Publié le 12 juin 2016Lecture 6 min
Quelle éducation pour les patients dans l’anaphylaxie ?
Y. MAGAR, directeur d’EduSanté, Vanves ; Service pneumologie, allergologie, oncologie thoracique, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, Paris
L’anaphylaxie est définie comme une réaction d’hypersensibilité sévère, généralisée ou systémique, mettant la vie en danger. Face à cette urgence médicale, la rapidité du traitement initial est un élément déterminant du pronostic. Quelques minutes de retard peuvent suffire à entraîner le décès, d’où l’importance de proposer une éducation visant à favoriser l’autonomie du patient et sa capacité à mettre en œuvre un plan d’action adéquat.
L’accident anaphylactique se produit le plus souvent en dehors de toute structure de soins. Il est donc indispensable que le patient lui-même ou l’un de ses proches puisse mettre en œuvre le traitement au plus vite. L’incidence exacte de l’anaphylaxie est peu connue. Les chiffres varient de 7,9 à 49,8 pour 10 000 personnes/an, en fonction de la région et surtout de la définition retenue et des critères d’inclusion choisis(1). Etiologie Les facteurs étiologiques de l’anaphylaxie varient en fonction de l’âge de survenue. Chez l’enfant, l’allergie alimentaire représente la cause la plus fréquente. L’arachide, l’œuf, le lait de vache, les fruits à coque, les produits de la mer et le sésame sont les principaux responsables des réactions allergiques. Chez l’adulte, les causes médicamenteuses sont les plus fréquentes, suivies par les causes alimentaires et les piqûres d’hyménoptères. Il existe des facteurs de gravité qui sont dus aux maladies associées (asthme, mastocytose) ou à l’âge (adolescence, âge avancé). L’adrénaline, traitement recommandé Conformément aux différentes recommandations nationales et internationales, le traitement de l’anaphylaxie repose sur l’adrénaline injectable par voie intramusculaire à la face externe de la cuisse. Le stylo auto-injecteur constitue le dispositif d’administration privilégié en raison de sa facilité d’utilisation. Il existe sous forme pédiatrique (0,15 mg) pour les enfants de 15 à 30 kg et sous forme « adulte » (0,30 mg) destinée aux adultes et aux enfants ou adolescents de plus de 30 kg(2). Une dose unique peut ne pas suffire. Dans ce cas, une injection supplémentaire est nécessaire après un délai de 10 à 15 minutes. Si l’adrénaline peut potentiellement sauver la vie et doit donc être administrée en 1re ligne dans la prise en charge en urgence de l’anaphylaxie, on observe en pratique une sousutilisation de ce médicament : 30 à 60 % des patients présentant un accident anaphylactique, selon les études, ne reçoivent pas d’adrénaline. Les raisons de cette sous-utilisation tiennent à plusieurs facteurs : – diagnostic tardif : lorsque le tableau clinique est atypique et notamment lorsque manquent les signes cutanés, l’anaphylaxie tarde à être reconnue par les patients et aussi par les professionnels de santé ; – difficulté à juger de la gravité : lorsque les symptômes paraissent modérés ou en voie d’amélioration, l’adrénaline peut ne pas sembler nécessaire aux yeux du patient. Or, on le sait, l’évolution de l’anaphylaxie est imprévisible et une aggravation est possible à tout moment ; – réticence à l’utilisation de l’adrénaline qui est considérée comme un médicament difficile à manier, voire dangereux. Cette crainte est observée aussi bien chez les patients que les professionnels ; – utilisation des corticoïdes et antihistaminiques à la place de l’adrénaline, alors que ces médicaments ne sont pas indiqués dans le traitement de la phase initiale de l’anaphylaxie ; – peur de la piqûre (crainte de la douleur) ou doute sur sa capacité à réaliser le geste de façon correcte (crainte de piquer dans une veine) ; – absence d’adrénaline au moment de l’accident, soit parce qu’elle n’a pas été prescrite, soit parce que le patient n’a pas emmené sa trousse d’urgence avec lui. L’éducation du patient L’éducation dans la détection et la gestion de l’anaphylaxie devrait être proposée à tous les patients et l’entourage des enfants à risque anaphylactique. Elle vise à rendre le patient autonome, à augmenter son sentiment d’auto-efficacité et de sécurité. En pratique, cette éducation doit être très concrète, centrée sur la conduite à tenir en cas d’anaphylaxie (plan d’action) et la maîtrise de la technique d’injection d’adrénaline. Il est important d’appréhender les connaissances et les représentations du patient (réticences par rapport à l’adrénaline, phobie de la piqûre, etc.) afin de pouvoir lever ses craintes éventuelles et déconstruire les idées reçues, notamment sur la dangerosité de l’adrénaline. On s’attache, au contraire, à bien expliquer au patient que l’adrénaline est un médicament sûr dont les effets secondaires sont rares, le plus souvent bénins et transitoires. L’éducation du patient se déroule soit en entretien individuel, soit sous forme d’ateliers de groupe. Ces derniers étant surtout proposés chez l’enfant dans l’allergie alimentaire. L’apprentissage vise à rendre le malade capable d’analyser une situation et prendre les bonnes décisions. C’est pourquoi l’éducation des patients est basée sur des méthodes actives : mises en situation, résolutions de problèmes. Les acquis du patient et notamment la technique d’injection de l’adrénaline doivent être réévalués régulièrement pour s’assurer que le patient a bien acquis les compétences visées. Le GRETAA(3), Groupe de réflexion en éducation thérapeutique dans l’allergie alimentaire, a produit un référentiel de compétences dans l’allergie alimentaire listant toutes celles que l’enfant et sa famille devraient maîtriser pour être en sécurité (tableau). Par ailleurs, des outils éducatifs sont disponibles sur leur site, ainsi que sur celui de l’Association Asthme & Allergies. Conclusion L’éducation du patient et de son entourage vise à promouvoir l’autonomie du patient. Elle doit permettre de lever les craintes par rapport à l’adrénaline et de développer sa capacité à mettre en œuvre un plan d’action en cas d’accident anaphylactique. Pour en savoir plus : • GRETAA • Association Asthme & Allergies
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