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CONGRÈS

Publié le 08 avr 2021Lecture 7 min

Covid-19 : quelle stratégie de prise en charge ?

Michèle DEKER, Paris

Un an après le début de la pandémie, nous n’avons toujours pas de traitement spécifique mais déjà plusieurs vaccins. Pour obtenir des résultats, il faut coordonner la recherche et terminer les études car une trop grande quantité d’études limite les chances de les finir. Pour l’instant, il n’existe pas de traitement spécifique efficace et bien toléré.

Il existe deux phases dans l’infection à Covid-19 : une phase virale marquée par une multiplication importante du virus dans les voies aériennes supérieures et les premiers symptômes (fièvre, céphalées, diarrhées, etc.), suivie d’une phase où les symptômes respiratoires peuvent dominer. La phase virale est progressivement remplacée par une phase inflammatoire pouvant, chez certains patients, entraîner un syndrome respiratoire aigu, une insuffisance cardiaque, un choc septique, etc. Traitements « spécifiques » évalués Pour reprendre le « feuilleton » de l’hydroxychloroquine (HCQ), nous disposons en curatif de 6 études observationnelles de faible qualité, 1 étude observationnelle de qualité intermédiaire, 12 essais randomisés non méthodologiquement analysables, l’ensemble ne fournissant aucun argument en faveur de l’utilisation de ce produit en curatif. Deux études évaluant l’HCQ en préexposition n’ont pas non plus fourni d’argument en sa fa - veur ; il en est de même en postexposition chez les patients ayant été en contact avec un patient infecté. Les données des centres régionaux de pharmacovigilance de mars à mai 2020 rapportent 487 cas, dont 77 % graves, majoritairement imputés aux traitements spécifiques de la Covid-19, en particulier à l’HCQ seule ou associée à l’azithromycine. Le centre niçois a rapporté 206 effets indésirables cardiaques, dont 180 graves, majoritairement liés à l’HCQ. L’association lopinavir/ritonavir a fait l’objet de plusieurs essais peu convaincants jusqu’à l’essai Recovery, qui n’a montré aucune différence, et l’arrêt du bras lopinavir/ritonavir dans Solidarity et Discovery. En outre, de nombreux surdosages ont été découverts. En l’absence d’efficacité démontrée, cette piste thérapeutique est abandonnée. Un essai NIH/NIAID avait suggéré un effet bénéfique du remdésivir dans les formes modérées nécessitant l’oxygène, sans effet dans les formes graves ; un essai randomisé a aussi suggéré un effet dans les formes modérées. Dans l’essai Solidarity (plus de 11 000 patients inclus), aucune différence de mortalité n’a été mise en évidence, bien qu’une analyse en sous-groupe montre un bénéfice chez les patients non ventilés. Les inclusions dans l’essai Discovery ont été arrêtées. Le tocilizumab fait l’objet de 5 essais randomisés (2 en ouvert, 3 en insu) : Corimmuno, chez des patients oxygénorequérants, qui montre une tendance à moins de décès et de recours à la ventilation mécanique dans le bras actif ; l’essai de Salvarani, arrêté prématurément pour absence d’efficacité ; Empacta, qui ne montre pas de différence sur la mortalité ou la ventilation mécanique, comme l’essai Covacta, qui montre une durée de séjour plus courte dans le bras tocilizumab mais pas de différence de mortalité et peut-être, en analyse post-hoc chez les sujets non ventilés, une diminution de l’échec clinique. En l’absence de preuves solides, il n’est pas actuellement recommandé d’utiliser le tocilizumab hors essai clinique. Le plasma de convalescent a fait l’objet de 6 essais cliniques randomisés, sur des échantillons de taille variable. Seul l’essai chinois a montré un bénéfice chez les patients dont le pronostic vital était engagé. Ces essais sont difficilement analysables (incertitude sur le titre des anticorps neutralisants et différences de volume perfusé). Ce traitement pourrait être intéressant chez les patients ayant une déplétion en lymphocytes B. Chaque cas doit être discuté, surtout dans la perspective de nouveaux variants, la prescription relevant surtout d’essais cliniques ou éventuellement dans le cadre du protocole d’utilisation thérapeutique (PUT) fixé par l’ANSM. Les autres perspectives thérapeutiques sont les anticorps monoclonaux neutralisants, les immunoglobulines polyvalentes, certains immunomodulateurs (anti-IL-6, anti-IL-1), l’interféron de type I, les cellules mésenchymateuses, l’ivermectine avec des études en cours, les IEC/ARA2, les statines, etc., dont l’utilisation n’est pas autorisée hors essai clinique. Bases ventilatoires du traitement L’oxygénothérapie doit être débutée à la cible 92-96 % (88- 92 % en cas