Publié le 07 mai 2020Lecture 12 min
Assises de Nice
Hannah DAOUDI
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Réhabilitation des surdités mixtes : Quelles stratégies ?
• D’après Mathieu MARX (Toulouse)
La réhabilitation des surdités mixtes est une situation fréquente et compliquée : le niveau audiométrique nécessite plusieurs traitements associés (chirurgie, audioprothèse). En cas d’otite chronique, la réhabilitation audioprothétique est compliquée.
La prise en charge a été récemment modifiée au vu des nouvelles règles de remboursement des dispositifs médicaux implantés : le vibrant soundbridge (VSB, implant d’oreille moyenne) est partiellement remboursé et les implants à ancrage osseux le sont totalement.
Plusieurs moyens thérapeutiques sont à notre disposition.
La chirurgie ossiculaire sera préférée en cas d’otospongiose, tympanoplastie avec ossiculoplastie et de tympanoplastie de propreté avant un appareillage. Le choix de la prise en charge se fait en fonction de plusieurs facteurs :
• L’importance de la perte (seuil en CA) : un seuil < 75 dB sera difficile à appareiller, la correction de la part transmissionnelle de la surdité est toujours préférable.
• Les signes associés à la surdité : acouphènes invalidants ou aigus ou vertiges.
• L’existence d’un test de Rinne minimal ≥ 25 dB pour la chirurgie de l’otospongiose. Attention la mesure de la CO peut varier selon l’opératoire, il faut savoir se fier à l’acoumétrie au diapason (512 Hz) pour une bonne mesure. Par contre, un Rinne sera négatif seulement en cas de Rinne audiométrique > 17,5 dB.
La prescription d’un appareillage auditif conventionnel par appareil intra-auriculaire, contour d’oreille (BTE) ou mini-contour (RIC, écouteur déporté) se discutera chez un patient avec un tympan normal ou une otite chronique stabilisée. Pour les surdités mixtes, il faut retenir quelques notions : l’embout est en théorie fermé pour la composante transmissionnelle ; on récupère un gain essentiellement au niveau de la composante neurosensorielle, avec un gain additionnel de 50 à 100 % du Rinne audiométrique ; le niveau de compression est à adapter selon la CO. En cas d’otite chronique avec otorrhée on envisage principalement un contour BTE, avec un embout sur mesure en acryl et une aération inferieure à 2 mm, une réduction du temps de port et un essai prolongé d’au moins 45 jours.
L’implant auditif par conduction osseuse (BAHA, Ponto) ou implant d’oreille moyenne actif (VSB) se discutera après échec d’un appareillage auditif conventionnel.
Tests otolithico-spinaux
• D’après Pierre MINICONI (Carpentras)
La fonction otolithique peut être étudiée grâce à plusieurs tests cliniques ou paracliniques : VVS statique, tilt suppression test, PEO sacculaires ou utriculaires. Au cours d’une névrite, Il est souvent important de savoir si le système otolithique est atteint, en particulier pour les névrites : la gravité du diagnostic et donc la rééducation seront différentes. Pour rappel, en cas de névrite du contingent supérieur sont atteints le canal latéral, antérieur et l’utricule ; névrite du contingent inferieur, canal postérieur et saccule et névrite totale, les trois canaux, utricule et/ou saccule.
Les test otolithico-spinaux consistent en un grand mouvement à haute vitesse pour générer une accélération angulaire détectée par la cupule canalaire et une force centrifuge linéaire détectée par la macule otolithique utriculaire (rotation horizontale) ou sacculaire (rotation verticale). La tête tournée d’un côté lors du test montre une prépondérance du saccule/utricule homolatéral(e).
Le test utriculo-spinal consiste à effectuer, en position debout, un mouvement rapide du torse et de la tête dans le plan horizontal, dans les deux sens (https://youtu.be/ hbU3-U2S5nQ). Le test sacculospinal consiste à effectuer, en position debout, un mouvement rapide du torse dans le plan vertical (jambes tendu, buste en avant), la tête tournée dans un sens puis l’autre.
Ces tests permettent, au cours de l’examen clinique otoneurologique, de mettre en évidence un déficit otolithique associé au déficit canalaire ou un déficit isolé. Lors des cas cliniques présentés, ils semblent en accord avec les résultats des PEO. Ces tests, simples, sont utiles afin de suivre l’évolution et l’efficacité de la rééducation vestibulaire.
