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Pneumologie

Publié le 31 oct 2023Lecture 10 min

L’exploration fonctionnelle à l’exercice : pratique, indications

Frédéric COSTES*, Ruddy RICHARD**, CHU de Clermont-Ferrand

L’Exploration Fonctionnelle à l’eXercice (EFX) est devenue un examen indispensable dans le diagnostic d’une dyspnée inexpliquée ou dans l’évaluation du retentissement des maladies chroniques sur la tolérance à l’effort.

Les indications de l’EFX sont : – déterminer la capacité maximale aérobie (VO2max ou pic) et estimer le pronostic de la maladie causale (notamment insuffisance cardiaque et hypertension artérielle pulmonaire) ; – déterminer la(es) cause(s) et la sévérité d’une dyspnée d’exercice ; – évaluer le risque de complications péri- et post-opératoire en cas de chirurgie thoracique, cardiaque ou digestive haute ; – déterminer la cause d’une intolérance à l’effort, notamment dans le diagnostic des myopathies métaboliques ; – évaluer la réponse aux traitements pharmacologiques ou du réentraînement à l’effort. Ses contre-indications sont identiques à celles de l’ECG d’effort, et correspondent à un état cardio-respiratoire instable.   PARAMÈTRES MESURÉS ET CALCULÉS   L’analyse des gaz expirés permet de mesurer à chaque cycle ventilatoire la ventilation minute (VE, L.min-1) avec ses 2 composantes (volume courant, Vt, et fréquence respiratoire, FR), et les fractions de gaz O2 et CO2. VO2 et VCO2 sont calculés comme les différences des débits d’O2 ou CO2 (VxFgaz) entre l’air inspiré et expiré ; on en déduit le rapport des échanges gazeux (RER = VCO2/VO2, souvent assimilé au quotient respiratoire, QR). Le recueil est fait par un masque facial à faible espace mort ou à travers un embout buccal. L’automatisation des systèmes commerciaux (ergospiromètres) ne doit pas faire oublier que ces mesures peuvent être faussées par excès ou par défaut, ce qui rend indispensable de respecter les consignes de calibration données par le fabricant et de connaître l’ordre de grandeur des mesures attendues au repos et selon l’intensité de l’exercice (par exemple pour une charge mécanique de 50 ou 100 watts). L’évolution des signaux au cours d’un exercice incrémental est illustrée par la figure 1. Figure  1. Illustration de l’évolution de VO2 (courbe bleue), VCO2 (courbe rouge), VE (courbe verte) au cours de l’exercice (traits pointillés verticaux). La relation VE en fonction du temps (ou de la puissance de l’exercice) présente 3 pentes différentes (traits pointillés) ; les ruptures de pente (flèches) correspondent aux seuils ventilatoires (SV1 et SV2).   L’électrocardiogramme 12 dérivations est aussi enregistré en continu. D’autres paramètres peuvent être mesurés de façon discontinue, habituellement au repos ou pendant l’échauffement, au niveau du seuil ventilatoire et au pic de l’exercice, comme les gaz du sang, la lactatémie, la pression artérielle, les symptômes recueillis à l’aide d’échelle visuelle analogique. L’ensemble des paramètres mesurés ou calculés ainsi que leurs seuils de normalité sont détaillés dans le tableau 1(1). Les valeurs théoriques utilisées par la plupart des logiciels ont été établies il y a près de quarante ans sur de faibles échantillons et sont parfois inadaptées à la population actuelle, en particulier pour les femmes âgées. Une initiative internationale récente d’établissement de normes a été lancée à l’instar de ce qui a été fait récemment pour les normes spirométriques GLI. DÉROULEMENT DU TEST(2)   Le protocole d’exercice doit être standardisé afin d’amener le sujet à l’épuisement en 10 minutes ± 2. Un exercice trop bref ne permet pas d’obtenir une détermination fiable du seuil ventilatoire, un exercice trop long ne permet pas de discriminer l’épuisement musculaire de la