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Immunothérapie spécifique

Publié le 04 juil 2022Lecture 5 min

Actualités en immunothérapie allergénique - Aller plus loin dans la personnalisation de la prise en charge des patients allergiques

Sophie MORET, Courbevoie

Tous les patients ne répondent pas de la même façon à un allergène. Comprendre et considérer l’unicité des réponses inflammatoires chez les patients allergiques peut permettre d’aller plus loin dans la personnalisation des traitements. L’immunothérapie allergénique (ITA*) offre des possibilités d’adaptation au profil du patient et a montré, dans les études cliniques et en vie réelle, un intérêt pour la prise en charge des rhinites allergiques (RA) comme de leur évolution vers l’asthme.

En pratique courante, les allergies respiratoires sont prises en charge sur une base phénotypique, à partir des traits cliniques observables. Dans la rhinite allergique, le profil du patient est dressé à partir de l’étiologie, la fréquence, la sévérité des symptômes, la polysensibilisation et les multimorbidités (asthme, eczéma…). Bien que solide, cette approche ne produit pas de données fines et individualisées. Une vision immunologique de la maladie, en élucidant les mécanismes physiopathologiques sous-jacents, pourrait améliorer la personnalisation des traitements. Ce concept de « mécanismes traitables » permettrait d’optimiser la prise en charge, médicamenteuse ou non médicamenteuse. LA CONNAISSANCE INDISPENSABLE DES MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES La RA est typiquement une pathologie médiée par une inflammation à IgE, des anticorps spécifiques dont le rôle est bien connu, dans l’apparition des symptômes aigus comme dans la pérennisation de l’inflammation. Les cellules lymphoïdes innées de type 2 (ILC2s) ont fait l’objet de nombreuses recherches qui ont ainsi révélé la capacité des ILC2s à produire des cytokines pro-inflammatoires (IL-4, IL-5, IL-13) sous l’action des cytokines épithéliales (IL-25, IL-33, TLSP), et très récemment leurs propriétés anti-inflammatoires, par production d’IL-10(1). L’équilibre entre ILC2 régulateurs/ILC2 inflammatoires et surtout son dérèglement ont un impact sur la sévérité de la pathologie, ce qui en fait des acteurs clés de l’immunorégulation. LA PRISE EN COMPTE DES FACTEURS INFLUENÇANT LA RÉPONSE IMMUNOALLERGIQUE Trois principaux facteurs ont démontré leur impact : – le terrain génétique avec le polymorphisme (HLA muté), le genre et l’origine ethnique ; – l’environnement externe (appelé aussi exposome) spécifique (polluants atmosphériques chimiques, biocontaminants, médicaments, tabagisme passif) et non spécifique (climat, facteurs socio-économiques…) ; – l’environnement interne prenant en compte style de vie, microbiote, grossesse, infections chroniques… Cette diversité explique la variabilité entre patients ainsi que celle qui peut exister chez une même personne. C’est sa prise en compte qui permettra le traitement le plus personnalisé et la prise en charge la plus adaptée. La voie de l’adaptation de la composition Le diagnostic moléculaire est une étape fondamentale dans la personnalisation de l’immunothérapie allergénique, en permettant l’adaptation des produits au profil de sensibilisation unique du patient. Basée aujourd’hui sur des extraits d’allergènes, elle pourrait l’être, dans l’avenir sur des allergènes moléculaires recombinants. Car même si les études de phase III sont rares et peu concluantes, les essais précliniques et de phase I/II montrent le potentiel des ITA moléculaires. L’axe de l’optimisation de la dose Malgré le manque de preuves actuelles, il y a des raisons d’évoquer l’adaptation de la dose en fonction du profil du patient. L’utilisation de biomarqueurs prédictifs de l’effet thérapeutique tels que les ILC pour identifier les patients potentiellement plus répondants à l’ITA, et l’adaptation du dosage selon leur profil est une piste intéressante. L’étude Mitthamsiri et al.(2) (2018) réalisée chez des patients souffrant de RA (acariens) a montré que les répondeurs cliniques à l’ITA avaient une fréquence plus élevée d’ILC1s et plus faible d’ILC2s que les non-répondeurs, avant l’initiation du traitement. Ce type d’information pourrait permettre de modifier la composition du traitement face à un profil « moins bon répondeur ». LES APPORTS DES ÉTUDES OBSERVATIONNELLES Toujours dans l’objectif d’étudier l’ITA dans une démarche centrée sur le patient, l’analyse de l’efficience de cette prise en charge en vie réelle, en termes de consommation de soins et de risques médicaux, apporte un éclairage instructif. À ce titre, les études observationnelles à partir de bases de données de prescription avec suivi longitudinal sont représentatives de la pratique courante avec une puissance substantielle compte tenu de l’importance de l’effectif. Deux études, l’une allemande (Zielen et al. Allergy 2017(3)), l’autre française (Devillier et al. Allergy 2019(4)), ont montré que l’ITA en comprimés sublinguaux (pollens de graminées) réduisait significativement, après arrêt, les prescriptions de médicaments symptomatiques de la RA sur le long terme, ainsi que le risque d’initier un traitement antiasthmatique (-42,5 % pour l’allemande, -63,7 % pour la française versus groupe contrôle). Des résultats avec la même tendance à la baisse des risques ont été observés chez des patients souffrant de RA avec ou sans asthme aux pollens de bouleau dans l’étude rétrospective Wahn et al.(5), quel que soit le type d’ITA (allergoïdes ou allergènes naturels). EFFICAPSI : UNE ÉTUDE EN VIE RÉELLE D’ENVERGURE Cette étude observationnelle longitudinale réalisée à partir du système national des données de santé (SNDS) est exemplaire. C’est en effet l’étude ITSL monoproduit la plus importante de la littérature et celle ayant eu la durée de suivi la plus longue. Son objectif était d’évaluer, chez les patients atteints de RA, l’impact en vie réelle de l’ITA sublinguale de forme liquide (ITSL liquide) sur l’apparition et l’aggravation d’un asthme (objectif principal) et leur consommation de soins (objectif secondaire). L’appariement de la base SNDS avec la base de données Stallergenes Greer a permis d’identifier la population exposée (101 345 individus). Les témoins (333 082 individus) ont été directement sélectionnés de la base SNDS en respectant les critères d’inclusion et d’exclusion. Chez les patients exposés sans antécédent d’asthme, l’ITSL est associée à un risque significativement plus faible d’apparition de l’asthme par rapport au groupe contrôle : -22 % (primaire**) et de -20 % (secondaire**). Pour ceux avec asthme, les résultats sont similaires, avec un risque significativement plus faible d’aggravation de l’asthme : 28 %** et 37 %** respectivement. Ces études de pratique quotidienne complètent les essais cliniques randomisés, avec des résultats cohérents selon les spécialités et entre les différentes sources nationales, mettant en lumière l’intérêt des ITA comme intervention dans l’évolution naturelle de la RA vers l’asthme.

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