Publié le 04 juin 2021Lecture 4 min
Explorer la somnolence diurne associée au SAOS
Caroline GUIGNOT, Paris
La somnolence diurne excessive fait typiquement partie du tableau clinique associé au syndrome d’apnées obstructives du sommeil. Cependant, son évaluation et sa prise en charge n’ont rien d’évident...
La somnolence diurne excessive (SDE) concernerait 5 à 35 % de la population générale selon les questionnaires. Dans 15 à 20 % des cas, la somnolence diurne excessive (SDE) est associée au syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS). Mais la SDE n’a rien de systématique dans ce contexte puisqu’environ la moitié de ces patients en sont exempts.
Évaluation : les limites du score Epworth
Les outils disponibles pour identifier le phénotype et l’étiologie d’une hypersomnolence ne sont pas toujours spécifiques. L’échelle Epworth Somnolence Scale (ESS), est largement utilisée dans ce contexte : cotée de 0 à 24 et considérée comme anormale au-delà d’un score de 11, elle propose d’évaluer la propension moyenne à s’endormir au cours de 8 situations de la vie quotidienne. Mais ce score comporte de nombreuses limites : l’évaluation est subjective et dépendante du déclaratif patient, il n’oriente pas sur l’étiologie des troubles, la reproductibilité intraindividuelle en cas de mesures itératives est moyenne. Cependant, l’ESS peut être utilisée dans l’évaluation primaire de la somnolence. Il peut aussi être utile pour évaluer rapidement les patients suspects de SAOS et présentant une SDE sévère et/ou des comorbidités cardiovasculaire et/ou respiratoires sévères. Parmi les alternatives disponibles dans le SAOS, la prise en compte des réponses du partenaire peut améliorer sa sensibilité et sa spécificité(1). Une métaanalyse(2) a aussi montré que ces performances était moins bonnes que celles d’autres scores (Berlin, Stop, Stop-Band), Stop-Band présentant les meilleures sensibilité et spécificité. La pupillographie fait l’objet de recherches mais ne peut encore être utilisée en routine. Les tests itératifs de latence d’endormissement (TILE) offrent une mesure objective de la somnolence mais leurs résultats ont une mauvaise corrélation avec le score ESS. Ils ne sont pas préconisés en routine pour évaluer la SDE qui lui est associée ni l’efficacité de la prise en charge par PPC (pression positive continue) de ces patients, mais ils sont plus volontiers utiles pour évaluer la somnolence résiduelle sous PPC, en comparant le résultat au score initial. À noter que les TILE suivis de 32 heures en position allongée (1 journée, 2 nuits) offrent le moyen d’objectiver et quantifier la SDE et discriminer plus facilement les troubles idiopathiques (narcolepsie de type 1 ou 2, hypersomnolence idiopathique)(3).
Si le score ESS ne peut totalement être écarté, car malgré tout informatif, l’interrogatoire structuré semble un élément pivot pour une bonne évaluation et prise en charge. Un algorithme déterminé proposant trois questions spécifiques sur la nature et la fréquence des paramètres déterminant la SDE (capacité à maintenir une vigilance normale hors privation de sommeil, fréquence des besoins de sieste, nécessité d’un long temps de sommeil associé à un réveil difficile) permet de discriminer efficacement les personnes dont la somnolence diurne est excessive et nécessite des investigations complémentaires(4).
Quid de la somnolence résiduelle sous PPC ?
La prise en charge du SAOS par PPC permet d’améliorer la somnolence de manière significative. Cependant, 15 % des patients la refusent et 20 à 25 % d’entre eux l’abandonnent secondairement. On sait aussi qu’une partie des patients SAOS peuvent souffrir de somnolence résiduelle malgré un traitement bien conduit (orthèse, PPC). Enfin, des études suggèrent que certains patients ayant un score ESS normal évoluent vers un score élevé après initiation de la PPC(5).
La réévaluation du diagnostic et du traitement est donc nécessaire : la PPC est-elle bien observée ou présente-t-elle des problèmes techniques (télémonitoring indispensable) ? A-t-elle favorisé l’apparition d’une dépression ou existe-t-il initialement des facteurs associés connus pour favoriser l’hypersomnolence comme l’obésité ou la dépression ? Une fois l’ensemble de ces éléments explorés, et pris en charge le cas échéant, la persistance d’une somnolence résiduelle peut finalement motiver le recours à une prise en charge pharmacologique par un agent éveillant. Le modafinil n’est plus autorisé en Europe dans cette indication (risque d’augmentation de la pression artérielle systolique), mais deux autres molécules ont montré leur intérêt dans la SD résiduelle liée au SAOS : le pitolisant, qui a été évalué chez des patients sous PPC(6) et des sujets refusant la PPC(7), et plus récemment le solriamfétol (AMM européenne en janvier 2020)(8,9). Ces deux molécules permettent de réduire le score ESS versus inclusion. Aucune étude face-face ne permet pour l’heure de savoir si l’une ou l’autre de ces molécules est plus efficace dans certains phénotypes. Par ailleurs, le phénotypage des SDE pourrait être facilité à l’avenir via le recours à des biomarqueurs ou l’imagerie, ce qui pourrait aussi aider à discriminer les SDE mais également les hypersomnolences résiduelles sous PPC.
D’après les communications de Y. Dauvilliers (Montpellier), S. Launois (Paris) et J.-L. Pépin (Grenoble) « Le pneumologue face à la somnolence diurne » CPLF 2021
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