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CONGRÈS

Publié le 26 avr 2021Lecture 5 min

Optimiser la prise en charge des asthmes difficiles

Denise CARO, Paris

Six pour cent de la population adulte en France est asthmatique. La moitié des asthmes sont mal contrôlés, avec chez certains un risque accru d’exacerbations(1). Ces données contrastent avec la démarche bien codifiée pour optimiser les asthmes non contrôlés ou difficiles. Des améliorations peuvent encore être apportées dans ce domaine. Les 3 à 5 % d’asthmes sévères(2) peuvent profiter des traitements d’exception.

Face à un asthme insuffisamment contrôlé, la première chose à faire est d’évaluer la qualité de l’observance et de comprendre les raisons d’un mauvais suivi du traitement : problème de tolérance, oublis, corticophobie… L’ordonnance doit être claire et expliquée oralement au malade. Il faut également s’efforcer de simplifier la prescription en limitant le nombre de dispositifs et le nombre de prises. Une prise par jour vaut mieux que deux pour l’adhésion au traitement et la qualité de vie, avec la même efficacité thérapeutique(3). Enfin il convient de s’assurer de la bonne technique de prise à chaque consultation. Les outils connectés avec des « mouchards » inclus dans les dispositifs peuvent aider dans ce domaine(4). Outre l’évaluation de l’observance, face à un échec de la prise en charge, il n’est pas inutile de confirmer le diagnostic d’asthme. Près de 6 % des asthmes étiquetés « difficiles » sont dus à des erreurs de diagnostics ; il peut s’agir d’emphysème, de mucoviscidose, de séquelles d’infection VRS, d’hypersensibilité ou autre(5). Il importe par ailleurs de rechercher et de traiter les facteurs aggravants : médicaments (AINS, bêtabloquants), allergènes, tabac, rhinite, obésité, RGO, anxiété-dépression, SAOS, etc.). Cela implique de nombreux bilans dont il faut décider de la chronologie. Face à la multiplicité des actions à mener, un travail australien propose de faire une check-list et de dresser un plan d’actions complet dont une infirmière coordinatrice orchestre la mise en œuvre. Toutes les étapes de l’amélioration sont menées de front, permettant ainsi un contrôle plus rapide de la situation(6). L’augmentation du palier thérapeutique Un asthmatique mal contrôlé sur trois n’a que des CSI. Il existe donc une marge d’amélioration chez de nombreux patients avant de discuter de l’augmentation des paliers thérapeutiques(1). On parle d’asthme difficile lorsque la maladie n’est pas correctement contrôlée en dépit d’un traitement de palier 3 bien conduit. Dès lors, se pose la question de savoir comment optimiser le traitement avant de passer aux thérapeutiques d’exception. Plusieurs options sont possibles : augmenter la dose de CSI, changer de stratégie CSI/LABA, ajouter un anticholinergique, un antileucotriène, de l’azithromycine, de la théophylline et éventuellement proposer une immunothérapie. La juste dose de CSI est fondée sur le rapport bénéfice/risque du médicament, sachant que les effets secondaires sont doses-dépendants, alors que l’efficacité arrive à un plateau quand on augmente la posologie(7,8). Il y a néanmoins un bénéfice à donner de fortes doses chez les patients les plus sévères. Il est possible de changer de stratégie et de passer d’une association CSI/ß2 matin et soir + ß2 à la demande, à une stratégie « fonds/symptômes » CSI/ß2. On réduit ainsi les exacerbations et la dose de CSI nécessaire pourobtenir le contrôle. Toutefois, cela ne convient pas à tous les patients. L’ajout d’un anticholinergique (tiotropium) à une association fixe CSI/LABA diminue les exacerbations(9). À noter qu’il existe maintenant des associations fixes qui présentent un certain intérêt. Dans l’essai IRIDIUM l’association fixe IND/GLY/MF (indacatérol-glycopyrroniummométasone) obtient de meilleurs résultats que le