Le partenariat entre l'orthophoniste et l'ORL dans la prise en charge des patients acouphéniques
• D’après Christine PONCET-WALLET & Émilie ERNST (Paris)
Les acouphènes touchent 10 à 15 % de la population (Enquête JNA, 2018), 65 à 82 % d’entre eux ont un trouble de l’audition. Il est important de différencier la notion d’acouphène de l’hyperacousie (sensation d’inconfort produit par des sons modérés), de misophonie (réaction anormale à certains bruits), du phénomène de recrutement (hypersensibilité normale aux sons forts) et de la phonophobie (peur anormale du bruit). Il a été démontré que les acouphènes modifient les rythmes cérébraux (ondes alpha de vieille), et affectent l’humeur, le bien-être et la vie sociale du patient. À l’interrogatoire, il faut notamment évaluer la gêne du patient (questionnaires THI et TRQ) et les circonstances de survenue de l’acouphène. Sont indispensables : l’otoscopie et un audiogramme (fréquences intermédiaires à 3 et 6 kHz et acouphométrie). La nasofibroscopie peut aider à évaluer la fonction tubaire.
Les acouphènes associés à une perte auditive aboutissent souvent à la prescription d’une prothèse ou d’une chirurgie, selon l’importance de la surdité. En cas d’examen clinique normal, la prise en charge est plus difficile. Une thérapie cognitivo-comportementale est indispensable : travailler sur la valeur négative de l’acouphène et son identification à une « pathologie grave ». Les thérapies sonores sont très utilisées : il est conseillé au patient d’ajouter un bruit sonore pour diminuer sa gêne. De nombreuses applications ont vu le jour (Sonomètre® mesure le bruit ambiant environnant, Diapason® mesure l’acouphène et autorééduque le patient). Les partenaires dans la prise en charge d’un patient acouphénique sont importants et à adapter à chaque cas (médecin généraliste, psychiatre, psychologue, sophrologue, audioprothésiste, orthophoniste, etc.).
L’attention du patient, qui est focalisée sur l’acouphène, peut réduire la capacité cognitive auditive et visuelle nécessaire à mener une tache qui demande un contrôle volontaire, conscient et stratégique. Le patient présente alors des difficultés de compréhension, notamment dans le bruit, des troubles cognitifs (trouble de l’attention, de la concentration ou de l’émotion) ou des signes témoignant d’une atteinte centrale. Il pourra être orienté pour un bilan et rééducation orthophonique, qui va recentrer la plainte sur les processus cognitifs et langagiers. Le bilan nécessite souvent des tests non classiques : tests dans le bruit (Hein, Hora, MBAA, VRB, FraMatrix), tests d’audition centrale (Lafon, test de démasquage, Patterns Test, tests dichotiques). Pour les tests cognitifs, on utilise surtout le MoCA, test d’attention auditive soutenue, évaluation de la mémoire à court terme et de la mémoire de travail, etc. Une fois le trouble identifié, l’entraînement du patient à l’attention visuelle et auditive améliore l’attention aux sons pertinents plutôt qu’aux sons distracteurs.
Otologie, robotique et intelligence artificielle
• D’après Yann NGUYEN (Paris) & Nathalie KLOPP-DUTOTE (Amiens)
L’aide à la chirurgie otologique parrobot présente un grand intérêt : l’espace de travail jusqu’à l’oreille moyenne est réduit, l’accès aux structures de l’oreille interne est limité sans vision directe et les manipulations doivent être précises devant des structures millimétriques. Deux systèmes robotiques ont été développés en France et sont aujourd’hui utilisés au bloc opératoire. Le robot Rosa (Zimmer), au CHU d’Amiens, a été mis au point pour insérer un implant cochléaire en utilisant une voie mini-invasive à travers la mastoïde jusqu’à la fenêtre ronde, calculé grâce au scanner préopératoire. Le robot RobOtol (Collin), au CHU de la Pitié-Salpêtrière, est aujourd’hui utilisé pour la stapédotomie par laser et l’insertion du porte électrode à vitesse ultrabasse, grâce à son bras porte-instrument. Il aide également à l’exérèse des cholestéatomes à deux mains, grâce à son bras porte-endoscope.
Les performances robotiques et leurs champs d’utilisation visent à être améliorés par l’intelligence artificielle. Elle aurait trois domaines d’interaction dans la chirurgie ORL :
l’analyse du langage : extraire les informations utiles d’un dossier médical pour classer les patients, aider au diagnostic, à l’indication chirurgicale et prédire les complications postopératoires ;
l’analyse de la vision : aider au diagnostic avec la reconnaissance de tissus anormaux, l’interprétation de l’otoscopie, l’analyse de l’imagerie. Mais aussi, une assistance préopératoire pour améliorer le champ visuel du chirurgien et reconnaître les différentes structures anatomiques et les gestes à risque de complication ;
l’analyse des signaux biologiques ou physiques : intégrer et analyser en temps réel des données au bloc opératoire comme les forces utilisées lors de l’insertion d’un l’implant cochléaire, du monitoring des fonctions nerveuses (facial, cochléaire). Une alerte pourra être mise en place lorsque des points limites sont atteints.
La qualité des soins pourra alors être améliorée grâce à des techniques comme les réseaux de neurones profonds : méthode d’apprentissage automatique la plus développée de l’intelligence artificielle. Il sera possible de porter rapidement des diagnostics, d’évaluer l’indication opératoire et le risque de complication chirurgicale pour chaque patient. L’intégration de l’intelligence artificielle et de la robotique à la pratique médicale va devenir primordiale et devrait modifier notre métier et notre rapport au patient dans un avenir proche. Il ne faut pas l’envisager comme une menace mais comme un support à la décision et à la pris - en charge, en restant vigilant quant à la constitution et à l’exploitation de nos données.
Acouphènes somato-sensoriels (ASS) : Quand y penser ? Peut-on les traiter ?
• D’après Marie-José ESTÈVE-FRAYSSE (Toulouse)
L’acouphène somato-sensoriel (ASS) est un sous-type d’acouphène, qui serait dû à une plasticité auditivo-somato-sensorielle inadaptée au niveau du noyau cochléaire dorsal. Il se différencie des autres types d’acouphène par une atteinte du système somatosensoriel de la tête et du cou plutôt qu’au système auditif. Les critères diagnostiques de 2019 permettent d’orienter le diagnostic : l’ASS peut être modulé par des manoeuvres ou des mouvements au niveau de la bouche, de la mâchoire, de la tête et du cou, à rechercher cliniquement. Ses caractéristiques sont en relation avec des régions provoquant la modulation : l’acouphène change en intensité, fréquence ou localisation selon l’activation de stimuli au niveau cervico-facial. Il est associé à d’autres symptômes non spécifiques, tels que des douleurs, hypertonies de certains muscles (suboccipital ou extenseur de la colonne), dysfonctionnement de l’ATM, trouble occlusal ou bruxisme, pathologie dentaire. Le patient est en général d’âge jeune, avec une audition normale ou symétrique. L’acouphène n’a pas de corrélation avec l’audiogramme. Il est important de rechercher des indices révélateurs d’un éventuel dysfonctionnement qui influence et module l’acouphène, notamment par des manoeuvres cliniques : ouverture et fermeture de la mâchoire, serrage des dents, recherche de points gâchettes au niveau des muscles de la face, etc.
Le traitement combine la prise en charge classique (sophrologie, bilan de l’ATM, dentaire, ou cervical en fonction de la clinique) et des thérapies manuelles (relâchement des tensions musculaires, exercices de stretching), dont les modalités restent à définir. Il est important d’adapter et d’élargir le réseau pluridisciplinaire, à des médecins physiques et kinésithérapeutes spécialisés en maxillo-facial et en cervical.
Quel bilan et quel traitement pour les pathologies salivaires non tumorales ?
• D’après Sébastien VERGEZ (Toulouse)
La sialadénite aiguë infectieuse regroupe la submandibulite (souvent bactérienne) et la parotidite (souvent virale). Elle se traduit par une tuméfaction douloureuse en regard de la glande, un syndrome fébrile et des adénopathies. L’examen retrouve une inflammation au niveau des orifices ou du pus qui sera alors prélevé. Le traitement médical repose sur une bonne hydratation, des massages de la glande et antispasmodiques. Une antibiothérapie est démarrée en cas d’origine bactérienne, par amoxicilline ou pristinamycine. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire sauf en cas d’abcès. À distance de l’affection, pour éviter les récidives, on pourra rechercher une cause obstructive.
