Publié le 24 déc 2024Lecture 5 min
Polypose naso-sinusienne : pourquoi, quand et comment prescrire une biothérapie
Denise CARO, d’après le symposium « Les biothérapies dans la polypose : quand science et pratique se rencontrent »
Deux biothérapies, le mépolizumab (anti-IL5) et le dupilumab (anti-IL4R qui bloque l’IL4 et l’IL13) sont actuellement indiquées (et remboursées) dans la polypose nasosinusienne, sous certaines conditions(1). Les médecins ORL doivent se familiariser avec ces médicaments, ce d’autant que l’initiation du traitement hors système hospitalier pourrait prochainement être décidée.
Avant d’envisager la prescription d’une biothérapie dans une polypose nasosinusienne (PNS) qui répond mal au traitement, il faut : s’être assuré qu’il s’agit bien d’une PNS en ayant écarté un diagnostic différentiel, avoir recherché une pathologie intriquée (rhinite allergique, déviation septale, SAHOS), une comorbidité (en priorité un asthme, connu ou non du patient, traité ou pas).
Pour être éligible à une des deux biothérapies, le patient doit avoir déjà été opéré et remplir au moins trois des critères suivants : avoir une inflammation de Th2, avoir eu besoin de corticoïdes oraux (CSO) les deux dernières années (≥ 2 cures par an ou des CSO à faible dose > 3 mois), avoir une altération de la qualité de vie (SNOT-22 ≥ 40), avoir une perte significative de l’odorat ou avoir un asthme requérant des corticostéroïdes inhalés (CSI)(1).
LES DONNÉES DES ESSAIS RANDOMISÉS DE PHASE 3
L’indication de la PNS pour ces deux biothérapies résulte des essais randomisés de phase 3 SYNAPSE et SINUS-52.
L’essai SYNAPSE a comparé le mépolizumab (100 mg/mois) au placebo chez des patients atteints de PNS (qui poursuivaient leur traitement standard) durant 52 semaines. Il a montré la supériorité du mépolizumab par rapport au placebo sur le score de polypes et sur la réduction de l’EVA obstruction nasale (p < 0,0001). 50 % des patients sous biothérapie ont amélioré leur score de polype d’au moins 1 point et 36 % d’au moins 2 points vs 28 % et 13 % dans le groupe témoin(2). La réduction du score de polypes n’est pas corrélée au taux d’éosinophiles sanguins(3). Le mépolizumab a fait mieux que le placebo sur l’amélioration de l’odorat (pour des niveaux de détérioration similaires entre les 2 bras au début de l’étude). Les patients qui étaient le plus améliorés avaient eu moins de chirurgie et une ancienneté de PNS plus courte(4). Les patients sous mépolizumab ont eu une amélioration de la qualité de vie supérieure au groupe placebo (réduction 30 points du SNOT-22 vs 14 points) et une réduction plus importante de leur consommation des CSO. Enfin, 83 % des patients sous mépolizumab à S24 et 78 % à S52 n’ont pas eu besoin d’une nouvelle chirurgie, ni de CSO(2).
Les effets indésirables étaient modérés ; les plus fréquents étaient la rhinopharyngite et la céphalée ; parfois des douleurs abdominales ou aux points d’injection (dans les 2 groupes)(2).
L’étude SINUS-52, comparant le dupilumab au placebo, a inclus 448 patients atteints de PNS, randomisés en 3 bras : un groupe placebo, un groupe dupilumab 300 mg toutes les 2 semaines et un groupe dupilumab 300 mg toutes les 2 semaines pendant 24 semaines puis tous les mois. La biothérapie était associée à une amélioration significative du score de polypes et du score d’obstruction nasale comparée au placebo, avec une diminution du recours à la chirurgie et/ou de la consommation de CSO. La tolérance était bonne, similaire au placebo avec cependant un peu plus d’arthralgie (4 % vs 1 %)(5).
Rappelons que ces études qui ont un design différent ne peuvent être comparées entre elles. Dans SINUS-52 une chirurgie avant l’inclusion n’était pas systématique contrairement à SYNAPSE qui autorisait la prise de CSO, ce que ne faisait pas SINUS-52.
UN BÉNÉFICE CONFIRMÉ EN VIE RÉELLE
Deux études de phase 4 ont confirmé les résultats des deux biothérapies en vie réelle. L’une rétrospective sur 6 mois avec le mépolizumab a montré une réduction : de 4 et 4,5 points du score de polypes par rapport à l’inclusion chez les patients avec et sans syndrome de Widal (p < 0,001), de 4 points du score de symptômes à l’EVA (p < 0,001), du SNOT-22 qui est passé de 76 à 10. L’amélioration s’est poursuivie au fil du temps. Le contrôle de l’asthme a également été amélioré (10 pts ACT, réduction de 54 % de FeNO et de 96 % des patients corticodépendants). La tolérance a été similaire aux études précédentes(6).
L’autre étude au terme d’un suivi d’un an, a confirmé le bénéfice du dupilumab sur le score de polypes, sur la qualité de vie (SNOT-22), sur l’odorat (Sniffin’Sticks) ainsi que sur le sommeil. La tolérance était bonne. Six des 648 patients inclus ont arrêté le traitement pour effet indésirable (4 pour arthralgies sévères, 2 pour hyperéosinophilie sévère et persistante (> 1 500 cellules/µL)(7).
LES BIOTHÉRAPIES EN PRATIQUE
Première précaution, si le patient a déjà une biothérapie pour un asthme, il ne faut ni modifier son traitement ni ajouter une autre biothérapie sans avoir pris l’avis du pneumologue.
Ensuite, on se réfère aux recommandations françaises précisant les indications des biothérapies dans la PNS comme indiqué précédemment(2).
La prescription se fait sur une ordonnance de médicaments d’exception (cerfa S3326 à commander sur le site AMELI). Le 1er volet est conservé par le patient. Les autres volets sont gérés par le pharmacien. Le prescripteur note la durée de validité de l’ordonnance et le nombre de renouvellements autorisés ; il indique la maladie et précise si le patient est en ADL.
Le mépolizumab et le dupilumab existent en seringues préremplies ou en stylos auto-injectables (plus faciles à manipuler par le patient). La 1re injection peut être faite en milieu hospitalier ou avec une infirmière en ville. C’est une question d’organisation. À l’hôpital on peut en profiter pour faire une séance d’éducation thérapeutique.
Une première évaluation est faite à 4 ou 6 mois (éventuellement avec un contact téléphonique intermédiaire pour juger de la tolérance du produit) ; la surveillance ensuite est annuelle.
D’après le symposium « Les biothérapies dans la polypose : quand science et pratique se rencontrent », organisé avec le soutien du laboratoire GSK, avec la participation du Pr Émilie Béquignon (CHIC de Créteil), du Dr Florent Carsuzaa (Poitiers) et du Pr Cécile Rumeau (Nancy), SFORL 2024
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