Publié le 29 aoû 2023Lecture 5 min
Les troubles auditifs professionnels : conséquence, évaluation, prise en charge et cadre légal
Denis GALLAS, Groupe hospitalier public du Sud de l’Oise, Senlis
L’exposition professionnelle au bruit concerne 12 % de la population mondiale, soit six cents millions d’individus. Un tiers des surdités acquises sont liées à une exposition au bruit (OMS).
Dans une étude du NHS de 2007 concernant un groupe d’un million de travailleurs exposés au bruit, les professions les plus à risque travaillent dans l’exploitation minière, la fabrication de produits en bois, la construction d’immeubles.
En France, on considère que 32 % des salariés sont exposés aux nuisances sonores (en hausse dans tous les secteurs). Le niveau de bruit nocif est atteint lorsqu’il dépasse au moins 20 heures par semaine au-dessus de 80 dB. Cette exposition professionnelle au bruit entraîne surdité, acouphènes, dégradation de la qualité du travail et de la sécurité des travailleurs, altération de la qualité de vie, et retentissement sur le système cardiovasculaire, et le sommeil.
L’exposition professionnelle au bruit entraîne surdité, acouphènes, dégradation de la qualité du travail et de la sécurité des travailleurs, altération de la qualité de vie, et retentissement sur le système cardiovasculaire et le sommeil.
Les populations sont de plus en plus sensibilisées, et ne consultent pas uniquement en médecine du travail (peur de perdre son emploi ou de s’exposer à un reclassement professionnel non désiré).
Deux motifs de consultation sont rencontrés :
– « j’entends, mais je ne comprends pas » (audiométrie tonale normale et symétrique, audiométrie vocale dans le silence normal). Altération de l’audiométrie vocale et atteinte des autres fréquences. Possibilité d’une surdité cachée, avec potentielle synaptopathie et/ou atteinte neurale ;
– « Je n’entends pas bien » (déficit audiométrique constitué, avec atteinte des cellules ciliées et atteinte neurale).
Le retentissement de l’exposition professionnelle au bruit est lié à la durée d’exposition, à l’intensité de l’onde de pression (décibels), à la durée d’exposition, au caractère impulsionnel (plus toxique) ou continu, pouvant entraîner soit une diminution temporaire des seuils auditifs pendant 48 heures, soit une diminution permanente des seuils auditifs. S’y surajoutent des facteurs environnementaux et génétiques.
Histologiquement, les lésions sont :
– découplage de la membrane tectoriale et des cellules ciliées externes (surdité réversible) ;
– perte de cellules ciliées externes principalement sur le tour basal de la cochlée (fréquences aiguës) ;
– atteinte mécanique avec disruption de la membrane basilaire et mélange des liquides endo- et péri-labyrinthiques au-delà de 130dBSPL ;
– atteinte métabolique lors des expositions chroniques par toxicité du glutamate et des radicaux oxydants ;
– perte de connexion entre les cellules ciliées internes et leurs neurones (synaptopathie liée à la toxicité du glutamate), et possible atteinte des neurones du ganglion spiralé.
L’audiogramme dans le silence reste normal, même avec 80 % des cellules ciliées internes détruites (mais altération dans l’audiométrie au bruit).
Il n’est pas modifié non plus avant la destruction de 80 à 95 % des fibres nerveuses. Au-delà (neuropathie auditive) l’audiogramme est altéré dans le silence et le bruit (figure 1).
Figure 1. Relation entre la durée d’exposition au bruit et l’intensité.
Le bilan consiste à réaliser une audiométrie avec un audiomètre calibré, en cabine insonorisée, après au moins trois jours sans exposition aux bruits lésionnels (ce qui implique souvent un arrêt de travail avant la consultation).
Les mesures de protection réglementaires sont :
– collectives : suppression ou réduction du bruit à la source (cloisonnement, encoffrements des machines les plus bruyantes), insonorisation des lieux de travail (plafonds et murs) ;
– individuelles : bouchons, casques... changement de poste ou reconversion si nécessaire.
Audiométrie tous les 2 ans ;
– l’obligation d’information des salariés sur l’utilisation des protections auditives individuelles. Celles-ci devront être choisies après avis des travailleurs intéressés et du médecin du travail (Code du travail).
L’éventuelle déclaration en maladie professionnelle (atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels) relève du tableau numéro 42 du régime général et numéro 46 du régime agricole. La liste des professions exercées est limitative. L’exposition au bruit doit être au minimum d’un an. Sont pris en compte les acouphènes, une atteinte auditive éventuellement asymétrique, le retentissement social de l’hypo-acousie (audiométrie vocale). La perte auditive (500 Hz + 1 000 Hz + 2000 Hz + 4000 Hz/4) doit être ≥ 35 dB sur la meilleure oreille.
Le médecin du travail fournit le certificat médical au salarié qui doit envoyer sa déclaration à sa caisse d’Assurance maladie dans un délai de 15 jours. Celle-ci dispose d’un délai de trois mois pour statuer. Elle informe l’employeur et l’inspection du travail, et le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles en cas de non-inscription dans le tableau des maladies professionnelles.
TROIS CAS DE FIGURE PARTICULIERS CHEZ DES PROFESSIONNELS EXPOSÉS AU BRUIT :
• Les musiciens dont un tiers pré- sentent une fatigue auditive :
– orchestres symphoniques entre 80 et 90 dB ;
– groupes pop et rock entre 100 et 115 dB ;
– orchestres d’harmonie entre 80 et 95 dB avec des pics à 140 dB ;
– les ingénieurs du son ;
– les employés de discothèque.
À noter qu’il existe des protections spécialement adaptées pour atténuer le son électroniquement et garder le retour scène.
• Les chirurgiens-dentistes, qui sont des libéraux échappant aux mesures de prévention, de dépistage et de mesure du niveau sonore (turbine, aspiration, ultra-sons [détartrages]) exposés à des niveaux de 80 dB avec pics à 100 dB.
• Les travailleurs exposés au bruit et aux solvants aromatiques (styrène, toluène, paraxylène, éthyl-benzène) qui majorent les lésions auditives par neurotoxicité.
Si la surdité est reconnue en maladie professionnelle, elle ouvre le droit :
– au versement d’un capital si l’incapacité permanente partielle est inférieure à 10 %, et à une rente viagère si supérieure à 10 % ;
– à une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé auprès de la MDPH ;
– à une aide financière pour l’acquisition d’une aide auditive auprès de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées pour les salariés du secteur privé, ou du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées de la Fonction publique.
L’appareillage dans la vie professionnelle est faisable en milieu bruyant, en limitant le gain des fréquences élevées, mais difficiles si les fréquences sont fluctuantes ou les bruits impulsionnels. Il est souvent très utile pour la vie extra-professionnelle.
Figure 2.
D’après la communication des Drs S. Zaouche (Reims) et X. Dubernard (Lyon) aux Assises Face et Cou, Cannes 2023
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :