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BPCO

Publié le 17 oct 2019Lecture 6 min

Exposition aux désinfectants et BPCO

Orianne DUMAS, Nicole LE MOUAL, Inserm, U1168, VIMA : Vieillissement et maladies chroniques. Approches épidémiologiques et de santé publique, Villejuif ; Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, UMR-S 1168, Montigny-le-Bretonneux

Les expositions aux produits de nettoyage et de désinfection sont ubiquitaires, tant au travail qu’à domicile. Il existe une plausibilité biologique à un rôle de ces expositions dans l’étiologie de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Un nombre grandissant d’études épidémiologiques suggèrent un risque accru de BPCO associé aux expositions aux produits de nettoyage et de désinfection, notamment dans les professions de ménage ou de santé, mais aussi potentiellement à domicile. Des recherches plus poussées sont nécessaires pour établir un lien de causalité, et déterminer spécifiquement les agents chimiques présentant un risque pour la santé. Malgré cela, les preuves d’un effet délétère des expositions aux produits de nettoyage et de désinfection sur la santé respiratoire à long terme, y compris l’asthme, la fonction ventilatoire, et la BPCO s’accumulent, et sont suffisantes pour justifier la mise en place d’actions de prévention.

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie respiratoire chronique fréquente caractérisée par une obstruction progressive des voies aériennes(1). La BPCO est aujourd’hui la 3e cause de mortalité au niveau mondial et est l’une des maladies chroniques contribuant le plus fortement aux années de vie ajustées sur l’incapacité (DALY)(2). En France, la prévalence de la BPCO chez des adultes de plus de 45 ans serait comprise entre 5 et 10 %(3). Le tabagisme reste le facteur de risque majeur pour la BPCO dans les pays développés ; cependant, d’autres facteurs de risque professionnels et environnementaux ont été identifiés. Une meilleure connaissance de ces facteurs de risque modifiables pourrait permettre d’améliorer la prévention primaire et secondaire de la maladie. Les expositions aux produits de nettoyage et de désinfection sont ubiquitaires, tant au travail qu’à domicile(4). Cette revue a pour objectif de faire le point sur le lien entre ces expositions et la BPCO. Après un bref résumé des connaissances actuelles sur la BPCO professionnelle, la plausibilité biologique d’un lien entre les expositions aux produits de nettoyage et de désinfection et la BPCO est discutée, et une synthèse des études épidémiologiques ayant spécifiquement porté sur cette association est proposée. BPCO professionnelle Depuis la revue de littérature de Margaret Becklake en 1989, mettant en évidence une association causale entre l’exposition aux poussières, fumées ou produits chimiques et la BPCO(5), un nombre croissant d’études a permis d’évaluer qu’environ 15 à 20 % des cas de BPCO seraient attribuables à des expositions professionnelles(6,7). Cette proportion est plus élevée chez les non-fumeurs, où elle pourrait atteindre 30 à 50 %(8). Le s expositions professionnelles pourraient de plus être associées à une morbidité plus importante chez les patients avec une BPCO(9,10). Les études épidémiologiques sur la BPCO professionnelle ont le plus souvent porté sur de larges catégories d’exposition, telles que les « poussières, fumées, gaz et vapeurs » (vapors, gases, dusts, or fumes, VGDF)(6). Des études dans des cohortes de travailleurs ont par ailleurs mis en évidence des risques associés aux expositions aux poussières minérales (par exemple, dans l’industrie métallurgique, les secteurs minier ou du bâtiment), et aux poussières organiques (par exemple, dans le secteur agricole ou l’industrie textile)(6,10,11). La catégorie d’expositions « VGDF » couvre un grand nombre d’agents, dont des produits chimiques tels que les pesticides, les solvants, ou les produits de nettoyage et désinfectants. Des données récentes suggèrent que ces expositions chimiques pourraient représenter une part importante du risque de BPCO associé aux VGDF(7,12). Possible rôle biologique des produits de nettoyage Des études conduites dans les 15 dernières années ont mis en évidence un impact délétère des expositions professionnelles et domestiques aux produits de nettoyage sur la santé respiratoire, en s’intéressant principalement à l’asthme(4,13,14). Du fait des propriétés irritantes de nombreux agents contenus dans les produits de nettoyage et de désinfection, des effets respiratoires autres que l’asthme pourraient être attendus. L’inhalation de produits irritants, notamment certains désinfectants, pourrait causer des dommages de l’épithélium respiratoire, un stress oxydant(15,16), et être associée à une inflammation neutrophilique(17). Il est maintenant reconnu que le stress oxydant joue un rôle majeur dans la BPCO, et résulte en partie d’expositions environnementales ; par ailleurs, l’inflammation neutrophilique est observée chez la plupart des patients avec une BPCO et est associée à la sévérité de la maladie(18). Du fait de sa plausibilité biologique, le rôle des expositions aux produits de nettoyage et de désinfection dans l’étiologie de la BPCO fait l’objet d’un nombre grandissant d’études épidémiologiques, décrites dans la partie suivante. Études épidémiologiques Depuis la fin des années 1990, des études portant sur le risque de BPCO associé à différents métiers, conduites dans plusieurs pays (en Europe, États-Unis ou Nouvelle-Zélande), ont observé de façon assez concordante un risque accru de bronchite chronique(19-21), de dyspnée chez des sujets âgés(22), ou de BPCO (évaluée par questionnaire(23,24) ou spi rométrie(25)) dans des professions fréquemment exposées à des désinfectants et produits de nettoyage, comme les personnels de santé et/ou de ménage. Dans une étude belge des causes de mortalité en fonction la profession, basée sur des données de recensement et de certificats de décès, un risque deux fois plus élevé de décès par BPCO était observé chez les personnels de ménage par rapport aux travailleurs « non manuels »(26). Risque de BPCO augmenté chez les personnels de ménage Récemment, l’étude de De Matteis et coll.(27) était l’une des premières à confirmer le risque accru de BPCO chez les personnels de ménage dans une vaste cohorte (UK Biobank, n = 502 649) dans laquelle la BPCO était évaluée par spirométrie, selon une définition proche des critères du Global initiative for chronic obstructive lung disease (GOLD)(1). Par ailleurs, l’étude européenne ECRHS (European Community Respiratory Health Survey), disposant de données longitudinales avec un suivi sur environ 20 ans pour 6 235 participants, a mis en évidence pour la première fois un déclin accéléré de la fonction ventilatoire (volume expiratoire maximal à la première seconde [VEMS] et capacité vitale forcée [CVF]) chez les personnels de ménage, mais aussi chez les personnes faisant le ménage à domicile, par rapport aux participants déclarant ne réaliser aucune activité de nettoyage(28). Ce résultat était observé uniquement chez les femmes, et était indépendant de l’asthme. Aucune association n’était observée entre les activités (professionnelles ou domestiques) de ménage et le trouble ventilatoire obstructif, évalué de façon longitudinale par un déclin du rapport VEMS/CVF pré-bronchodilatateur, ou transversale par un rapport VEMS/CVF post-bronchodilatateur en dessous de la limite inférieure de la normale. Cependant, ces dernières analyses étaient limitées par le petit nombre de cas observés dans cette population relativement jeune (en moyenne 54 ans au dernier suivi). Lien entre exposition aux produits de nettoyage et de désinfection et BPCO Un plus petit nombre d’études a directement évalué l’association entre l’exposition aux produits de nettoyage et de désinfection et la BPCO. Dans l’étude française PAARC (n = 10 046 adultes), l’exposition aux détergents, évaluée par deux matrices emploi-exposition différentes, était associée à un VEMS et un rapport VEMS/CVF plus bas, indépendamment de l’asthme(29). Dans une cohorte britannique s’intéressant au lien entre les expositions professionnelles et l’asthme, des associations plus marquées étaient observées entre l’exposition aux produits de nettoyage industriels et l’asthme de l’adulte avec un trouble ventilatoire obstructif(30), suggérant potentiellement une forme mixte asthme-BPCO (asthma-COPD overlap syndrome). Des résultats similaires étaient suggérés dans l’étude EGEA en lien avec l’utilisation de sprays pour le ménage à domicile chez les femmes(31). Dans l’étude ECRHS, chez les femmes, tant l’utilisation hebdomadaire de sprays que d’autres types de produits de nettoyage était associée à un déclin accéléré du VEMS(28). Enfin, des résultats préliminaires d’une étude prospective chez plus des 55 000 femmes infirmières de la Nurses’ Health Study II (États-Unis) suivies pendant environ 8 ans, suggèrent que l’utilisation hebdomadaire de désinfectants au travail, dont l’eau de javel, le glutaraldéhyde ou le peroxyde d’hydrogène, était associée à un risque 20 à 30 % plus élevé de développer une BPCO (communication à un congrès)(32). Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en rapport avec cet article. Références sur demande à la rédaction : biblio@len-medical.fr

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