant tout Nous ne reviendrons pas sur le diagnostic positif de paralysie faciale, bien connu des ORL pour souligner l’importance de toujours rechercher une atteinte des branches non motrices du nerf : dysgueusie (corde du tympan), œil sec (nerf pétreux) ou hyperacousie (nerf du muscle de l’étrier). Ces signes viennent confirmer le caractère haut situé de l’atteinte nerveuse propre aux PFPI. L’interrogatoire et l’examen clinique sont essentiels pour finaliser le diagnostic et se tranquilliser. On s’informera d’abord sur la dynamique d’installation, le plus souvent très rapide. Toute installation lente et progressive est suspecte. On recherchera une douleur de la région mastoïdienne ou du méat auditif externe, une otorrhée, une surdité, des vertiges, des acouphènes. Les antécédents sont fondamentaux : traumatisme, séropositivité HIV, diabète, traumatisme crânien, cancer récent, piqûre de tiques, érythème cutané, fièvre ou syndrome infectieux. On recherchera des vésicules au niveau de la conque et de l’entrée du méat acoustique externe (figure 1). Au microscope, on écartera facilement une otite moyenne aiguë, un cholestéatome, une tumeur du méat auditif externe ou de l’oreille moyenne ou des signes évocateurs d’une otite externe nécrosante du diabétique. La palpation soigneuse de la parotide et du cou doit absolument clôturer l’examen clinique. Figure 1. Éruption vésiculeuse de la zone de Ramsay-Hunt témoignant d’un zona. Faut-il prescrire des examens complémentaires ? Une audiométrie avec études des réflexes stapédiens est recommandée dans les formes sévères, la présence d’une surdité ou surtout l’absence de réflexes étant des éléments de mauvais pronostic. A contrario, en cas de PFPI totale, la préservation des réflexes doit inquiéter sur l’existence d’une tumeur bas-située (figure 2). Figure 2. IRM en T2 : cylindrome du foramen stylo-mastoïdien droit responsable d’une PFPI à stapédiens conservés. Le reste du bilan paraclinique (test de Schirmer, gustométrie) est facultatif et dépend du contexte clinique. Indications de l’imagerie Elle est indispensable quand le doute diagnostique subsiste  : – installation progressive sur plus de 8 jours. C’est une tumeur intrinsèque ou extrinsèque du nerf facial que l’on craint (figure 3) ; – présence de surdité et/ou d’acouphènes, voire de vertiges ou d’autres déficits neurologiques (paralysie d’autres nerfs crâniens, syndrome cérébelleux, troubles de déglutition, hypo-esthésie faciale, céphalées) ; – anomalie quelconque du méat auditif externe ou de l’oreille moyenne. Figure 3. IRM en T1 après injection de gadolinium : neurinome du VII au niveau du ganglion géniculé droit. Attention à l’otite nécrosante, très douloureuse, « zona-like » (figure 4). Figure 4. TDM du rocher droit en fenêtres osseuses : ostéolyse des parois du méat auditif externe typique d’une otite externe nécrosante. Le scanner est indiqué en cas d’otoscopie anormale. Dans toutes les autres situations, c’est l’IRM, nécessairement injectée, qui s’impose, recherchant une prise de contraste pathognomonique, importante, focalisée et durable du ganglion géniculé, débordant sur la portion tympanique et le méat auditif interne (figure 5). Figure 5. IRM en T1 après injection de gadolinium : rehaussement caractéristique du nerf facial dans le méat auditif interne, le ganglion géniculé et la portion tympanique lors d’une PFPI gauche. Indications de l’électrophysiologie L’électromyographie n’a d’intérêt que face à une atteinte massive et durable malgré un traitement bien conduit. Elle présente un intérêt pronostique, car elle est seule à même de différencier  bloc de conduction et dénervation(3). Évolution et pronostic Plus une PFPI se complète rapidement, plus elle est sévère. Son évolution spontanée est favorable dans plus de 80 % des cas(4). La vitesse et la complétude de la récupération sont fonction du type de lésion nerveuse (neurapraxie ou dénervation). Dès qu’existe une part de dénervation, le délai de récupération s’allonge au prorata du nombre de fibres dénervées et apparaissent des séquelles liées aux anomalies de la repousse axonale  : déficit moteur, syncinésies et spasmes, voire « syndrome des larmes de crocodile ». Les séquelles psychiques peuvent être lourdes. Elles sont à la mesure des séquelles motrices observées. Le risque de récidive est réel. Existent des forces récidivantes à bascule dans le cadre du syndrome de Melkersson-Rosenthal, associant PFPI, œdème de la face et langue plicaturée (figure 6). Figure 6. Langue plicaturée dans le syndrome de Melkersson-Rosenthal. Traitement Quand le déficit est massif, la précocité de la corticothérapie à fortes doses (1 mg/kg d’équivalent prednisone pendant 8 jours) est essentielle, en respectant ses contre-indications. En cas de diabète, fréquent dans ce contexte, elle sera envisagée avec prudence, en la réservant aux formes sévères d’emblée. Son bénéfice a été démontré dans les PFPI de l’adulte(5). Le traitement antiviral par valaciclovir (6 cps/jour pendant 8 jours), bloqueur de la réplication virale, semble efficace, avec cependant un niveau de preuve réduit(6). Mais les risques induits étant faibles, les recommandations récentes conduisent à le proposer pour peu que le patient soit traité tôt avant J4. Dans tous les cas, le patient sera revu au 8e jour pour juger de l’évolution. Ça n’est qu’en cas de PFPI massive et non régressive que l’on peut se poser la question d’un bilan d’imagerie secondaire, d’une EMG, voire d’une exploration chirurgicale. La décompression chirurgicale précoce n’a cependant pas pu faire la preuve de son efficacité au regard des risques qu’elle porte(7). L’occlusion palpébrale nocturne est utile, de même que la prescription de larmes artificielles pour contrer la sécheresse oculaire. La consultation d’un ophtalmologue s’impose en cas de rougeur et de douleurs importantes dans la crainte d’une kératite, à risque pour la vitalité de l’œil. La rééducation de la face aux soins d’un kinésithérapeute ou d’un orthophoniste doit être faite sans stimulations électriques afin de ne pas favoriser le spasme. Le traitement des séquelles motrices est complexe et décevant. Le spasme est particulièrement fréquent après le zona. Son traitement est pour l’essentiel basé sur l’injection de toxine botulique. Les syncinésies sont plus difficiles à gérer et on ne saurait trop insister sur leur prévention, basée sur un traitement précoce de la PFPI et une rééducation adaptée.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème