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BPCO

Publié le 21 avr 2013Lecture 10 min

La BPCO, une maladie infectieuse ! Vraiment ?

G. DESLÉE, Hôpital Maison-Blanche, Reims
La présence d’agents infectieux au niveau des voies aériennes des patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une donnée ancienne et connue. Un article(1), publié dans la revue New England Journal of Medicine, propose une synthèse des connaissances concernant le rôle des infections bactériennes et virales dans la physiopathologie de cette affection. 
  Infection et exacerbation   Une exacerbation de BPCO est définie par une majoration inhabituelle de la dyspnée, de la toux, du volume et/ou de la purulence des expectorations. La fréquence des exacerbations au cours d’une BPCO est de l’ordre de 1 à 2 par an, augmentant en fréquence et sévérité en parallèle de la sévérité de la BPCO. Les infections bactériennes et virales sont actuellement reconnues comme l’élément principal associé au développement d’une exacerbation (tableau). Une insuffisance cardiaque aiguë ou une embolie pulmonaire peut également entraîner une majoration de la symptomatologie respiratoire chez un patient BPCO, et ces diagnostics doivent être évoqués et recherchés. L’exposition à des polluants environnementaux peut également favoriser une exacerbation. Bactéries et exacerbations  Bactéries en cause Environ 50 % des exacerbations de BPCO sont associées à une infection bactérienne des voies ariennes. Des prélèvements bronchiques protégés sous bronchoscopie retrouvent la présence de bactéries chez 29 % des patients BPCO stables et chez 54 % des sujets BPCO en exacerbation. Par comparaison, la présence de bactéries n’est retrouvée que chez 4 % des sujets non BPCO. Ainsi, Hæmophilus influenzae est retrouvé au niveau de la muqueuse bronchique (biopsies bronchiques sous bronchoscopie) chez 87 % des patients BPCO intubés pour une exacerbation de BPCO, chez 33 % des patients BPCO en état stable et 0 % des sujets sains non BPCO. La purulence de l’expectoration est associée à une plus haute probabilité d’infection bactérienne. L’acquisition de nouvelles souches d’Hæmophilus influenzæ, Moraxella catarrhalis, Streptococcus pneumoniæ ou Pseudomonas æruginosa est fortement associée au développement d’une exacerbation de BPCO.  Rupture d’un état d’équilibre Les manifestations cliniques et pathologiques d’une exacerbation infectieuse bactérienne résultent d’un déséquilibre entre les capacités de défense de l’hôte et la virulence de l’agent infectieux. Concernant la virulence bactérienne, certaines différences génomiques, notamment pour Hæmophilus influenzæ, sont liées à une pathogénicité accrue. Ces souches entraînent une réponse inflammatoire plus importante, avec en général un afflux de polynucléaires neutrophiles créé en partie par l’induction d’interleukine-8. Les défenses de l’hôte constituent l’élément probablement majeur pour expliquer les manifestations cliniques et pathologiques des exacerbations de BPCO. Au niveau des voies aériennes, les défenses associent : des facteurs mécaniques (toux, clairance muco-ciliaire, barrière constituée par l’épithélium respiratoire) ; une immunité innée impliquant l’épithélium respiratoire (production d’immunoglobulines A sécrétoires, médiateurs inflammatoires, mucines, peptides anti-microbiens), les cellules dendritiques, les macrophages, les polynucléaires neutrophiles et les pneumocytes (types I et II) ; une immunité adaptative à médiation cellulaire et humorale. Les exacerbations bactériennes des BPCO sont associées à une importante réponse inflammatoire, à la fois au niveau des voies aériennes et au niveau systémique. Cette réponse inflammatoire associée à une infection bactérienne serait responsable des manifestations clinicopathologiques des exacerbations bactériennes de BPCO. Virus et exacerbations Les données concernant l’implication des infections virales sont moins nombreuses, mais des études récentes ont permis de démontrer leur implication dans les exacerbations de BPCO. La présence de virus est retrouvée au niveau des voies aériennes dans 33 à 66 % des exacerbations de BPCO. Les résultats des études divergent, notamment comptetenu des différentes méthodes utilisées (culture, sérologie, PCR). Les études basées sur les cultures virales sous-estiment la fréquence des infections virales, alors que les études par PCR surestiment cette fréquence. Les techniques PCR identifient la présence d’ARN viral dans 15 % des BPCO stables. Les principaux virus liés aux exacerbations de BPCO sont rhinovirus (20-25 %), parainfluenza virus (5-10 %), influenza virus (5-10 %), virus respiratoire syncytial (5-10 %), coronavirus (5-10 %), adenovirus (3-5 %) et (3-5 %). Influenza virus est le virus associé au risque le plus élevé d’exacerbations sévères de BPCO nécessitant une hospitalisation. Les mécanismes impliquant les virus dans les exacerbations sont incomplètement élucidés. En premier lieu, la signification d’une PCR virale positive sur les prélèvements non protégés des voies aériennes n’est pas démontrée. La présence de virus au niveau des voies respiratoires supérieures est très fréquente et n’évolue pas forcément vers une infection des voies respiratoires inférieures. Comme pour les infections bactériennes, l’équilibre entre les facteurs de virulence des virus et les capacités de défense des voies aériennes constitue l’élément déterminant expliquant la survenue ou non d’une exacerbation viro-induite. Co-infections bactériennes et virales Elles pourraient jouer un rôle important dans les exacerbations de BPCO. Les infections virales altèrent les défenses des voies aériennes, notamment au niveau des cellules épithéliales bronchiques, et favorisent le développement d’infections bactériennes. Les infections bactériennes pourraient également favoriser le développement d’une infection virale. Cependant, la fréquence réelle des co-infections bactériennes et virales au cours des exacerbations et les mécanismes physiopathologiques de ces coinfections nécessitent des études complémentaires.   Infection chronique et BPCO   Colonisation bronchique ou infection chronique ? Contrairement à la stérilité habituelle des voies aériennes respiratoires des sujets sains, la présence d’agents infectieux au niveau des voies aériennes des patients BPCO est très commune, y compris en dehors de toute exacerbation clinique. Dans certaines études, la présence d’agents infectieux bactériens ou viraux est retrouvée chez 50 % des patients BPCO non en exacerbation. L’existence d’agents infectieux sans signe clinique d’exacerbation est habituellement considérée comme une colonisation simple des voies aériennes. Cependant, le terme de colonisation n’est probablement pas adapté dans le cas de la BPCO, car il implique l’absence de conséquences pathologiques pour l’hôte. Il a clairement été démontré que la présence d’agents infectieux au niveau des voies aériennes avait des conséquences en termes de réponse immunitaire et d’inflammation des voies aériennes. En conséquence, le terme d’infection chronique est probablement plus adapté que celui de colonisation. De l’infection chronique à l’inflammation chronique L’inflammation des voies aériennes associée à une infection chronique bactérienne est de nature essentiellement neutrophilique et implique l’interleukine-8 (chémo-attractant pour les neutrophiles) comme médiateur majeur. La production d’interleukine-8 et l’inflammation de type neutrophilique sont associées à la sévérité de la destruction emphysémateuse, au volume de l’expectoration et à l’aggravation du trouble ventilatoire obstructif. La présence de follicules lymphoïdes riches en lymphocytes B a été démontrée au niveau des petites voies aériennes des patients BPCO, et des études suggèrent que ces follicules constituent une réponse à une infection chronique locale. D’autres études laissent penser que ces follicules lymphoïdes sont associés à une réponse de type auto-immune. Au cours des BPCO sévères, la colonisation infectieuse est plus fréquente, notamment concernant Pseudomonas æruginosa, Chlamydia pneumoniæ et Pneumocystis jiroveci. Concernant les infections virales, les patients infectés par le VIH ont un risque plus élevé d’emphysème et une infection latente à adénovirus est plus fréquente chez les patients BPCO que chez les sujets sains. Une des théories actuelles est celle d’un cercle vicieux impliquant une dysrégulation des défenses immunes aboutissant à une infection chronique des voies aériennes, elle-même dysrégulant les défenses immunes innées et adaptatives. Des modèles murins d’infection chronique bactérienne ou virale permettent de reproduire certaines caractéristiques phénotypiques de la BPCO. Des travaux récents suggèrent que l’exposition au tabac associée à une infection chronique virale favorise le développement d’une réponse inflammatoire chronique telle que celle observée dans la BPCO. Responsabilité directe ou co-facteur d’inflammation ? Il faut souligner que la responsabilité directe des agents infectieux dans l’évolution chronique de la BPCO reste à démontrer. De plus, la BPCO constitue une entité très hétérogène recouvrant différentes entités physiopathologiques, aboutissant à des degrés divers à une maladie des petites voies aériennes et une destruction parenchymateuse. Les infections bactériennes et virales jouent peut-être un rôle dans la physiopathologie de la BPCO, mais ce rôle ne peut s’envisager que dans un contexte de co-facteur associé aux différents mécanismes physiopathologiques de la BPCO (inflammation, oxydation, balance protéase/antiprotéase). Enfin, il ne faut pas oublier que l’exposition au tabac constitue le facteur de risque majeur de développement d’une BPCO. En ce sens, la capacité à développer une réponse inflammatoire adaptée à un agent pathogène, dans un contexte d’inflammation/ oxydation chronique liée au tabagisme pourrait constituer un élément déterminant de susceptibilité à développer une BPCO chez les fumeurs.   En pratique, cette composante infectieuse a-t-elle des implications thérapeutiques ?   Au cours des exacerbations Au cours des exacerbations de BPCO, les antibiotiques ont surtout montré un effet bénéfique dans les exacerbations modérées à sévères, et d’autant plus en cas de purulence de l’expectoration. L’âge avancé (> 70 ans), la sévérité du trouble ventilatoire obstructif, une fréquence accrue des exacerbations et une cardiopathie associée constituent des facteurs de mauvais pronostic évolutif des exacerbations de BPCO. Les sociétés savantes ont émis des recommandations pour l’utilisation des antibiotiques au cours des exacerbations. Les recommandations de la Société française de pneumologie de 2003 sont toujours d’actualité(2). En pratique, la décision d’une antibiothérapie au cours d’une exacerbation de BPCO repose sur l’évaluation des facteurs de risque et la sévérité de l’exacerbation. Dans l’évolution de la BPCO Compte-tenu de l’implication potentielle des infections bactériennes dans l’évolution chronique de la BPCO, une antibiothérapie au long cours pourrait constituer une option thérapeutique. Cependant, son efficacité n’a jamais été démontrée dans la BPCO et elle expose en outre au risque de sélection de résistance bactérienne. Des études utilisant des macrolides à activité antiinflammatoire associée (type azythromycine) dans la BPCO sont en cours et devraient permettre de définir le rôle éventuel des ces thérapeutiques dans la BPCO.   Conclusion   Les infections bactériennes et virales sont clairement impliquées dans les exacerbations de BPCO. Une réponse inadaptée en termes de défense innée et adaptative pourrait constituer l’élément majeur responsable des conséquences cliniques et pathologiques des exacerbations de BPCO. Les co-infections bactériennes et virales jouent probablement aussi un rôle, mais des études plus précises nécessitent d’être réalisées pour préciser leur implication exacte. L’implication directe des infections bactériennes et virales dans l’évolution chronique de la BPCO n’est pas clairement établie. Là aussi, des études complémentaires sont nécessaires pour connaître leur rôle et comprendre les mécanismes physiopathologiques associés à une infection chronique.

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