Environnement
Publié le 22 juin 2023Lecture 11 min
Purificateurs d’air : quelle est leur efficacité réelle ?
Fabien SQUINAZI, Médecin biologiste, président de la Commission spécialisée « Risques liés à l’environnement » du Haut Conseil de la santé publique, Paris
Durant la crise Covid-19, la présence de particules virales, sous forme d’aérosol, en suspension dans l’air des locaux, a conduit à proposer l’utilisation d’unités de purification d’air, notamment lorsque les mesures de prévention collectives s’avéraient impossibles, comme le port permanent du masque ou la diminution de la densité de personnes, ou en cas d’insuffisance des pratiques d’aération ou des débits de ventilation, qui ne permettaient pas de renouveler l’air intérieur par apport d’air neuf de manière satisfaisante. Les dispositifs de purification d’air étaient déjà antérieurement promus pour réduire les concentrations des polluants (particules fines, micro-organismes, grains de pollen, composés chimiques volatils), par filtration ou traitement physico-chimique de l’air, dans l’objectif d’une amélioration de la qualité de l’air intérieur. L’évaluation de l’efficacité des purificateurs d’air en configuration réelle d’utilisation est nécessaire pour bien situer leur rôle de prévention.
LES TECHNOLOGIES UTILISÉES PAR LES UNITÉS DE PURIFICATION D’AIR
Une unité de purification d’air comporte dans une enceinte un dispositif de traitement d’air (piégeage par filtration et/ou traitement physico-chimique) et un ventilateur qui brasse l’air de la pièce à l’aide d’entrées d’aspiration et de soufflage d’air. Elle vise à éliminer ou réduire, dans l’air d’un local, la présence des particules (particules inertes, micro-organismes, pollens) et/ou des gaz (contaminants chimiques).
Les technologies de purification d’air sont classées en deux grands groupes ; toutefois, certaines unités de purification d’air peuvent combiner plusieurs technologies.
Les techniques de piégeage ou de captage
La filtration mécanique de l’air utilise des filtres à très haute efficacité HEPA (High Efficiency Particulate Air) de classes H13 (efficacité de 99,95 %) ou H14 (efficacité de 99,995 %), selon la norme NF EN 1822-1 (avril 2019). Elle permet de piéger un large spectre de contaminants particulaires, y compris des contaminants biologiques de très petite taille comme les particules virales.
Elle nécessite un préfiltre en amont du filtre HEPA pour une filtration optimale. Le changement régulier des filtres est nécessaire pour éviter leur encrassement qui réduit leur efficacité dans le temps par rapport à la perte de charge. Le coût du remplacement des filtres doit être compris dans le coût de l’appareil. Il s’agit d’une méthode non destructive avec possibilité de réaérosolisation des particules inertes ou biologiques lors du changement de filtre.
La filtration électrostatique, ou éléctrofiltration, charge électriquement les particules, aspirées par l’appareil, et les attire ensuite vers des plaques polarisées. Elle piège ainsi les particules, y compris les contaminants biologiques. Elle peut piéger certaines molécules et les minéraliser. La perte de charge est plus faible que des filtres mécaniques à efficacité comparable. Elle nécessite le nettoyage régulier des plaques. Le champ électrique peut générer de l’ozone et d’autres espèces réactives de l’oxygène.
L’ionisation de l’air génère une émission dans l’air d’ions négatifs qui s’agrègent aux particules chargées positivement (particules, pollens, micro-organismes), et forme de grosses particules qui sédimentent sur les surfaces. Les effets physiologiques des ions négatifs sont discutés. Il faut toutefois être attentif à la quantité d’ions négatifs générés qui peuvent être très différents d’un appareil à l’autre et à l’émission d’ozone du fait de la décharge couronne ou de la barrière diélectrique. Enfin, la durée de vie des ions négatifs dans l’air est assez courte.
L’adsorption sur du charbon actif en grains ou un tissu imprégné permet de piéger des polluants chimiques d’intérêt (composés organiques volatils, dioxyde de soufre, ozone, hydrogène sulfuré, dioxyde d’azote) et, des contaminants particulaires, y compris biologiques. Toutefois, l’adsorption est variable selon les composés chimiques et les contaminants particulaires, elle peut être altérée par certaines conditions environnementales (température élevée, forte humidité) et par les interactions entre les polluants chimiques piégés. L’état d’encrassement du filtre est difficile à apprécier. Comme il s’agit d’une méthode non destructrice, il y a une possibilité de réaérosolisation des polluants lors du changement du filtre.
Les techniques de traitement physico-chimique (destructives)
La filtration mécanique avec des filtres imprégnés de substances biocides permet de détruire les micro-organismes piégés. Il faut toutefois s’assurer des émissions éventuelles de la substance dans l’air intérieur. Le rayonnement ultraviolet (UVC) utilise une longueur d’onde comprise entre 180 et 320 nanomètres. Il permet une élimination très efficace des micro-organismes, et partielle de certains composés organiques volatils. Les LED UV, en remplacement des lampes à mercure, ont une longueur d’onde plus fine, des coûts réduits et sont plus écologiques. L’efficacité est toutefois impactée par plusieurs paramètres : énergie, temps de contact, concentration et complexité des contaminants, liaisons chimiques intramoléculaires. Elle est diminuée par les conditions environnementales, comme la forte humidité. Il y a un risque de génération d’ozone.
Le plasma froid est obtenu en soumettant un gaz à un champ électrique qui crée des molécules et espèces très réactives qui sont efficaces sur les polluants chimiques, avec une minéralisation en CO2 et en H2O, et sur les contaminants particulaires et biologiques. L’efficacité dépend du temps de contact avec les polluants, de l’humidité (une forte humidité est nécessaire pour éliminer le formaldéhyde, et faible pour le toluène). La minéralisation peut être incomplète et être à l’origine de la formation de sous- produits indésirables (exemple : aldéhydes, ozone et oxydes d’azote) et de particules secondaires ; elle nécessite le cou- plage avec des technologies d’adsorption. Le coût de la technologie dépend du gaz utilisé et de la puissance de traitement.
La photocatalyse utilise des rayons lumineux à la surface d’un catalyseur, généralement du dioxyde de titane, pour éliminer les composés organiques volatils et les gaz, par minéralisation en CO2 et en H2O, et les contaminants biologiques. Le dioxyde de titane est un catalyseur stable, très réactif et peu coûteux, qui se régénère spontanément. Toutefois, le traitement des polluants se fait uniquement par contact/adsorption, ce qui en fait un facteur limitant. L’efficacité est nettement diminuée sur un mélange de polluants, en présence d’humidité, et par la compétition entre les composés adsorbés à la surface du catalyseur. Elle dépend du temps de contact avec les polluants. La minéralisation est souvent incomplète à l’origine de la formation de sous-produits potentiellement nocifs (formaldéhyde), et qui risquent de saturer le catalyseur, ce qui nécessite une association avec des matériaux d’adsorption. L’absence d’efficacité sur les contaminants particulaires justifie de combiner la photocatalyse avec des technologies de filtration.
LA MESURE DES PERFORMANCES ET DE L’INNOCUITÉ DES PURIFICATEURS D’AIR
La norme française NF B44-200 (mai 2016) décrit les méthodes d’essais en laboratoire qui permettent d’évaluer les performances intrinsèques des épurateurs d’air autonomes pour des applications tertiaires et résidentielles (domestiques), ainsi qu’aux climatiseurs individuels autonomes présentant une fonction épuration d’air, et ce quels que soient les éléments d’épuration utilisés par les épurateurs. La norme permet de mesurer, sur un banc d’essai, le débit d’air nominal de l’appareil, l’efficacité d’épuration vis-à-vis d’un large spectre de polluants (particules fines, mélange gazeux d’acétone, d’acétaldéhyde, d’heptane et de toluène, micro-organismes représentés par une bactérie, Staphylococcus epidermidis, et un champignon, Aspergillus brasiliensis, et allergène de chat), et de calculer le débit d’air épuré. Elle permet de mesurer aussi les produits intermédiaires de réaction et la puissance acoustique.
La norme NF EN 16846-1 (2017) destinée aux technologies de photocatalyse permet de mesurer, en enceinte confinée, l’efficacité des systèmes photocatalytiques servant à l’élimination, en mode actif, des composés organiques volatils et des odeurs dans l’air intérieur. Le programme de certification NF 536 épurateurs d’air permet de certifier, à la vitesse maximale de fonctionnement, le débit d’air épuré pour chacune des catégories de polluants, l’efficacité énergétique, le niveau de puissance acoustique et la surface de pièce recommandée.
Toutefois, ces méthodes d’essai, effectuées dans des conditions dites réalistes en laboratoire, nécessitent des études complémentaires dans des conditions réelles d’utilisation dans des locaux occupés, en activité.
L’EFFICACITÉ DES PURIFICATEURS D’AIR EN SITUATION RÉELLE D’UTILISATION
Dans un local en activité, l’efficacité d’un purificateur d’air est influencée par de nombreux facteurs :
(1) la configuration du local ;
(2) le nombre et le positionnement des personnes ;
(3) les activités des personnes dans le local ;
(4) les modalités d’aération et de ventilation ;
(5) le nombre et l’emplacement des unités de purification d’air dans le local ;
(6) les possibilités aérauliques de l’appareil pour brasser l’air du local ;
(7) les interférences des flux d’air. Il n’est donc pas possible de transposer des résultats obtenus dans une enceinte expérimentale à une situation réelle d’utilisation.
