Publié le 13 nov 2020Lecture 7 min
Venins d’hyménoptères : Partie II - Traitement symptomatique et prévention
Guy DUTAU, Allergologue, pneumologue, pédiatre, CHU de Toulouse
Le traitement des allergies aux venins d’hyménoptères est curatif au moment de la réaction allergique et préventif en associant des mesures générales d’évitement et une immunothérapie allergénique, seul moyen pour modifier de façon durable le statut immunitaire de l’individu allergique.
Traitement immédiat
Inactivation du venin
Après toute piqûre d’hyménoptère, il faut inactiver le venin en plaçant une source de chaleur (par exemple, le bout d’une cigarette incandescente) à 1 ou 2 cm du point de piqûre de façon à produire une température locale de 50-60 °C. À l’inverse, mettre à ce stade un glaçon (pour lutter contre l’inflammation débutante ou la douleur) — comme cela est parfois écrit… — augmenterait la durée d’action du venin. Pour une piqûre d’abeille, on peut ensuite enlever le dard. Le but est donc de faire sortir le dard en le repoussant à l ’extérieur à l’aide d’un objet rigide et plat comme le côté non tranchant d’un couteau. Il vaut mieux éviter d’utiliser une pince à épiler car ce geste risque d’appuyer sur le dard et de l ibérer ainsi du venin, puis il faut effectuer une désinfection (alcool, chlorhexidine) et appliquer localement un dermocorticoïde.
Prescription d’une trousse
Le patient dont la situation doit se munir d’une trousse(a) comportant de l’adrénaline sous forme de stylo auto-injecteur (Epipen®, Jext®, Anapen®), des corticoïdes injectables et oraux, des antihistaminiques injectables et oraux. L’injection d’adrénaline se fait en IM dans la face antéro-externe de la cuisse. Haussmann et coll.(1) recommandent que toute trousse contienne : un stylo auto-injecteur d’adrénaline et des comprimés de secours par exemple 2 cp de 10 mg de cétirizine et 2 fois 50 mg de prednisone(1-3). Les directives à suivre doivent être données verbalement et par écrit (plan d’action). Pour de nombreux auteurs, il vaut mieux prescrire 2 stylos autoinjecteurs d’adrénaline en cas de mauvaise utilisation du premier stylo ou de réaction importante et/ou prolongée nécessitant une nouvelle injection d’adrénaline. L’adrénaline pour injection IM ou IV n’a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en vue d’un usage sublingual, par exemple sur un morceau de sucre.
Conduite à tenir
Les modalités du traitement initial varient selon les circonstances(1,4,5).
• Piqûre unique chez un non-allergique : traitement local et désinfection.
• Piqûres multiples chez un nonallergique (risque de réaction toxique menaçant le pronostic vital) : appel des urgences et hospitalisation. Des réactions toxiques peuvent se manifester à partir de 100 piqûres chez l’adulte et de 50 piqûres chez l’enfant(b). Chez l’adulte, la dose létale se situe au-dessus de 200 piqûres(c), mais il existe des variations en fonction des comorbidités (cardiopathies ischémiques, troubles du rythme cardiaque)(1).
• Réaction locale importante : pansements alcoolisés, antihistaminiques per os, corticoïdes oraux (si persistance de la réaction locale plus de quelques heures).
• Réaction systémique : l’injection d’adrénaline (IM, à la face antérolatérale de la cuisse) est la base du traitement. Tout patient qui a été atteint de choc anaphylactique doit être hospitalisé pendant au moins 24 heures pour surveillance, car les réactions biphasiques après une accalmie clinique peuvent survenir dans 10-15 % des cas. Chez l’enfant, la dose préconisée est de 0,01 mg/kg par voie intramusculaire (face antérolatérale de la cuisse). Il existe deux présentations d’Anapen® : à 0,1 % (0,3 mg/ 0,3 ml) pour les enfants de plus de 20 kg et les adultes, et à 0,05 % (0,15 mg/0,3 ml) pour les enfants de moins de 20 kg.
Prévention
La prévention repose sur des mesures simples, systématiquement applicables dans la vie quotidiennes, et sur l’immunothérapie allergénique (ITA), seul moyen capable de modifier durablement le statut immunitaire de l’individu allergique.
Mesures préventives quotidiennes
La prévention primaire repose sur des gestes et conseils simples, également valables pour les guêpes : i) ne pas marcher les pieds nus dans l’herbe ; ii) ne pas utiliser des huiles solaires ou des parfums susceptibles d’attirer ces insectes ; iii) éviter le voisinage des ruches ; iv) ne pas faire de gestes brusques en présence d’hyménoptères ; v) se méfier au moment des aux repas, à l’extérieur (jardins, aires d’autoroutes, dans des relais équipés de videordures non hermétiquement fermés, etc.) ; vi) Se méfier d’une prolifération inhabituelle d’insectes (ruches de guêpes ou de frelons sous les tuiles d’un toit et, dans ce dernier cas, appeler les services spécialisés de la ville ou les pompiers) ; vii) apprendre à distinguer les principaux hyménoptères (figures 1 à 5).
Figure 1. Classification des hyménoptères (d’après réf. 1, modifié).
Figure 2. Abeille mellifère (Apis mellifera, angl. : Bee) (Coll. JLB).
Figure 3. Guêpe vespula (Polistes dominula, angl. : Vespula wasp hornet) (Coll. JLB).
Figure 4. Guêpe poliste (Polistes dominula, angl. : Paper wasp) (Coll. JLB).
Figure 5. Frelon européen (Vespa crabro, angl. : European hornet) (Coll. JLB).
Devant la prolifération des frelons asiatiques au cours des 10 dernières années, des pièges à frelons ont été proposés (diverses possibilités sur le net). On peut en fabriquer un soi-même avec une bouteille de plastique, percée de trous de 1 cm de diamètre (taille du frelon) que l’on accroche à une branche. Il faut mettre dans la bouteille un mélange à parties égales (100 ml) de bière ou de cidre, de sirop de cassis ou fruits rouges, de vin blanc. Les frelons sont attirés, rentrent dans la bouteille, ne peuvent en sortir et se noient.
Immunothérapie allergénique
Naguère appelée désensibilisation spécifique, l’immunothérapie allergénique (ITA) est le traitement de choix de l’allergie aux hyménoptères (abei l les et guêpes), procurant les succès les plus importants de l’ITA, tous allergènes confondus.
Globalement, quel que soit l’âge, l’ITA est indiquée en cas de réaction clinique sévère avec bilan allergologique positif c’est-à-dire tests cutanés (TC) et dosages d’IgE sériques spécifiques (IgEs) positifs. L’indication de l’ITA (tableau 1) et le choix des venins en fonction de l’hyménoptère piqueur (tableau 2) sont du domaine exclusif de l’allergologue. Il peut arriver que le patient ait des symptômes typiques d’allergie aux venins mais avec bilan allergologique négatif. Ces cas d’espèce nécessitent l’expertise d’un allergologue spécialisé dans la gestion de ce type d’allergie(6,7).
L’ITA aux venins d’hyménoptères, injectés par voie souscutanée, comporte deux phases, de progression des doses (angl. : built up), puis de maintenance (ou phase d’entretien).
• La première se fait dans une unité spécialisée d’allergologie, en hôpital de jour, car il faut parer aux événements indésirables qui peuvent aller jusqu’à l’anaphylaxie. Le personnel, entraîné, est sous la surveillance d’un médecin responsable. L’utilisation d’adrénaline est parfois nécessaire. Les divers moyens de réanimation doivent être disponibles ainsi que l’oxygénothérapie. L’objectif est d’arriver à la dose de maintenance prévue selon le protocole utilisé, le plus souvent un protocole ultra-accéléré dit « ultra-rush »(d).
• Au cours de la phase d’entretien, des injections de 100 μg sont effectuées tous les mois, puis on essaye de passer à une injection toutes les 6 semaines. L’ITA aux venins dure 5 ans en moyenne. S’il existe des raisons particulières comme des facteurs de risque (métier d’apiculteur), elle pourra être poursuivie un ou deux ans supplémentaires, mais c’est rare, fonction de l’avis de l’allergologue : les injections sont effectuées toutes les 8 semaines en moyenne.
Dans tous les cas (injections faites en hospitalisation de jour ou au cabinet de l’allergologue, sous réserve de respecter les conditions de sécurité ci-dessus), il faut garder le patient en observation 45 minutes avant qu’il soit autorisé à repartir.
L’efficacité de l’ITA est jugée devant les résultats cliniques et biologiques : i) absence de symptômes en cas de nouvelle piqûre ; ii) diminution de la taille des tests cutanés, voire presque négativation ; iii) diminution des IgEs ; iv) augmentation des IgG4 spécifiques (mais en pratique il n’est pas nécessaire de demander ce dernier dosage)(e). Ce profil biologique (baisse des IgEs, augmentation des IgG4 spécifiques) reflète l’efficience de l’immunothérapie.
a. La trousse est indispensable chez les patients qui ne reçoivent pas d’immunothérapie ou avant la mise en oeuvre de celle-ci. L’immunothérapie aux venins est efficace, l’immense majorité des patients n’ayant plus de symptômes lors de nouvelles piqûres. Même chez eux, par prudence, la trousse doit être prescrite (en surveillant les dates de péremption des produits, en particulier l’adrénaline).
b. On estime que plus de 1 000 piqûres simultanées d’hyménoptères entraînent le décès, mais il existe des variations selon l’espèce (le venin d’abeille est plus toxique que celui des guêpes), l’âge, le poids de l’individu, les affections associées (cardiopathies, mastocytose), la prise de médicaments (bêtabloquants même en collyre, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine) qui aggravent le pronostic et sont des facteurs de risque de décès (0,09 à 0,45 décès annuelspour 1 000 000 d’habitants. c. De rares personnes ont survécu à plus de 3 000 piqûres (voir les références n°2 et 3).
c. De rares personnes ont survécu à plus de 3 000 piqûres (voir les références n°2 et 3).
d. Protocole classique durant 3h30 à l’issue duquel on parvient à une injection de 40 μg. À J15 on effectue 2 injections de 50 μg chacune, à J45 100 μg, puis par la suite 100 μg mensuellement.
e. Le dosage des IgG4 spécifiques n’a aucune valeur pour le diagnostic positif, dans l’allergie aux venins ainsi que dans les autres allergies, en particulier les allergies alimentaires.
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