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COVID-19

Publié le 20 mai 2020Lecture 6 min

Quelle mesure de la saturation en oxygène choisir pour les patients en général et atteints de COVID-19 en particulier ? Rappel éclair sur la gazométrie artérielle et l’oxymétrie de pouls

Marcel BONAY, Service de physiologie-explorations fonctionnelles, Hôpital Ambroise Paré, AP-HP, Boulogne-Billancourt ; Inserm U1179, UVSQ, Université Paris Saclay, UFR Simone Veil-Santé, Montigny-le-Bretonneux

À ce jour, le document qui fait référence pour décider de l’hospitalisation et/ou du mode de suivi de patients atteints de COVID-19 est celui du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Le critère d’hospitalisation principal reste une saturation en oxygène mesurée avec une oxymétrie de pouls (SpO2) < 95 % en air ambiant (en l’absence d’affection respiratoire chronique hypoxémiante), dans les derniers documents disponibles(1). Comme la stratégie de prise en charge de la COVID-19 repose sur la SpO2, on peut se poser quelques questions : que représente ici la SpO2 par rapport à la SaO2 ? La SpO2 est-elle fiable ?

Dans la majorité des cas d’atteinte pulmonaire de l’infection à coronavirus SARS-CoV-2, le mécanisme physiopathologique responsable de la défaillance des échanges gazeux à l’origine d’une hypoxémie, est un trouble de distribution des rapports ventilation/perfusion, probablement lié aux anomalies vasculaires pulmonaires(2). La gazométrie artérielle et l’oxymétrie de pouls sont utiles à la démarche diagnostique devant une insuffisance respiratoire, à l’appréciation de sa gravité et à son suivi thérapeutique. Quelques rappels permettront d’éviter certaines erreurs d’interprétation. L’insuffisance respiratoire est habituellement définie par l’incapacité du poumon à oxygéner le sang artériel systémique pour assurer un apport d’oxygène (O2) adapté aux tissus, et à éliminer le dioxyde de carbone (CO2) produit par le métabolisme. L’intérêt des gaz du sang artériel se situe au niveau de l’appréciation quantitative et qualitative de cette définition biologique. Cet examen permet de mesurer, entre autres, la pression partielle artérielle en O2 (PaO2), indicateur facilement accessible de l’efficacité de l’échangeur pulmonaire dont la finalité est l’oxygénation tissulaire, la saturation artérielle en O2 du transporteur hémoglobine (SaO2 ou HbO2), la pression partielle artérielle en CO2 (PaCO2), marqueur du niveau de ventilation alvéolaire, et le pH sanguin, témoin de l’équilibre acido-basique. L’oxymétrie de pouls comporte de multiples avantages d’utilisation, mais mesure un paramètre (SpO2) différent de la SaO2 mesurée lors de la gazométrie artérielle. Étude du transport de l'O2 et du CO2 : Pression partielle, saturation et concentration L’O2 et le CO2 existent dans le sang à l’état dissous, correspondant à leur forme de passage à travers la membrane alvéolo-capillaire pulmonaire, ou à l’état combiné : bicarbonates essentiellement pour le CO2, oxyhémoglobine pour l’O2 (HbO2). La pression partielle d’un gaz dans le sang est la pression exercée par sa fraction dissoute. Elle est exprimée en mmHg (ou torr) ou en kiloPascal (1 kPa = 7,51 mmHg). La pression partielle d’un gaz dans le sang détermine sa quantité transportée sous forme combinée. La saturation artérielle de l’hémoglobine en O2 (SaO2) est un rapport exprimé en pourcentage qui reflète la proportion d’O2 transportée sous forme combinée à l’hémoglobine. La concentration ou contenu artériel d’un gaz (CaO2 ou CaCO2) représente la somme des volumes de sa fraction dissoute et de sa fraction combinée, rapportée au volume de sang. Le transport en O2 (TaO2) prend en compte la notion de perfusion sanguine (tableau 1). La relation entre PaO2 et SaO2 est complexe, de forme sigmoïde. Comme la CaO2 dépend essentiellement de l’O2 combiné (forme quantitativement la plus importante), la relation entre PaO2 et CaO2 est aussi de forme sigmoïde. Les conséquences d’une modification de la PaO2 sur la SaO2 (ou la CaO2) varient notamment en fonction du niveau de PaO2, du pH, de la PaCO2 et de la température (figure 1A). Figure 1. Courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine. A. Les conséquences d’une modification de la PaO2 sur la SaO2 (ou le CaO2) varient en fonction du niveau de PaO2, du pH, de la températureet de la PaCO2 [PaO2 : pression partielle artérielle en O2 ; SaO2 : saturation artérielle en O2 de l’hémoglobine ; CaO2 : contenu artériel en O2]. B. SaO2 varie peu (double flèche rouge) tant que l’hypoxémie n’est pas franche. Une baissede PaO2 se manifeste plus précocement au cours d’une pathologie hypoxémiante (flèche noire) qu’une variation de SaO2 (ou de CaO2). Lorsque PaO2 <  50 mmHg, la SaO2 s’écroule très rapidement. Rappels techniques  Les appareils mesurant PO2, PCO2 et pH calculent la SaO2 (SaO2 calculée) à partir de la PaO2 sans tenir compte de l’hémoglobine du patient, ce qui est une approximation. Schématiquement, ce calcul de la SaO2 est fondé sur l’hypothèse que toute l’hémoglobine est libre de fixer l’O2. La mesure directe de SaO2 (SaO2 mesurée ou HbO2) est associée à celles de la concentration en carboxyhémoglobine (HbCO), en hémoglobine totale et en méthémoglobine (MetHb). L’intérêt majeur est de ne pas méconnaître une baisse de SaO2 liée à la présence d’HbCO (tabagisme ou intoxication au CO) ou plus rarement de MetHb (héréditaire ou acquise médicamenteuse) ou des hémoglobines anormales en termes d’affinité pour l’O2. La mesure de l’hémoglobine totale et de la SaO2 autorise un calcul fiable de la CaO2 (qui peut être directement mesurée par quelques appareils de même que la CaCO2). Les méthodes indirectes permettant la mesure de la PO2 et de la PCO2 par voie transcutanée et de la saturation oxyhémoglobinée par oxymétrie de pouls (SpO2) sont également utilisées. Les indications de ces systèmes sont guidées par la connaissance de leur principe de fonctionnement et des limites qui en découlent (tableau 2). Malgré le développement de techniques de mesure continue de la PO2, de la PCO2 et de la SpO2 par voie transcutanée, les gaz du sang restent l’indicateur de référence de l’oxygénation artérielle dont la finalité est l’oxygénation tissulaire. L’analyse des gaz du sang représente un élément incontournable de la démarche diagnostique devant une insuffisance respiratoire et de l’appréciation de sa gravité. L’intérêt des gaz du sang dans la surveillance de l’insuffisance respiratoire dépend des perturbations initiales (hypercapnie et troubles de l’équilibre acidobasique) et de la thérapeutique. Exemples de différences entre SpO2 et SaO2 (HbO2). • Intoxication au monoxyde carbone Un exemple de discordance entre SpO2 et SaO2 fréquent est observé chez les sujets fumeurs (si HbCO = 10 %, une SpO2 = 96 % pourra correspondre à une SaO2 mesurée ou HbO2 = 86 %). • Hémoglobinopathies La mesure de SpO2 par des oxymètres non adaptés aux hémoglobinopathies, comme la drépanocytose par exemple, nécessite un contrôle de SaO2 mesurée par gazométrie artérielle. Récemment, l’hypothèse d’une modification du métabolisme de l’hème par le coronavirus a été évoquée(3). Cette dégradation de l’hémoglobine par le virus pourrait avoir des conséquences sur son affinité pour l’O2 et expliquer l’hypoxémie sévère de certaines formes graves ainsi que le recours fréquent à l’oxygénothérapie à haut débit. Dans ce contexte de défaillance potentielle du transport de l’oxygène par l’hémoglobine, l’intérêt de l’oxygénothérapie hyperbare a même été évoqué pour augmenter la fraction dissoute de l’oxygène dans le sang et les tissus. Cependant, cette étude basée sur une modélisation bioinformatique très préliminaire reste très controversée. • Troubles circulatoires Les infections à coronavirus SARS-CoV-2 peuvent s’accompagner de troubles vasculaires qui perturbent le signal lors de l’oxymétrie de pouls. Dans ce cas, la SpO2 peut être sous-estimée par rapport à la SaO2 mesurée lors des gaz du sang.

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