de BPCO), avec une surveillance rapprochée de la fréquence respiratoire. Si les débits doivent être élevés, il faut passer à d’autres modes de ventilation (oxygène hyper-débit, CPAP voire VNI). En prenant correctement les mesures barrières, le risque d’aérosolisation virale pour les soignants est limité en cas d’utilisation d’une oxygénothérapie hyper-débit, qui permet d’éviter le passage en intubation. Chez le patient non intubé, se discute le décubitus ventral, qui serait intéressant lorsqu’il est toléré par le patient. Une seule étude comparative mais non randomisée est en faveur de cette position, mais ne montre pas de différence en termes de probabilité d’intubation ou de survie à 28 jours. Quel traitement anticoagulant ? Le taux anormalement élevé d’accidents thromboemboliques conduit à faire une anticoagulation systématique prophylactique. Clairement, ce traitement par HBPM ou fondaparinux diminue la mortalité. Différentes études réunies dans une méta - analyse ont évalué la posologie et une vingtaine d’essais cliniques sont en cours. Plusieurs études utilisant des doses curatives ont été arrêtées pour excès de risque hémorragique et futilité. En fonction des données disponibles actuellement, les posologies pourraient différer selon le type de patient. La dose peut être augmentée chez les patients à faible risque hémorragique : chez les patients hospitalisés ayant un IMC > 40 kg/m2 à 6 000 UI/jour en une fois ; en réanimation 4 000 UI x 2/j (voire 6 000 UI x 2/j si IMC > 40 kg/m2 ) ; au cas par cas si thrombose sur cathéter, en cas d’insuffisance rénale sévère. En moyenne, la du - rée de traitement est de 10 jours ; elle peut être prolongée de 4 à 6 semaines pendant l’hospitalisation pour les formes graves. Les anticoagulants oraux ne sont pas indiqués en thromboprophylaxie. Co-infections Des co-infections virales à rhinovirus/entérovirus, VRS, grippe et autres coronavirus sont possibles alors que les co-infections bactériennes sont très rares (environ 3 % dans deux études prospectives. En revanche, le risque bactérien concerne les surinfections en réanimation : 5 % de pneumopathies nosocomiales hors réanimation, 30-70 % en réanimation sous intubation. Plusieurs cas d’aspergillose pulmonaire ou de mucormycose associée au SARSCoV-2 ont été rapportés chez des patients ayant une ventilation invasive. En ambulatoire devant un tableau infectieux évocateur de Covid-19, il est conseillé de prescrire une antibiothérapie dans l’attente des résultats de RT-PCR, et de l’arrêter si elle revient positive. Chez un patient hospitalisé, la conduite à tenir est la même. Place de la corticothérapie L’essai Recovery a testé la dexaméthasone à la dose de 6 mg x 2/j pour une durée maximale de 10 jours chez des patients de < 70 ans et montré une amélioration de la mortalité, maximale chez les patients intubés/ventilés et retrouvée chez le patient oxygénorequérant. En revanche, les courbes ont tendance à s’inverser chez le patient non oxygénodépendant. Les mêmes constats sont faits avec la méthylprednisolone mais pas avec l’hydrocortisone. En pratique, il n’est pas nécessaire de diminuer les doses de dexaméthasone. À défaut, on peut utiliser la méthylprednisolone 32 mg/j ou la prednisone 40 mg/j et en dernière intention l’hémisuccinate d’hydroxycortisone 160 mg/j, pendant 10  jours suivis de doses décroissantes en 3-4 jours. En l’absence de données chez les sujets de > 70 ans et chez les femmes enceintes ou les enfants, la décision d’introduire une corticothérapie doit faire l’objet d’une décision collégiale. Et la vaccination ?  Actuellement le R0 est d’environ 2, ce qui est bien inférieur au R0 de la diphtérie (5) ou de la rougeole (15), l’immunité de groupe étant calculée en fonction du R0. La protéine spike est la cible vaccinale pour le SARSCoV-2. L’injection de l’ARN vaccinal dans le muscle entraîne l’expression de la protéine S à la surface cellulaire puis la production d’anticorps neutralisants par les lymphocytes B et, parallèlement une réponse lymphocytaire T cytotoxique et la génération de lymphocytes T mémoire. Les deux premiers vaccins (Pfizer et Moderna) ont été testés chez 75 000 patients. L’efficacité en prévention des formes symptomatiques (environ 94 %) est observée une douzaine de jours après la 2e injection. L’objectif est d’éviter les formes symptomatiques et les formes sévères ; il reste peu de virus dans les voies aériennes, mais la contagiosité est encore possible les premiers jours même chez un sujet vacciné, ce qui implique de poursuivre le port du masque et les gestes barrières.  

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