Asthme
Publié le 04 juin 2021Lecture 5 min
Asthme sévère, nouvelles approches thérapeutiques
Denise CARO, Boulogne-Billancourt
La prise en charge de l’asthme, en particulier de l’asthme sévère, a évolué au fil des années comme en témoignent les actualisations successives des recommandations du GINA. Si la stratégie d’intensification du traitement par paliers est ancienne, la place des biothérapies s’est modifiée, passant devant la corticothérapie orale. La mise en évidence de l’importance de l’inflammation de type 2 dans bon nombre d’asthmes sévères a permis de développer de nouveaux traitements, que ce soit des anticorps monoclonaux (anti-IL-5, anti-IL-5R, anti-IL-4R, anti-IL-13, anti-alarmines) ou des petites molécules (antagonistes des prostaglandines D2)(1).
La définition de l’asthme sévère figure désormais dans les recommandations du GINA. Il s’agit d’un asthme qui nécessite pour être contrôlé, l’utilisation de fortes doses de CSI (corticostéroïdes inhalés) associées à au moins un autre traitement de fond et/ou une corticothérapie orale (CSO) ou celui qui demeure incontrôlé en dépit de ce traitement de palier 5(2). Il convient de rappeler que l’asthme sévère concerne une très faible proportion de patients. Selon une étude réalisée aux Pays-Bas dans une population d’asthmatiques adultes, 24 % des asthmes nécessitent un traitement de palier 4-5 du GINA, 17 % ont un asthme difficilement contrôlé avec ce traitement et 3,7 % seulement ont véritablement un asthme sévère (non contrôlé en dépit d’une bonne observance du traitement, d’une bonne technique d’inhalation et de doses optimales). Il est essentiel de déterminer le phénotype de ces asthmes sévères, dont va dépendre la stratégie thérapeutique. Pour cela, il est possible de s’aider de signes cliniques et de biomarqueurs. L’asthme éosinophilique (inflammation T2) se caractérise par un taux sanguin d’éosinophiles (EOS) élevé, un taux de neutrophiles (NEUT) bas, des lésions épithéliales importantes, la présence de mucus et un épaississement de la membrane basale réticulaire. À l’inverse l’asthme granulocytaire (non éosinophilique) a un taux EOS bas, un taux NEUT élevé, la présence de lésions épithéliales et de mucus, avec un moindre épaississement de la membrane réticulaire. Enfin, il existe des asthmes dits pauci-granulocytaires dont tous les marqueurs sont bas. D’autres paramètres doivent être pris en compte. L’asthme T2 est volontiers associé à d’autres pathologies de l’inflammation T2 comme une rhino-sinusite chronique, une dermatite atopique, une rhinite allergique. L’asthme non (ou peu) T2 est plus fréquent chez l’obèse ou le fumeur.
Le phénotype oriente le traitement
D’une façon générale, le phénotype conditionne le choix thérapeutique. L’asthme sévère non atopique éosinophilique relève des anti-IL-5 et des autres anticorps anti-T2 ou d’anti-IgE ; l’asthme atopique éosinophilique, d’anti-IgE, d’anti-IL-5 ou d’autres anti-T2 ; l’asthme atopique non-éosinophilique, d’anti- IgE ; et l’asthme non-atopique non-éosinophilique, de la thermoplast ie bronchique, des macrolides et d’une per te de poids(3). Plus précisément, en présence d’un asthme T2 (IgE > 100 IU/ml, FeNO > 30 ppb, EOS > 300/μl, EOS expectorés > 2 %), si l’allergie prédomine on choisira l’anti-IgE, si l’éosinophilie prédomine, on choisira un anti-IL5 ou un anti-IL4R ; en cas d’allergie à l’aspirine ou de rhinite allergique sévère, on préférera un antagoniste du récepteur des leucotriènes ; enfin en cas de mycose broncho-pulmonaire allergique, le choix portera sur des antifungiques et des anti-IgE. Lorsqu’il n’y a pas de signes d’inflammation T2 (absence d’atopie, IgE < 100 UI/ml-1, FeNO < 30 ppb, EOS sanguins < 300/μl, EOS expectorés < 2 %), le choix se portera : sur les macrolides en cas d’asthme neutrophilique (NEUT expectorés > 60 % et EOS sanguins < 200/μl) ; sur les anticholinergiques de longue action (LAMA) chez les fumeurs ; sur une thermoplasie bronchique lorsqu’il y a des modifications de remodelage avec une augmentation de l’hyperréactivité bronchique ; et sur la perte de poids (éventuellement par chirurgie bariatrique) chez l’obèse. Enfin, on manque de propositions face aux asthmes pauci-granulocytaires (NEUT expectorés < 40 % et EOS expectorés < 2 %)(4).
Les bons résultats des biothérapies
Une métaanalyse a montré l’efficacité et la sécurité du mepolizumab (anti-IL-5) dans les asthmes sévères éosinophiliques. Il réduit significativement le taux EOS dans le sang (p = 0,0001) et dans l’expectoration (p = 0,0003). Comparé au placebo, il diminue le risque d’exacerbations (OR = 0,3 p = 0.004) et il améliore les scores de qualité de vie (p = 0.03)(5). Le bénéfice clinique et la bonne tolérance du mepolizumab ont été confirmés dans la vraie vie dans l’étude COSMEX, qui prolongeait en ouvert l’essai randomisé COSMOS(6). Le benralizumab (anti-IL-5R alpha) a également montré son efficacité dans l’asthme sévère éosinophilique (EOS > 300/μl). Après 48 semaines, il réduit de 45 % le taux annuel d’exacerbations par rapport au placebo quand il est administré toutes les 4 semaines et de 51 % quand il est administré toutes les 8 semaines (p < 0.0001). Les deux dosages améliorent le volume expiratoire forcé (FEV) par rapport au placebo(7). Par ailleurs, le benralizumab diminue de 75 % le recours aux CS oraux, alors que le placebo le réduit de 25 % (p < 0.001). Administré toutes les 4 semaines, il diminue le taux annuel d’exacerbations de 55 % par rapport au placebo, administré toutes les 8 semaines la réduction est de 70 %. Il n’a pas d’effet significatif sur le FEV(8). Le dupilumab (anti-IL-4R alpha) a également été étudié dans l’asthme sévère. Une méta-analyse a montré que comparé au placebo, il améliore significativement le FEV, les scores de qualité de vie et le risque d’exacerbations sévères(9). Un travail récent a évalué l’efficacité du dupilumab, en distinguant les patients allergiques et non allergiques. Dans le sous-groupe des asthmatiques allergiques, le dupilumab (200 ou 300 mg toutes les 2 semaines) comparé au placebo réduit le taux d’exacerbations de 36,9 % ou 45,5 % (p < 0.01) et améliore le FEV (p < 0.001). Dans l’asthme T2 non allergique, le dupilumab (200 ou 300 mg) réduit de 60 % ou 43 % le taux d’exacerbations par rapport au placebo(10). Les biothérapies permettent aujourd’hui de cibler la stratégie thérapeutique en fonction du phénotype d’asthme et de la présence de biomarqueurs. Les asthmes sévères de type 2 bénéficient particulièrement de cette avancée. Demain, il sera peutêtre possible d’affiner encore davantage l’approche thérapeutique, permettant une médecine véritablement personnalisée.
D’après la communication de Nicola Scichilone (Palerme, Italie) lors de l’International Meeting Pulmonary Rare Diseases And Orphan Drugs
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