En cas de sialodochite ou d’obstruction canalaire, les examens complémentaires sont indispensables. L’échographie donne la présence, la taille, le nombre et la localisation des lithiases avecdilatation d’amont. Attention aux bouchons muqueux qui peuven simuler une lithiase. Le cone-beam ou le scanner sans injection sont plus précis et plus fiables. La sialo-IRM permet de visualiser les quatre canaux principaux et le parenchyme, et ainsi permet de différencier une obstruction lithiasique ou par sténose. La sialendoscopie, toujours effectuée à froid, à l’aide d’une fibre optique (0,75 mm), est réalisée en ambulatoire, le plus souvent sous anesthésie générale. On retrouve des lithiases dans 40 % des cas et des sténoses dans 40 % des cas. On dilate la papille progressivement jusqu’à mettre la caméra. Le canal est dilaté par irrigation en faisant attention à ne pas envoyer une lithiase flottante plus au fond. L’extraction sera endoscopique en cas de lithiase flottante, ou par fragmentation endoscopique si elle est fixée. Les lithiases parotidiennes sont souvent plus profondes.
Les troubles sécrétoires se traduisent pas une hyposialie, souvent iatrogène ou post-radiothérapie, ou une hypersialorrhée. Les sialadénoses, plus souvent parotidiennes, regroupent les pathologies chroniques des glandes salivaires, hors origine infectieuse, tumorale ou traumatique. Une origine alimentaire peut être mise en cause, retrouvée en cas de régime alimentaire riche en amidon, alcoolisme chronique, anorexie ou obésité. Il faut également rechercher une maladie générale : diabète, sarcoïdose, amylose, lupus, myosite, Gougerot- Sjögren, syndrome de Sharp. En cas d’étiologie non évidente, le bilan exhaustif nécessite une NFS, VS, CRP, créatinine, bilan hépatique, EPP, sérologies du VIH et HCV, ACAN et AC anti-ENA (AC anti-SSb/SSb/ SCL 70/JO1/Sm/RNP). On fera également une biopsie des glandes salivaires accessoires, radiographie pulmonaire et un avis du médecin interniste.
Rhinites chroniques difficiles : Cas cliniques
• D’après Élie SERRANO (Toulouse)
Voici quelques notions tirées de cas cliniques :
sur l’aspect isolé, unilatéral ou sale d’une obstruction nasale (ON), on n’évoque pas une pathologie inflammatoire ou allergique. Les corticoïdes locaux ne sont alors pas indiqués ;
une réversibilité sous vasoconstricteurs (oxymétazoline) fait évoquer une pathologie de la muqueuse.
un écoulement unilatéral non purulent, doit faire éliminer une pathologie tumorale bénigne ou maligne, ainsi qu’une brèche ostéo-méningée.
Quelques diagnostics non classiques de rhinite chronique
La rhinite chronique hypertrophique, non allergique, médicamenteuse par intoxication aux vasoconstricteurs est fréquente, est à évoquer devant une ON chronique progressive bilatérale permanente, sans efficacité des traitements locaux, avec utilisation de vasoconstricteur nasal. Leur utilisation est souvent banalisée avec un risque de mésusage, dépendance et accoutumance du patient. Ils ont des effets rares mais potentiellement graves, surtout s’il y a une prise concomitante d’un vasodilatateur oral (bêtabloquant). La seule indication est une rhinite aiguë, avec utilisation ponctuelle courte (< 5 jours). Le traitement, en plus de stopper le médicament, peut être d’y associer un geste de réduction de la muqueuse turbinale.
Il faut malgré cela garder à l’esprit la grande iatrogénie des turbinectomies inférieures et toujours respecter la structure anatomique du cornet inferieur. L’ON paradoxale par excès de résection des cornets inférieurs est un diagnostic différentiel du syndrome du nez vide. La prise en charge est difficile : traitements ponctuels pendant quelquesmois par lavages de nez, antibiothérapies et cure thermale. On peut proposer, à distance, une reconstruction chirurgicale. Il ne faut pas oublier une prise en charge psychologique, si elle est jugée nécessaire.
La rhinite atrophiante se caractérise par une rhinite croûteuse bilatérale et des signes d’érosion au scanner. On évoque des maladies granulomateuses (maladie de Wegener, sarcoïdose, tuberculose), systémiques auto-immune (Churg & Strauss, maladie de Crohn, LED, péri-artérite noueuse, Gougerot- Sjögren), malignes et des mycoses invasives. Il faut éviter la chirurgie : les lavages de nez ont une place primordiale. Le traitement spécifique de chaque malade se fait en accord avec les médecins internistes.
Enfin, le syndrome d’hypersensibilité chimique multiple se caractérise par un cortège de symptômes non spécifiques chroniques et variables (arthralgie, céphalées, etc.) en plus des symptômes ORL : ON bilatérale, rhinorrhée claire éternuements. Tous les produits chimiques peuvent être responsables. Il n’y a ni test diagnostique , ni traitement spécifique. On évite les corticoïdes et on propose une prise en charge psychologique.
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