salbutamol + fluticasone et que indacatérol + fluticasone sur les exacerbations sévères, et également que SAL/FLU sur les exacerbations modérées à sévères. La triple association offre un meilleur bénéfice sur le VEMS et la qualité de vie(10). L’association fixe IND/GLY/MF prochainement disponible pourra être accompagnée d’un dispositif connecté (Enerzair Breezhaler) permettant la confirmation de la prise, le rappel des prises et l’accès à des données dans la vraie vie utiles pour décider de la stratégie thérapeutique. On dispose de peu de données sur l’intérêt de l’ajout du montelukast (antileucotriène). Il aurait un bénéfice équivalent au tiopropium sur le VEMS, les exacerbations et la qualité de vie. Ajouté à l’association CSI/LABA, le montelukast et le tiotropium ont un effet similaire sur les exacerbations, le VEMS et la qualité de vie. Le NO exhalé diminue davantage avec le montelukast et le rapport surface bronchique/surface corporelle baisse davantage avec le tiotropium(11). Les études sur l’azithromycine aboutissent à des résultats divergents. Les unes soulignent son intérêt dans l’asthme sévère non éosinophilique(12) alors que d’autres montrent un bénéfice quel que soit le taux d’éosinophiles(13). L’ajout de théophylline ferait mieux que le placebo pour le contrôle de l’asthme, mais ces résultats sont peu probants(14). Enfin l’immunothérapie a sa place chez les patients asthmatiques allergiques aux acariens(15). Cela montre l’importance de réaliser un bilan allergologique. Dispositif connecté ou test de suppression du FeNO Dans l’éventualité où ces différentes options d’optimisation thérapeutique ne suffiraient pas, avant d’envisager un traitement d’exception (anti-IgE, anti-IL-5/IL-5R, anti-IL-4R, C.O., thermoplastie), il faut s’interroger sur la cause réelle de l’échec du traitement : est-ce l’asthme qui est difficile (le traitement ne ciblant pas correctement les composantes de la maladie), ou la cause incombe au patient (observance, comorbidités). Pour y voir plus clair, il a été proposé de recourir à un score composite de biomarqueurs, établi sur la mesure de la FeNO, des éosinophiles plasmatiques, et la périostine. On s’est ensuite interrogé pour savoir si ce score composi te de biomarqueurs permettait de guider le traitement CSI de façon plus précise que le score clinique chez des patients avec un asthme modérément sévère. Les auteurs ont trouvé un léger avantage non significatif du score biomarqueurs, sans grande valeur à cause du médiocre respect du protocole par les patients. Dans d’autres essais, ni le taux d’éosinophiles, ni le FeNO ne s’avéraient utiles pour guider les CSI, ces biomarqueurs non invasifs n’étant pas suffisamment fortement corrélés à l’éosinophilie des voies aériennes. Aujourd’hui les dispositifs connectés (capables de dire si le traitement est pris et s’il est correctement pris(16)) permettent de juger plus efficacement l’apport du FeNO dans la gestion du traitement. En effet, on peut supposer qu’un FeNO élevé qui ne baisse pas sous CSI est dû à l’une des trois raisons suivantes : soit le corticoïde n’a pas atteint sa cible, soit le patient est corticorésistant, soit il ne prend pas son traitement (test de suppression de FeNO). Le recours aux dispositifs connectés a permis de mont rer que l ’absence de baisse du FeNO sous CSI est dû (sauf exception) à une mauvaise prise du traitement. Pour guider l’utilisation des CSI on pourra donc recourir au test de suppression de FeNO ou à un dispositif connecté. Une biothérapie a pu être proposée aux patients dont la maladie a progressé malgré le maintien dans le temps de la suppression du NO : 16 des 26 patients non suppresseurs et 9 des 48 patients suppresseurs ont été mis sous anticorps monoclonal, permettant d’éviter le recours à une corticothérapie orale.

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