Publié le 11 juin 2008Lecture 10 min
Asthme de l’enfant : des recommandations à la pratique
J. de BLIC, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
Les objectifs du traitement de l’asthme de l’enfant sont de lui permettre de mener une vie normale avec des fonctions respiratoires normales (tableau 1). De nombreuses recommandations internationales et nationales existent depuis longtemps sur le diagnostic et la prise en charge ; des campagnes d’informations, tant auprès des soignants que des patients, sont régulièrement réalisées. Les enquêtes montrent cependant qu’il y a encore loin des recommandations à la pratique.
Tableau 1. Objectifs du traitement de l’asthme chez l’enfant. • Activités physiques, sportives, scolaires normales. • Symptômes diurnes et nocturnes minimaux. • EFR normales ou normalisées. • Débits expiratoires de pointe (DEP stables). • Besoins en b2 adrénergiques de secours minimes. Ces objectifs doivent être obtenus avec : – des traitements bien tolérés ; – une croissance et un développement harmonieux. Avec une prévalence de 8 à 10 %, l’asthme représente la maladie chronique la plus fréquente chez l’enfant et a un fardeau économique non négligeable qu’il s’agisse du coût lié aux hospitalisations, aux traitements médicamenteux ou aux arrêts de travail des parents. Qu’en est-il des recommandations internationales ? Les recommandations internationales (publications Global Initiative for Asthma, National Asthma Education and Prevention Program du National Heart Lung and Blood Institute) ont pendant longtemps insisté sur la sévérité de l’asthme distinguant les asthmes intermittents et les asthmes persistants légers, modérés et sévères en fonction de la clinique et des fonctions respiratoires. À partir de cette classification, ont été établis des algorithmes thérapeutiques mis à jour régulièrement. À cette notion de sévérité sont venues s’ajouter les notions de contrôle et de pression thérapeutique. Le tableau 2 montre les items pris en compte (symptômes diurnes, nocturnes, limitation des activités, consommation de bronchodilatateurs de secours, valeurs de VCEMS et de DEP, exacerbations) qui permettent de définir l’asthme contrôlé, partiellement contrôlé et non contrôlé. Quant à la notion de pression thérapeutique, elle vient alourdir la sévérité d’un asthme. Plus la pression thérapeutique qui permet de contrôler un asthme est élevée, plus l’asthme doit être considéré comme sévère. Plusieurs études récentes montrent le déficit de contrôle de l’asthme chez l’enfant asthmatique. Plus la pression thérapeutique qui permet de contrôler un asthme est élevée, plus l’asthme doit être considéré comme sévère. L’étude AIRE Cette enquête téléphonique européenne a été réalisée en 2001 et avait pour objectif de mieux comprendre le vécu des asthmatiques. Plus de 70 000 foyers ont été interrogés sur une période de 2 mois et près de 3 500 asthmatiques ont été identifiés. L’analyse pédiatrique a porté sur 753 enfants de moins de 16 ans. Les résultats de cette étude montrent que : – Le contrôle des enfants n’est pas obtenu. En effet, si l’on considère les 4 dernières semaines, environ 50 % des enfants avaient eu des sifflements, 38 % des symptômes la journée, 62 % avaient eu recours à des bronchodilatateurs. De plus, depuis la rentrée scolaire, 25 % avaient eu une limitation au sport, 30 % avaient consulté en urgence et 50 % avaient eu au moins un jour d’absentéisme scolaire du fait de l’asthme. – Il existe une sous-évaluation de la sévérité par les parents. Environ 2 % des parents consi-déraient que leur enfant avait un asthme sévère alors que les données de l’interrogatoire en identifiaient 12 %. Cette sous-évaluation s’accompagne d’un sous-traitement puisque seuls un tiers des enfants qui justifieraient d’une corticothérapie inhalée en bénéficient réellement. – Les enfants sont insuffisamment suivis : moins d’un enfant sur deux a eu une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) dans l’année précédente, et 44 % seulement des enfants ont eu un plan d’action écrit pour la prise en charge d’une crise d’asthme. L’étude AIRE montre une insuffisance de contrôle et de suivi des enfants et une sous-évaluation de la sévérité de l’asthme par les parents. L’enquête ER’Asthme L’objectif principal de cette étude était de mesurer le niveau de contrôle de patients asthmatiques. L’enquête a été réalisée auprès des médecins généralistes et a inclus 16 580 patients dont 1 410 enfants. Deux tiers des enfants avaient un asthme persistant et 84 % recevaient un traitement de fond. Les résultats confirment que le contrôle de l’asthme reste insuffisant. En effet, à la question « comment va votre asthme ? » 27 % des enfants (ou des parents) ont déclaré « parfaitement bien », 35 % « bien » et 38 % « moyennement bien ou mal ». En revanche selon le médecin, le contrôle n'était optimal que pour 27 % des enfants, acceptable pour 7 % et inacceptable pour 66 % (figure 1). On re-trouve ici à la fois l’insuffisance et la sous-évaluation du contrôle de l’asthme. Figure 1. Contrôle de l’asthme en France chez les enfants de moins de 15 ans consultant en médecine générale (enquête ER’Asthme). L’enquête ELIOS Alors que dans les enquêtes précédentes les données pédiatriques sont extraites d’une population globale, l’enquête ELIOS est spécifiquement pédiatrique avec pour objectif d’évaluer le niveau de contrôle de l’asthme des enfants suivis en pratique de ville. Elle a inclus 3 483 enfants âgés de 4 à 15 ans ayant un asthme diagnostiqué depuis au moins un an. L’enquête a été réalisée de mars à août. Les résultats confirment les tendances observées dans l’enquête AIRE. – Plus d’un enfant sur trois a eu un recours aux soins (consultation médecin, passage aux urgences, hospitalisation) depuis la rentrée scolaire, et près de 40 % ont manqué l’école. – Seuls 26 % des enfants ont un contrôle optimal de leur asthme, 41,3 % ont un contrôle acceptable et 32,7 % un contrôle inacceptable. Encore s’agit-il des mêmes critères de contrôles qui sont appliqués à l’enfant et à l’adulte. Les recommandations de 2006 acceptent jusqu’à deux symptômes d’asthme ou deux prises de bronchodilatateurs par semaine (tableau 2). On peut penser que, si l’objectif de la prise en charge est l’absence de symptômes, le pourcentage de contrôle optimal serait encore plus faible… – Le contrôle de l’asthme est d’autant plus difficile à obtenir qu’il existe des pathologies allergiques associées, un tabagisme au domicile, que la couverture sociale est moins bonne. – Seuls 10 % des enfants avaient eu une EFR dans l’année précédente. Mais 85 % des enfants avaient un traitement de fond, représenté pour près de la moitié par une association fixe corticoïdes inhalés - b2 adrénergique de longue durée d’action. Toutes ces études vont donc dans le même sens : d’une part, une sous-évaluation par les enfants/ parents de la sévérité et du contrôle de l’asthme, d’autre part, une insuffisance de prise en charge avec un recours insuffisant aux EFR et la rédaction d’un plan d’action de crise écrit peu fréquent. Le contrôle de l’asthme est d’autant plus difficile à obtenir qu’il existe des pathologies allergiques associées, un tabagisme au domicile, et que la couverture sociale est moins bonne. Une inadéquation thérapeutique fréquente Le pourcentage très élevé (plus de 85 %) d’enfants asthmatiques ayant un traitement de fond et restant symptomatiques est problématique. Les corticoïdes inhalés (CSI), qui sont la pierre angulaire du traitement de l’asthme, réduisent les symptômes, le risque d’exacerbations, les hospitalisations et la mortalité ; ils réduisent les besoins en b2 adrénergique et les cures de corticoïdes par voie générale, et améliorent les fonctions respiratoires ainsi que la réactivité bronchique. Si l’enquête AIRE a montré un sous-traitement par les CSI, d’autres études montrent une inadéquation des traitements prescrits. Une enquête a été réalisée aux États-Unis auprès de généralistes et de pédiatres sur les traitements qu’ils prescrivaient en première intention chez l’enfant asthmatique. En cas d’asthme intermittent, qui ne nécessite théoriquement pas de traitement de fond, environ un médecin sur deux prescrivait des CSI et un sur quatre une association fixe CSI-b2 de longue durée d’action. En cas d’asthme persistant léger, si plus de 80 % des enfants ont une corticothérapie inhalée, près d’un sur deux a une association avec un b2 de longue durée d’action. Comment améliorer la prise en charge de l’asthme ? Nous disposons aujourd’hui d’un arsenal thérapeutique qui doit permettre de contrôler la grande majorité des enfants asthmatiques. La réalité est beaucoup moins encourageante puisque toutes les enquêtes montrent la fréquence des symptômes et des exacerbations. Les raisons ne sont certainement pas univoques, mais l’observance est certainement au cœur de la réussite ou non de la prise en charge de l’asthme. L’observance se situe à tous les niveaux, aussi bien du côté médecin traitant, que des parents ou de l’enfant. L’observance (médecin, parents, enfant) est certainement au cœur de la réussite ou non de la prise en charge de l’asthme. En ce qui concerne les médecins, il est clair que la non connaissance et/ou la non adhérence aux recommandations est un obstacle au bon contrôle. Indiscutablement des efforts doivent encore être faits pour améliorer la diffusion des recommandations et l’utilisation rationnelle des algorithmes thérapeutiques. Des formations spécifiques en asthmologie ont été proposées pour améliorer la prise en charge et expliquer le schéma thérapeutique et les éventuels effets secondaires du traitement, etc. Un plan d’action écrit devrait être remis à chaque enfant/famille et commenté au cours de la consultation. L’ordonnance d’un enfant asthmatique n’est pas une notion figée, et les modifications dans un sens comme dans l’autre doivent se faire tous les 3-4 mois en fonction du contrôle. Les récentes recommandations insistent donc sur la régularité des consultations de suivi et l’adaptation du traitement (figure 2). Figure2. Modulation du schéma thérapeutique en fonction du contrôle de l’asthme (GINA 2006). Par ailleurs, la prise en charge n’est pas que médicamenteuse. Le contrôle de l’environnement joue un rôle important et fait partie intégrante de l’observance. Garder à tout prix son chat au domicile, alors que de toute évidence l’enfant est allergique, ne facilitera pas le contrôle… L’éducation thérapeutique des enfants et de leurs parents doit se faire de façon individuelle essentiellement au cours des consultations. Des structures collectives (les « écoles de l’asthme ») regroupant plusieurs enfants avec des médecins, infirmières, kinésithérapeutes, psychologues formés à l’éducation thérapeutique, peuvent être mises en place en relais de la consultation. Les récentes recommandations insistent sur la régularité des consultations de suivi et l’adaptation du traitement.
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