fatigue généralisée chez des patients déconditionnés à l’effort. L’épreuve se déroule en 4 phases : – une période d’enregistrement au repos de 2 minutes permettant la stabilisation de la ventilation et des échanges gazeux ; – un échauffement de 2 à 3 minutes (pédalage à 30 % de la puissance maximale attendue) ; – des incréments de 5 à 30 watts par minute, jusqu’à l’épuisement du sujet (incapacité à maintenir la fréquence de pédalage) ; – une récupération d’abord active de 2 minutes puis passive de 4 minutes. L’arrêt de l’exercice est décidé quand le sujet ne peut plus maintenir la fréquence de pédalage (ou la vitesse de course) ou si les symptômes deviennent intolérables. Le médecin peut également décider de l’arrêt en cas de mauvaise adaptation cardiovasculaire (survenue d’une ischémie myocardique, arythmie cardiaque dangereuse, hypertension artérielle) ou d’une désaturation en O2 profonde (SpO2 < 80 %), et de l’apparition de signes cliniques (douleur thoracique, trouble de conscience, céphalées).   L’ÉPREUVE EST-ELLE INTERPRÉTABLE ET MAXIMALE ?   Le manque de motivation du patient, l’arrêt trop précoce (au palier d’échauffement), une gêne à la réalisation de l’épreuve par une impotence des membres inférieurs, l’intolérance au masque (claustrophobie) ne permettront pas d’interpréter correctement l’EFX et notamment de mettre en évidence une limitation. Dans ce cas on ne se hasardera pas à une interprétation biaisée exposant à rassurer faussement ou à déclencher d’autres investigations. Il n’existe que peu de critères permettant d’affirmer la fiabilité des paramètres mesurés. Concernant VO2 , la règle d’une augmentation de 10 ± 2 ml/ min/watt permet d’apprécier grossièrement si la mesure correspond au travail musculaire fourni. À l’exercice sous-maximal, l’augmentation attendue de VE est de (21,8 x VO2 ) + 5 l/min. Les critères de maximalité chez le sujet malade différent de ceux reconnus dans le cadre de la médecine du sport ; on peut conclure à la maximalité de l’épreuve quand au moins 2 des critères suivants sont atteints : FCmax > 85 % fréquence cardiaque maximale théorique, un RER > 1,05, une lactatémie en récupération > 7 mmol.L-1, un score de symptômes > 7/10. En cas de non-maximalité, on ne pourra pas conclure à une limitation à l’effort. Les 2 indications les plus fréquentes dans le cadre de la pneumologie sont l’évaluation d’une dyspnée inexpliquée par les investigations de repos, et celle d’une intolérance à l’effort exagérée par rapport à la sévérité de la maladie causale et malgré un traitement adapté (BPCO modérée ou asthme avec pathologie cardiovasculaire intriquée). Là, l’EFX permettra d’authentifier la diminution de la capacité maximale, sa sévérité, et de séparer les parts cardiaque, respiratoire et musculaire dans une démarche analytique de chaque système qui sera détaillée ci-après. L’évaluation des symptômes (échelle de Borg, EVA) sera indispensable pour rendre compte du ressenti à l’exercice. Un algorithme d’interprétation rapide des données d’EFX est représenté en figure 2(4). Pour une interprétation plus complète, on se référera aux recommandations internationales(5,6). Il est rare qu’un seul système explique à lui seul la limitation à l’effort, par exemple la part respiratoire, et on retrouve fréquemment une part musculaire intriquée liée au déconditionnement musculaire. Ce dernier peut expliquer 32 % des cas de dyspnée d’exercice dans une série récente(7). Figure  2. Algorithme d’interprétation des résultats d’EFX (adapté d’après Richard R et Costes F).   