Publié le 13 sep 2022Lecture 5 min
Place de l’immunothérapie dans le traitement des cancers des VADS en 2022
Robin BAUDOUIN et coll.
En 2016, la publication des résultats de l’étude américaine menée par Ferris et coll. dans le New England Journal of Medicine consacrait l’irruption des thérapeutiques immunologiques dans le champ de la cancérologie des voies aéro-digestives supérieures (VADS)(1). Depuis, la place de celles-ci a considérablement évolué, entrant dans l’usage courant et les indications passant de la seconde à désormais la première ligne de traitement.
Inhibiteurs de checkpoints immunitaires
La cellule effectrice clé de l’action antitumorale du système immunitaire est le lymphocyte T. L’activation des lymphocytes T procède de la succession plusieurs signaux. Le premier signal consiste en la reconnaissance spécifique par le récepteur des lymphocytes T (TCR) d’un antigène tumoral présenté par une cellule présentatrice d’antigène (CPA). Le deuxième signal de costimulation met en jeu, entre la CPA et le lymphocyte T, l’expression et la reconnaissance de protéines transmembranaires qui maintient et amplifie l’activation lymphocytaire T. Plusieurs boucles activatrices se succèdent ainsi selon un schéma auto-amplificateur.
Il existe un rétrocontrôle de cette boucle d’activation dont le principal objectif est de préparer le retour à l’homéostasie lymphocytaire T. Ces protéines sont appelées checkpoints immunitaires. Leur fonction, qui a pour objectif la prévention d’une suractivation à risque de maladies auto-immunes, peut être détournée par le cancer et utilisée afin de se soustraire à l’immunosurveillance exercée par les cellules de son micro-environnement.
Il en va ainsi de PD1. La liaison de PD1 exprimé par le lymphocyte T avec ses ligands PD-L1 ou PD-L2 exprimés à la surface des cellules tumorales induit une inhibition de la voie principale de costimulation activatrice. Des molécules ont été mises au point, agissant sur PD1 comme le nivolumab (Opdivo®, Bristol-Myers Squibb, New York, NY, USA), le pembrolizumab (Keytruda®, Merck & Co., Kenilworth, NJ, USA) et le cémiplimab (Libtayo®, Sanofi-Aventis, Paris, France), ou bien sur PD-L1 comme l’atézolizumab (Tecentriq®, Roche, Bâle, Suisse), le durvalumab (Imfinzi®, Astra-Zeneca, Cambridge, UK) et l’avélumab (Bavencio®, Merck & Co., Kenilworth, NJ, USA) (anti-PD-L1) et sont utilisées en pratique clinique, pour empêcher cette liaison inactivatrice PD1/PD-L1 et maintenir une activité immunitaire de type cellulaire.
De nouveaux outils
La sélection des patients, vers une médecine individualisée, la détermination des indications et l’anticipation des résistances passent par l’étude approfondie du micro-environnement tumoral, lieu où se rencontrent front d’invasion cancéreux et effecteurs immunitaires. Cette étude doit se faire, non seulement au niveau cellulaire, mais aussi au niveau moléculaire par immunohistochimie, immunofluorescence in situ ou cytométrie en flux. La recherche de marqueurs pronostiques de bonnes réponses aux anti-PD1 et PD-L1 a conduit à définir un score positif combiné ou CPS pour combined positive score, et un score positif tumoral ou TPS pour tumoral positive score(2).
Le CPS est calculé comme le ratio entre le nombre de toutes les cellules exprimant PD-L1 en immunohistochimie (cellules tumorales, lymphocytes, macrophages) sur le nombre total de cellules tumorales. Le TPS se calcule de la même façon, mais correspond au ratio entre le nombre de cellules tumorales exprimant PD-L1 et le nombre total de cellules tumorales. À partir des données de la littérature, en constant enrichissement, les indications peuvent être conditionnées à l’existence d’un score CPS ≥1 ou à un TPS ≥50.
Thérapeutiques de première ligne
En France, la Haute Autorité de santé (HAS) a autorisé la mise sur le marché (AMM) du pembrolizumab en première intention le 3 juin 2021 pour le traitement des carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou. Le rationnel de cette décision repose sur les résultats publiés par Burtness et coll. dans The Lancet en 2019 et basés sur l’étude KEYNOTE- 048(3). Cette administration peut se faire en monothérapie ou bien en association avec une chimiothérapie à base de sels de platine et de 5-fluorouracile (5-FU). En revanche, l’indication est limitée aux carcinomes métastatiques ou récidivants non résécables exprimant PD-L1 avec un CPS ≥ 1.
Thérapeutiques de seconde ligne
Ces indications supposent une progression ou une réponse incomplète(4) sous chimiothérapie de première ligne à base de sels de platine. Le nivolumab fut le premier inhibiteur de PD1 utilisée en ORL à compter du 31 janvier 2018 et dans les suites de la parution des résultats de Ferris et coll.(1), en monothérapie et sans autre condition de prescription que l’échec à une première ligne de traitement.
L’utilisation du pembrolizumab a reçu également un avis favorable de la Haute Autorité de santé le 4 septembre 2018 pour un traitement de ces mêmes patients en monothérapie, mais avec une condition basée sur un TPS ≥ 50. Néanmoins, le laboratoire demanda officiellement à ne pas être inscrit pour cette indication et l’extension d’AMM porta en revanche sur l’indication de première ligne (tableau 1).
Dans les autres pays
Concernant l’usage du pembrolizumab en première intention, l’Agence européenne du médicament (EMA), rejoignant la position française, impose un CPS ≥ 1. En revanche, la US Food and Drugs Administration (FDA) ne l’impose qu’en cas de monothérapie(5).
En seconde ligne, pembrolizumab et nivolumab sont recommandés en monothérapie par l’EMA et la FDA pour les cancers à un stade avancé, localement ou métastatiques, ou en progression pendant ou avant une chimiothérapie à base de sels de platine. Là encore, la FDA n’impose aucune restriction sur la base du CPS ou du TPS tandis que l’EMA recommande un score TPS ≥ 50(5).
Influence du papillomavirus humain (HPV)
L’infection par l’HPV est en passe de devenir la première cause de cancers oropharyngés (CO- HPV+) dans les pays développés(6). Ces cancers présentent un meilleur profil pronostique que les cancers liés à l’alcool et au tabac du fait d’une meilleure réponse à la chimiothérapie et à la radiothérapie(7). En revanche, les données de la littérature ne permettent pas encore de conclure à une meilleure réponse des CO-HPV+ à l’immunothérapie(8,9). Il en demeure que le statut HPV doit être néanmoins pris à compte, pour son pronostic favorable et la réponse aux thérapeutiques conventionnelles, mais aussi pour récolter davantage de données nécessaires à la résolution de cette problématique.
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