Publié le 09 mai 2022Lecture 4 min
Mucoviscidose : les grandes étapes d’une révolution thérapeutique
Caroline GUIGNOT, D’après la session « Actualités - La révolution thérapeutique dans la mucoviscidose » CPLF 2022
Plusieurs médicaments correcteurs permettent aujourd’hui de faire fléchir la sombre évolution de la mucoviscidose, trente ans à peine après l’identification du gène causal, lié à la protéine CFTR.
La mucoviscidose est liée à la mutation du gène codant pour la protéine CFTR, impliquée dans les canaux chlorure qui assurent notamment la fluidité du mucus bronchique. Plusieurs centaines de mutations ont été décrites, classées en six grandes catégories en fonction de leur incidence fonctionnelle (protéine absente, perturbation du repliement, diminution de la disponibilité...). L’impact clinique — au niveau pulmonaire, mais aussi digestif ou reproductif... — dépend de la nature de la mutation et du statut homo-ou hétérozygote. En France, plus de 80 % des patients ont une forme sévère liée à la mutation F508del (ou Phe508del), qui conduit à un défaut d’adressage, d’expression et d’ouverture de la protéine CFTR.
Longtemps, seul l’horizon de la thérapie génique offrait un espoir d’alternative thérapeutique à la transplantation pulmonaire. En 2013, une première molécule a néanmoins révolutionné la prise en charge : ce modulateur de CFTR (ivacaftor, Kalydeco®), un potentiateur capable de maintenir la protéine en position ouverte et favoriser sa fonction canal. L’ivacaftor s’adressait alors aux seuls patients (minoritaires) atteints de mutations altérant la fonctionnalité de CFTR.
Depuis, des correcteurs ont été développés qui visent à augmenter l’expression de CFTR à la surface des cellules (élexacaftor, tézacaftor). Les études cliniques ont montré qu’une bithérapie associant un potentiateur et un correcteur améliorait la fonction respiratoire en restaurant l’activité de la protéine chez les sujets F508del homozygotes, mais une telle association est inefficace chez les personnes ayant un seul allèle Phe508del associé à une seconde mutation ne répondant pas au traitement. En 2019, un nouvel essai clinique a permis de démontrer que la trithérapie associant élexacaftor, tézacaftor et ivacaftor améliore la fonction protéique(1) : à 24 semaines, le VEMS était amélioré de 14 %, la fréquence des exacerbations était réduite de 63 % et la concentration sudorale en chlorure étaient quasiment normalisée. Aujourd’hui, la trithérapie (ivacaftor, tézacaftor, élexacaftor, Kaftrio®) est indiquée, en association avec l’ivacaftor (Kalydeco®), dans le traitement des patients porteurs d’au moins une mutation F508del, soit les patients homozygotes ou les patients hétérozygotes associant cette mutation à une seconde conduisant à une synthèse absente ou insuffisamment fonctionnelle de CFTR.
Certains patients ont une mutation de type gating (mutation-fermeture) de la protéine, qui leur offre une fonction résiduelle de CFTR, conduisant à un VEMS et un test aux ions chlorures quasiment normaux, mais avec toutefois des risques d’infections récurrentes, une toux, des crachats, des troubles du sommeil... Récemment, la triple association versus une modulation double a été décrite comme permettant d’améliorer très modérément le VEMS mais plus encore le test chlorure. L’AMM dans cette indication est imminente(2).
En vie réelle, les données françaises(3) tout comme celles de l’agence de biomédecine(4) montrent que le médicament agit après seulement quelques heures et permet de réduire le risque d’évolution des patients sévères vers la transplantation pulmonaire dès le 3e mois de traitement. Les données à un an(5) montrent que l’amélioration observée chez ces sujets anciennement éligibles à la transplantation a continué à bénéficier de cette amélioration avec un gain de VEMS1 initial de +13,4 % maintenu durant le suivi, une diminution de 59 % et 62 % du recours à l’oxygénothérapie et la ventilation non invasive respectivement, et une baisse de 86 % du recours aux antibiotiques.
Reste que, même minoritaires, une partie des patients atteints de mucoviscidose, principalement concernés par des mutations de classe 1, 4 et 5 (protéine non exprimée, fonction canal dysfonctionnelle, disponibilité réduite), ne bénéficient pas de ces avancées. D’autres travaux de recherche sont en cours pour élargir les options thérapeutiques : thérapie génique, thérapie à ARNm, gene editing. Des études cliniques sont également attendues pour évaluer dans quelle mesure l’atteinte des autres organes affectés par la mutation CFTR est améliorée grâce au traitement. Enfin, il faut noter que ces modulateurs font l’objet d’études dans d’autres pathologies comme dans la BPCO(6), où il existerait une dysfonction acquise de CFTR.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :