Publié le 30 déc 2008Lecture 9 min
L’enfant sourd : dépister le plus tôt possible !
I. ROUILLON, Hôpital Trousseau, Paris
La surdité est la déficience sensorielle la plus fréquente de l’enfant. Le pédiatre dont le rôle est d'assurer un dépistage précoce des surdités, et plus particulièrement des surdités de perception congénitales sévères et profondes (1 sur 1 000 naissances), a une tâche difficile mais primordiale afin de permettre une prise en charge optimale.
Dépistage et diagnostic de la surdité Toute surdité sévère ou profonde bilatérale devrait être diagnostiquée avant 6 mois car le pronostic dépend étroitement de l’âge de prise en charge. Le dépistage des seuls enfants à risque (tableau) ne détecte que la moitié des surdités congénitales. Idéalement le diagnostic devrait se faire suite à un dépistage systématique en période néonatale. Toute surdité sévère ou profonde bilatérale devrait être diagnostiquée avant 6 mois. Moyens de dépistage Dans la période néonatale. Actuellement, un premier examen médical comprenant une observation des réactions auditives est réalisé avant la sortie de la maternité ou au plus tard au 30e jour de vie, lors de l’établissement du certificat de santé (observation des réflexes cochléomusculaires suite à une stimulation sonore, peu sensible et peu spécifique). Le dépistage de la surdité en période néonatale doit faire appel aux tests objectifs que sont les otoémissions provoquées (OEAs) ou les potentiels évoqués auditifs automatisés (PEAA). • Les OEAs : en retour d’une stimulation calibrée, on enregistre les émissions sonores réflexes en provenance des cellules ciliées externes. La présence d’OEAs permet de conclure à la normalité de l’oreille interne et moyenne. • Les PEAA : ils enregistrent l’activité électrique de la cochlée et du nerf en réponse à des clics de 35 dB sur les fréquences aiguës (2 000-4 000 Hz). C’est l’examen de choix pour dépister les atteintes auditives même d’origine centrale. En période néonatale, le dépistage doit faire appel aux tests objectifs OEAs ou PEAA. Une absence de réponse n’est pas synonyme de surdité. L’enfant doit être adressé au centre d’audiophonologie pédiatrique pour des tests complémentaires. Si l’enfant présente des facteurs de risque de surdité, la surveillance en milieu spécialisé doit se poursuivre même avec un premier examen normal. De 6 mois à 4 ans. L’objectif est de dépister les surdités profondes, sévères ou moyennes, méconnues précédemment et les surdités secondaires ou évolutives. Le dépistage doit être systématique et intégré aux bilans mensuels lors des consultations pédiatriques de surveillance (surveillance prévue à 4, 9, 24 mois selon le carnet de santé). Il est indispensable, même si le dépistage néonatal était normal. Le principe est d’obtenir à partir de 6 mois un réflexe d’orientation-investigation lors de l’émission d’une stimulation acoustique (jouets de Moatti). L’absence de réaction ne signifie pas forcément déficit auditif et impose des examens complémentaires. Pour les enfants de plus de 2 ans, un test vocal simple à différentes intensités, de désignation et/ou de répétition, en utilisant éventuellement un support visuel par imagier permet aisément de noter le niveau de compréhension et d’expression de l’enfant (en prenant soin d’empêcher toute compensation par lecture labiale). En outre, un examen auditif doit être proposé au moindre doute parental. Soixante-dix pour cent des diagnostics font suite aux inquiétudes familiales. Les points d’appel les plus fréquents bien que tardifs, sont les retards de parole et de langage, les difficultés scolaires, les modifications du comportement. La prescription d’une rééducation orthophonique doit toujours être précédée d’une audiométrie. Dans tous les cas, au moindre doute, un examen en milieu spécialisé est indispensable. Soixante-dix pour cent des diagnostics font suite aux inquiétudes familiales. Dans le courant de la 4e ou 5e année. L’objectif à cet âge est de dépister toute perte auditive. Le dépistage est intégré aux consultations pédiatriques et au bilan de médecine scolaire. Tout trouble du langage et/ou de la parole, ou inquiétude familiale doit être pris en considération. Diagnostic de la surdité chez le spécialiste Faire le diagnostic de surdité, c’est préciser son mécanisme (transmission, perception, mixte), son degré, son étiologie, son retentissement et diagnostiquer les troubles associés. L’examen débute par l’épreuve audiométrique la plus simple, c'est-à-dire l'audiométrie tonale. Les tests objectifs associeront l'impédancemétrie et les OEAs. L’audiométrie électrophysiologique par PEA sera nécessaire chez le tout-petit et en cas de difficulté de l’examen subjectif. Actuellement aucune méthode audiométrique ou électrophysiologique ne permet de donner à elle seule une certitude sur les seuils auditifs chez le nourrisson et le jeune enfant. La fiabilité du diagnostic nécessite de bien connaître les limites de chaque technique et de savoir les associer de manière cohérente. Le diagnostic de surdité nécessite l’obtention d'un faisceau d'arguments concordants avec les constatations cliniques et quotidiennes. Au terme de l’examen audiométrique, on peut déterminer le type de surdité et la perte moyenne calculée sur la meilleure oreille à partir des fréquences 500,1 000, 2 000 et 4 000 Hz obtenues en courbe aérienne (BIAP). Facteurs de risque de surdité. • Poids de naissance < 1 800 g • Apgar ≤ 3 à 1 min ou ≤ 6 à 5 min • Détresse ventilatoire avec ventilation plus de 10 jours • Hyperbilirubinémie > 300-350 μmol/l • Infection foetale (toxoplasmose, rubéole, CMV, herpès, syphilis) • Aminosides en fin de grossesse ou en néonatal pendant plus de 5 jours • Méningite bactérienne • Troubles neurologiques centraux • Antécédent familial de surdité • Malformations cervico-faciales et syndromes polymalformatifs Les différents types de surdité Les surdités peuvent être classées en 2 catégories. Les surdités de transmission Elles sont liées à des atteintes de l’oreille externe ou de l’oreille moyenne et n’excèdent pas 60 dB de perte. Elles sont acquises dans 99 % des cas et sont le plus souvent accessibles à un traitement médical et/ou chirurgical. Leur étiologie est dominée chez le jeune enfant par les pathologies inflammatoires et infectieuses liées au dysfonctionnement de la trompe d’Eustache. Les surdités de transmission sont acquises dans 99 % des cas et sont le plus souvent accessibles à un traitement médical et/ou chirurgical. Les surdités de perception Elles peuvent être secondaires à une pathologie de l’organe de Corti, du nerf auditif et/ou des aires auditives centrales. La perte auditive peut être considérable et s’associe très fréquemment à des modifications qualitatives du message, appelées distorsions. La prise en charge en fonctions des étiologies Les surdités de transmission La pathologie la plus fréquente est l’otite séromuqueuse (50 %): seule doit être traitée l’otite séreuse persistante (2 à 3 mois), ou présentant des complications (rétraction tympanique, perte de plus de 25 dB, otites moyennes aigues à répétition). Le traitement repose sur l’association corticoïdes- antibiotiques. En cas d’échec, le traitement chirurgical associe adénoïdectomie en cas d’hypertrophie des végétations adénoïdes, plus ou moins pose d’aérateurs transtympaniques. Les surdités de perception La prise en charge de ces surdités est fonction du déficit moyen sur les fréquences conversationnelles. Elle doit être multidisciplinaire et associer des mesures éducatives, une guidance parentale, un suivi orthophonique et une réhabilitation auditive audioprothétique. Annonce à la famille Le médecin doit savoir prendre le temps d’expliquer cette surdité et discuter des possibilités de prise en charge immédiates et ultérieures. Les aides auditives Elles sont proposées dès que le déficit auditif est supérieur à 30 dB, le plus souvent de façon bilatérale. Les surdités moyennes et sévères peuvent bénéficier de prothèses auditives dites conventionnelles (amplification du traitement du signal sonore). Dans le cas de surdités importantes et/ou si la qualité de la réhabilitation auditive par l’appareillage conventionnel surpuissant reste limitée avec une intelligibilité inférieure à 30 %, l’implant cochléaire est proposé. L’implant cochléaire est un appareillage comportant une partie externe et une partie interne implantée chirurgicalement. Un microprocesseur assure un codage du son en signaux électriques restitués en regard des terminaisons du nerf auditif. Pour les surdités congénitales, l’âge d’implantation joue un rôle essentiel dans la qualité des résultats, et doit idéalement se situer avant l’âge de 2 ans. Pour les surdités de perception, les aides auditives sont proposées dès que le déficit auditif est supérieur à 30 dB. Orthophonie En cas de retard de parole et de langage et/ou en cas de surdité moyenne à profonde bilatérale, une prise en charge orthophonique est indispensable. Celle-ci peut débuter dès les premiers mois de vie. Le rôle de l’orthophoniste est d’entraîner la voie auditive et d’aider au développement du langage. Il faut d’abord favoriser la communication en général. Par la suite, une communication orale exclusive, orale associée à des gestes ou par langue des signes peut être choisie. Orientation scolaire En cas de surdité légère à moyenne, unilatérale ou asymétrique, le cursus scolaire sera classique. Si la surdité est sévère à profonde, peuvent se poser des questions sur l’orientation scolaire ou l’aménagement des rythmes. L’audition avec et sans appareils doit être régulièrement vérifiée, ainsi que l’évolution favorable au niveau perceptif et linguistique. Points forts • Ne jamais banaliser les inquiétudes parentales. • Porter une attention particulière aux sujets à risque. • Penser aux surdités qui apparaissent secondairement. • Savoir rediscuter un premier examen rassurant. • Demander un examen auditif avant tout bilan orthophonique.
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