L’Agence de sécurité sanitaire (Anses), dans son rapport de 2017 sur l’évaluation des dispositifs d’épuration d’air intérieur, recommandait la mise en place d’une certification de chaque dispositif selon les essais suivants :
(1) l’efficacité à réduire le ou les polluant(s) visé(s) ;
(2) les émissions de polluants liées au fonctionnement du dispositif ;
(3) les émissions de sous-produits, issues de la dégradation incomplète des polluants ;
(4) les réactions des émissions du dispositif avec des polluants présents dabs l’environnement intérieur ;
(5) les effets du vieillissement du dispositif sur l’efficacité et l’émission de polluants et de sous-produits de dégradation. Les essais devront être conduits dans des conditions les plus proches possibles de conditions d’utilisation, du dispositif, dans différents environnements ciblés.
Dans un avis rendu au mois de mai 2021, le Haut Conseil de la santé publique envisageait l’utilisation d’unités de purification de l’air dans les cas de ventilation insuffisante, ou non existante, ou d’aération impossible ou insuffisante, et d’impossibilité de revoir l’organisation et la jauge d’accueil des locaux. Cette proposition était faite dans l’attente d’actions correctives permettant un renouvellement de l’air suffisant. Dans les autres cas, le purificateur ne viendrait qu’en complément d’une ventilation fonctionnelle ou d’une aération possible, dans la mesure où la purification de l’air ne permet pas de réduire le confinement des locaux.
L’utilisation d’une unité de purification d’air n’est toutefois envisageable qu’après une étude technique préalable réalisée par une personne qualifiée ou par le fournisseur industriel de l’appareil. Cette étude préalable doit prendre en compte au minimum les paramètres suivants : le volume du local à traiter et sa forme géométrique, les flux d’air naturels ou forcés, le débit d’air épuré (qui devrait être au moins de 5 volumes par heure), le nombre d’appareils à utiliser pour assurer un brassage suffisant de l’air du local, la disposition des unités de purification d’air compte tenu des obstacles à la circulation de l’air, le niveau sonore et la consommation électrique. L’appareil doit être positionné de telle manière qu’il ne génère pas de flux d’air vers les visages avec un risque de dispersion de gouttelettes respiratoires infectées d’une personne à l’autre.
Le choix de la technologie de purification est aussi à considérer. L’utilisation de purificateurs d’air utilisant des traitements physico- chimiques de l’air ne devrait être envisagée qu’en connaissance de la qualité de l’air intérieur du local afin d’éviter la formation éventuelle de sous-produits. Les unités de filtration HEPA H13 ou H14, ou avec un taux de filtration équivalent, doivent respecter les normes relatives aux filtres et les performances intrinsèques de l’appareil. L’utilisation d’un purificateur d’air nécessite aussi un changement régulier des filtres et une maintenance des appareils, avec évacuation des déchets générés au cours et au terme de leur cycle de vie, en suivant les préconisations du fournisseur. Les personnes chargées de cette maintenance doivent porter des équipements de protection individuelle. L’absence de public est nécessaire lors de la maintenance de l’appareil ainsi que lors de sa mise en route.
Il est possible de réaliser des tests in situ dans un local en activité, afin de mesurer le pourcentage de réduction des polluants ciblés de l’air intérieur et de vérifier l’homogénéité spatiale de cette réduction. Pour une unité de purification d’air par filtration, l’évolution spatio-temporelle du nombre de particules est mesurée en continu par un maillage de capteurs (particules de tailles 0,3, 0,5, 1 et 2,5 micromètres), disposés selon la surface de la pièce et à hauteur des voies respiratoires. Le ou les purificateurs d’air sont positionnés dans la pièce et sont mis en fonctionnement par sessions de 2 heures au cours de la journée. Pour des unités de traitement physico-chimique, les sessions de fonctionnement sont plus longues, avec une mesure en continu des composés chimiques volatils. Pour des unités de traitement des microorganismes, ce sont des prélèvements d’air à l’aide de biocollecteurs qui sont réalisés. L’effet des unités de purification d’air est défini par un taux de réduction des polluants et selon son homogénéité dans la pièce, et dans différentes configurations testées.
CONCLUSION
Afin de préciser la juste place des purificateurs d’air au sein des moyens mis en œuvre pour améliorer la qualité de l’air intérieur, les professionnels de santé et les utilisateurs de ces dispositifs devraient avoir connaissance, à la fois du pourcentage d’efficacité en situation réelle d’utilisation dans différentes configurations de locaux occupé, en activité et pour les technologies de traitement physico-chimique, d’un éventuel enrichissement par des composés chimiques néoformés.
Ces informations, mieux que les tests en laboratoire, apporteraient des éléments objectifs pour définir l’intérêt, les circonstances et les conditions d’utilisation d’un purificateur d’air.
Les premières études réalisées dans ces situations réelles nous montrent que la réduction du nombre de particules ou de la concentration d’autres polluants dans l’air est loin des 99,95 % ou 99,995 % annoncés, souvent inférieure à 90 %.
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