APPORT DE L’EFX POUR METTRE EN ÉVIDENCE UNE DIMINUTION DE LA TOLÉRANCE À L’EXERCICE   La capacité maximale aérobie est appréciée par la puissance maximale de l’exercice (exprimée en watts, ou par la vitesse de course) et par la valeur de VO2 obtenue au pic de l’exercice (VO2pic, mL/kg /min). Une valeur de VO2pic < 85 % de la valeur théorique est considérée comme anormale. Le rapport VO2/W (normalement 10 ± 2 mL/min/watts) reflète l’importance du métabolisme par rapport au travail musculaire et correspond donc au rendement musculaire ; une valeur basse traduit une anomalie de l’utilisation musculaire de l’oxygène (myopathie métabolique ou déconditionnement musculaire sévère). La cassure de la relation VE/VO2 au cours de l’exercice indique l’apparition d’une hyperventilation excessive par rapport au métabolisme : ce point est appelé seuil ventilatoire, et correspond parfaitement chez l’insuffisant respiratoire à l’apparition de la sensation de dyspnée. Cette intensité d’exercice sera donc utilisée pour : 1) expliquer la dyspnée dans les activités de la vie courante (quand ce seuil survient précocement pour une VO2 entre 10 et 12 mL/kg/min, correspondant à l’intensité des activités de la vie quotidienne) ; 2) conseiller le patient quant à l’intensité des exercices qu’il peut réaliser sans inconfort ; 3) prescrire un entraînement à l’effort à basse intensité.   ANALYSE CARDIOVASCULAIRE   La constatation d’une réserve cardiaque (FCmax/FCmax théorique < 60 %) oriente vers une incompétence chronotrope, le plus souvent iatrogène ; la réserve cardiaque doit être interprétée en fonction de l’intensité métabolique (calcul de l’index chronotrope, réserve cardiaque /réserve métabolique). À l’inverse une augmentation trop rapide de FC (réponse hyperkinétique avec FC/VO2 > 50) traduit un déconditionnement à l’effort. Les modifications de l’ECG sont les premières causes d’anomalies rencontrées (troubles de la repolarisation, troubles du rythme ou de la conduction) et imposeront un avis cardiologique complémentaire, pour éliminer le plus souvent une coronaropathie. Une augmentation de la pression artérielle au-delà de 250/130 mmHg, symptomatique, oblige à l’arrêt de l’épreuve. La diminution du rapport VO2/FC (pouls d’O2 , πO2 ) reflète soit une anomalie de l’éjection systolique soit de l’extraction périphérique de l’O2. Plus que sa valeur maximale, une cassure de sa cinétique d’augmentation associée à des anomalies ECG est évocatrice d’une limitation de l’éjection systolique (ischémie myocardique ou anomalie valvulaire mitrale). Une estimation continue et non invasive du débit cardiaque par impédancemétrie est disponible depuis quelques années et sa fiabilité a été évaluée dans différentes pathologies, dont l’insuffisance respiratoire. Elle permet de calculer la différence artérioveineuse en O2 et donc d’analyser plus finement l’adaptation cardiovasculaire à l’exercice. Cette méthode peut être introduite en routine sans contrainte importante pour le patient.   ANALYSE VENTILATOIRE ET DE L’HÉMATOSE(3)   Plusieurs aspects de l’adaptation respiratoire doivent être envisagés.   La capacité ventilatoire est-elle utilisée au maximum ? Au pic de l’exercice, il existe une réserve ventilatoire (différence entre VEmesuré et VEmax théorique estimé par la formule 35 à 40 fois le Volume Expiré Maximal Seconde) d’au moins 20 à 30 L/min. Sa diminution témoigne d’une diminution des capacités de l’effecteur signant une limitation ventilatoire à l’exercice. Ainsi, pour un VEMS à 1,5 L VE est limité à 50-60 L/min maximum. L’analyse du mode ventilatoire est aussi une donnée importante : la fréquence respiratoire peut augmenter jusqu’à 40/min et le volume courant peut atteindre 60 % de la capacité vitale.   