Publié le 15 juin 2021Lecture 4 min
Quelles modalités de traitement dans la perte auditive après traumatisme sonore ? Une revue systématique de la littérature et métaanalyse
Quentin LISAN, ORL, Paris
Koochakzadeh S et al. Hearing outcomes of treatment for acute noise-induced hearing loss: a systematic review and meta-analysis. Otol Neurotol 2020 ; 41(8) : e971-e981.
Suite à un traumatisme sonore aigu, une perte auditive est fréquente et repose sur plusieurs hypothèses physiopathologiques (stress oxydatif et production de radicaux libres, hypoxie cochléaire, inflammation cochléaire, lésion synaptique ou encore lésion des fibres nerveuses). Ainsi, de multiples traitements ont été évalués, tels que les corticoïdes, nootropes, vasodilatateurs, antioxydants, vitamines ou encore l’oxygénothérapie. Néanmoins, ces différentes prises en charge n’ont jamais été comparées entre elles. Une équipe américaine a récemment réalisé une revue systématique de la littérature sur le sujet ainsi qu’une métaanalyse des données publiées afin de comparer l’efficacité de ces différents traitements.
Méthodologie
Cette revue de la littérature et métaanalyse a été réalisée selon les recommandations PRISMA. Trois bases de données ont été interrogées, aboutissant à la sélection de 1 704 articles. Après lecture des résumés, 990 articles ont été retenus, dont le texte intégral a été lu indépendamment par deux auteurs. Les critères d’inclusion étaient : étude incluant uniquement des patients ayant eu un traumatisme sonore aigu ; ayant une perte auditive prouvée par un examen audiométrique ; la thérapeutique employée devait être clairement précisée ; et résultat clairement explicité (récupération complète, partielle ou absence de récupération). Les données étaient extraites des articles afin de réaliser une métaanalyse, utilisant des modèles à effets fixes et à effets aléatoires.
Résultats
Au total, 16 articles ont été inclus dans la revue systématique, représentant 932 patients. L’origine la plus fréquente du traumatisme sonore était un bruit d’arme à feu, suivi de feux d’artifice et de musique. Parmi ces 16 articles, les traitements suivants étaient évalués : corticoïdes (intraveineux, per os et intratympanique), oxygénothérapie hyperbare ou normobare, ginkgo biloba, des vasodilatateurs (pentoxifylline, papavérine, naftidrofuryl), des agents nootropes (piracétam), des vitamines, des molécules à effet osmotique (dextrane à faible poids moléculaire ; isosorbide) ainsi que l’héparine de bas poids moléculaire.
Parmi les 16 études, seules quatre ont pu être incluses dans la métaanalyse, représentant 187 patients. Ces quatre études évaluaient, de manière hétérogène, les traitements suivants : corticothérapie per os ou intraveineuse, ginkgo biloba, injection intratympanique de corticoïdes, piracétam per os ou intraveineux et oxygénothérapie hyperbare. La métaanalyse a été réalisée selon plusieurs stratifications. Premièrement, les résultats selon l’atteinte fréquentielle (aiguë ou grave) indiquaient qu’un traitement, quel qu’il soit, n’était pas associé à un gain auditif sur les fréquences graves (0,5 et 1 kHz), mais qu’il l’était pour les fréquences aiguës (2,4 et 8 kHz, gain de 16 dB en moyenne, p < 0,0001). Deuxièmement, une amélioration auditive était retrouvée lorsque le traitement, quel qu’il soit, était initié dans les 48 heures après le traumatisme sonore (15 dB, p < 0,00001), alors que l’initiation après 48 h n’était pas associé à un gain auditif (p = 0,19). Enfin, l’utilisation de traitements nootropes, en association avec d’autres traitements, était associé à un gain auditif (gain de 14 dB en moyenne, p < 0,00001), alors que les associations de traitement ne comprenant pas de traitement nootrope n’étaient pas significativement associées à un gain auditif (+6 dB, p = 0,09). Le piracétam était le médicament nootrope le plus utilisé.
Les autres traitements n’ont pas pu faire l’objet d’une métaanalyse, étant donné la trop grande hétérogénéité inter-études. Les corticoïdes (intraveineux, per os ou intratympaniques) étaient utilisés dans 11 études, et 8 études retrouvaient une amélioration auditive. Les agents vasculaires (vasodilatateurs et expansion volémique) étaient utilisés dans sept études, et une seule étude retrouvait une amélioration auditive. Le ginkgo biloba était utilisé dans trois études, avec des résultats difficilement interprétables, lié à l’absence de groupe contrôle dans ces études. Les vitamines étaient utilisées dans quatre études, en association avec d’autres traitements, sans efficacité. Trois études ont utilisé une oxygénothérapie hyperbare, avec un gain auditif dans tous les cas.
Limites
Cette revue systématique et métaanalyse souligne avant tout le manque d’études comparatives rigoureuses, bien menées, et utilisant des protocoles standardisés et reproductibles. Ainsi, parmi les études existantes, une grande hétérogénéité était retrouvée. Par exemple, lorsque les patients étaient classés parmi ceux ayant reçu un traitement « plus de 48 h » après le traumatisme auditif, ce délai s’étendait en réalité entre 72 h et plusieurs semaines selon les études. De manière impor tante, peu d’études incluaient un groupe contrôle. La part de récupération spontanée n’est pas évaluable. Enfin, la plupart des études utilisaient une combinaison de traitements, rendant difficile de conclure quant à l’imputabilité du gain auditif à tel ou tel traitement.
Conclusion
• Malgré ces importantes limites, cette métaanalyse a le mérite d’être la première menée sur le sujet et permet d’évoquer plusieurs conclusions.
• Ainsi, les schémas thérapeutiques comprenant un traitement nootrope semblent fournir de meilleurs résultats que ceux ne contenant pas de traitement nootrope.
• De plus, un traitement administré dans les 48 h après le traumatisme sonore ainsi qu’une perte touchant les fréquences aiguuës plutôt que les graves sont des facteurs associés à un meilleur taux de récupération.
• Enfin, à partir de la revue systématique, il semblerait qu’un traitement corticoïde et une oxygénothérapie hyperbare soient associés à un gain auditif.
• Surtout, elle souligne la nécessité de réaliser de futures études de plus grandes tailles — seules quatre études représentant 187 patients ayant pu être incluses dans la métaanalyse — et incluant un groupe contrôle.
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