La ventilation est-elle adaptée au métabolisme et régulière ? L’aspect erratique de VE à l’exercice oriente vers un trouble du contrôle ventilatoire mais il n’existe pas de critère validé de cette variabilité de VE. Très souvent, cette irrégularité ventilatoire s’ac compagne d’une tachypnée. Les équivalents ventilatoires (VE/VO2 et surtout VE/VCO2) élevés reflètent une hyperventilation (au-delà de ce qui est attendu pour éliminer le CO2 produit), avec hypocapnie mesurée par les gaz du sang ou la PetCO2. L’absence de diminution de VE/VCO2 au début de l’exercice (nadir > 30) ou une pente VE/VCO2 > 34 sont des indices de mauvais pronostics dans l’insuffisance cardiaque chronique ou l’hypertension pulmonaire. En cas d’obstruction bronchique préalable, la recherche d’une hyperinflation dynamique et la visualisation de la boucle débit/volume permettent de mettre en évidence une limitation expiratoire à l’exercice. La mesure de la capacité inspiratoire (CI) régulièrement pendant l’effort permet de recaler le niveau ventilatoire de fin d’expiration. Une diminution de cL d’au moins 200 mL est considérée comme le témoin d’une hyperinflation dynamique ; de plus, une limitation expiratoire à l’exercice est définie par la visualisation d’un débit expiratoire atteignant les débits maximaux pendant au moins un tiers de l’expiration. Recherche d’un bronchospasme post-exercice. L’exercice est bronchodilatateur et la mesure d’une diminution du VEMS post-exercice reflète un bronchospasme induit par l’exercice (BIE). Le BIE est révélé plus facilement lors d’un test de 4 à 6 minutes à haute intensité (85 % VEmax) et avec l’inhalation d’air sec. Le VEMS est mesuré régulièrement entre la 3e et la 15e minute de récupération et une diminution d’au moins 10 % du VEMS (15 % chez l’enfant) permet de diagnostiquer le BIE.   L’hématose est-elle adaptée ? L’hyperventilation lors de l’exercice augmente la pression alvéolaire en O2 ce qui augmente la pression artérielle en O2 et diminue la pression en CO2. Ainsi au pic de l’exercice, PaO2 augmente légèrement, voire peut se normaliser en cas d’effet shunt. À l’inverse, en cas de trouble de diffusion, une désaturation en O2 peut survenir, significative au-delà d’une diminution de 2 % de SaO2 (ou 4 % de SpO2). L’augmentation du gradient alvéolo-artériel en O2 (> 30 mmHg) rend compte du trouble de diffusion que l’on rencontre dans l’emphysème, les pathologies interstitielles pulmonaires ou en cas de shunt. Une augmentation de PaCO2 (> 5 mmHg) traduit une hypoventilation alvéolaire, et donc une incapacité à augmenter la ventilation. La mesure de PaCO2 permet en outre de calculer le rapport d’espace mort (VD/Vt) qui diminue au pic de l’exercice, passant de 0,3 au repos à 0,15 au pic de l’exercice ; il augmente chez le sujet âgé, et en cas d’inégalités ventilation/perfusion comme dans l’insuffisance cardiaque ou l’hypertension pulmonaire, traduisant un moindre rendement ventilatoire avec une hyperventilation compensatrice.   ANALYSE MUSCULAIRE   Il y a peu de critères spécifiques d’une anomalie d’origine musculaire. Le plus simple est la précocité de survenue du seuil ventilatoire, avant 40 % de la capacité maximale théorique. Ce seuil survient normalement au-delà de 60 % et sa précocité traduit le déconditionnement musculaire. Une lactatémie importante à faible intensité (par exemple 4 mmol/l à l’échauffement), ou un rapport Lact/W élevé signent un faible métabolisme aérobie. Enfin une diminution de πO2 en l’absence d’anomalie cardiaque (et donc du VES) est en faveur d’une faible extraction musculaire en O2. SI le débit cardiaque (Qc) est mesuré lors de la même épreuve, une augmentation du rapport entre la variation de Qc et celle de VO2 est une faveur d’une atteinte myométabolique. *Service de médecine du sport et explorations fonctionnelles, Plateforme d’exploration de la mobilité, CHU de Clermont-Ferrand, groupe Alvéole de la SPLF **Unité d’exploration nutritionnelle, CRNH Auvergne, CHU de Clermont-Ferrand

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