Asthme
Publié le 25 oct 2024Lecture 9 min
Action de l’activité Physique Adaptée (APA) chez l’asthmatique sévère
Denise CARO, Boulogne-Billancourt, d’après l’émission « Le pouvoir de l’activité physique adaptée pour transformer la gestion de l’asthme chez l’enfant et l’adulte »
La pratique d’une activité physique régulière participe à la prévention et l’amélioration de nombreuses pathologies chroniques dont l’asthme. Or la crainte de déclencher une crise durant l’effort peut être un frein à la pratique d’un sport, notamment chez l’asthmatique sévère. L’activité physique adaptée permet de surmonter cette difficulté. « Il faut profiter de la tenue des Jeux Olympiques à Paris cet été pour reparler des bienfaits de l’exercice physique », a déclaré le Pr Colas Tchérakian (hôpital Foch, Suresnes) lors de la 2e émission de la série de quatre, intitulée « Au-delà de l’asthme sévère : le souffle en question » et organisée par OPA Pratique avec le soutien institutionnel du laboratoire Sanofi.
L’activité physique est définie par la mise en action des muscles striés squelettiques responsables d’une augmentation de la dépense énergétique supérieure au métabolisme de base (entre 1 et 1,5 MET). L’inactivité physique correspond à une dépense énergétique en dessous de ce seuil, faute de bouger suffisamment. En 2010, l’OMS a défini les seuils d’activité requis en fonction de l’âge. Ils correspondent à : 60 minutes par jour d’activité modérée à soutenue chez l’enfant, 30 minutes 5 fois par semaine d’activité modérée chez l’adulte et 60 minutes par jour d’activité légère chez la personne âgée.
La sédentarité diffère de l’inactivité physique ; elle est définie par le fait d’être assis ou allongé (avec une dépense énergétique de base) plus de 7 heures par jour (en plus du temps de sommeil). Aussi peut-on être sédentaire tout en étant actif, par exemple en pratiquant un sport le week-end et en restant assis des heures devant l’ordinateur toute la semaine. Or la sédentarité a son propre niveau de mortalité.
Enfin, concernant la différence entre exercice, entraînement et sport, le premier vise à améliorer la santé, le second à améliorer les performances et le troisième à répondre à des règles de jeux. « L’idée communément admise (y compris par l’OMS) qu’il faut faire 10 000 pas par jour pour être en bonne santé ne repose sur aucune base scientifique, a noté le Pr Colas Tchérakian. Elle émane du slogan lancé par le premier podomètre commercialisé au moment des jeux olympiques de Tokyo en 1964. Depuis de nombreux travaux ont montré que toute activité physique est bonne à prendre et améliore l’état de santé. Reste que les objets connectés sont un bon moyen d’évaluer son niveau d’activité et de se motiver à bouger. »
Une étude a montré que la pratique de 8 000 pas 3 fois par semaine est associée au meilleur bénéfice en termes de mortalité(1). De même doubler le nombre de pas de 3 000 à 6 000 divise par deux la mortalité chez les plus de 60 ans(2). Enfin une activité vigoureuse intermittente de 3 à 4 minutes par jour divise par deux les décès d’origine cardiovasculaire et la mortalité toutes causes(3). Une heure d’activité trois fois par semaine réduit de 30 % le risque de dépression, de 25 % le risque d’accident vasculaire cérébral, de 25 % le risque de survenue de cancer du côlon et de 40 % ses récidives, de 58 % le risque de diabète de type 2, de 25 à 30 % le risque de cancer du sein, et de 30 à 50 % le risque d’HTA. Trente minutes de vélo ou de marche par jour diminuent de 25 % la mortalité cardiaque.
Les freins à la pratique de l’activité physique chez les asthmatiques
« L’activité physique est un médicament avec un haut niveau de preuve, a déclaré le Pr Colas Tchérakian. Mais on est très mauvais en France ; selon des chiffres de l’ANSES de 2017, 80 % des enfants sont inactifs, ansi que 60 % des adolescents, 37 % des 18-64 ans et 33 % des séniors 65-79 ans(4). Ces chiffres sont encore plus hauts en cas de maladie chronique. » Il existe de nombreux freins à la pratique d’une activité physique chez l’asthmatique, en particulier la peur de déclencher une crise durant l’exercice, mais aussi la bronchoconstriction induite par l’exercice, la dyspnée d’effort, le syndrome d’hyperventilation et le mauvais contrôle de l’asthme(5). Pourtant il est bien montré que l’activité physique améliore le contrôle de l’asthme et la qualité de vie(6). « Un patient dont l’asthme est contrôlé peut pratiquer une activité physique comme n’importe quelle autre personne, à ceci près qu’en France un asthme sur deux n’est pas contrôlé », a ajouté le Pr Colas Tchérakian.
Les raisons de ce non-contrôle sont le plus souvent liées à un problème d’observance ou à une mauvaise technique de prise du traitement ; il peut s’agir aussi d’un syndrome d’hyperventilation qu’il faut dépister (score de Nijmegen) et traiter. Celui-ci concerne environ 40 % des patients avec un asthme sévère. En effet, au fil du temps, les centres respiratoires de l’asthmatique se dérèglent et le patient a l’impression de manquer d’oxygène ; il hyperventile alors qu’il a un taux d’O2 normal. Cela majore les crises d’asthme, induit un sentiment de malaise, des vertiges et cela gêne l’activité physique. Il faut prendre le syndrome d’hyperventilation en charge avant de débuter l’activité physique adaptée. De même l’anxiété anticipatoire de la crise est un frein sur lequel il faut travailler.
L’adolescence, une période à risque
L’asthme est la maladie chronique la plus fréquente chez l’enfant. Cependant elle reste sous-diagnostiquée, sous-traitée et mal contrôlée. Une étude française a montré que 38,5 % des adolescents asthmatiques en classe de 3e avaient un asthme non contrôlé(7). Or la prévalence de l’asthme dans cette tranche d’âge augmente au fil du temps : elle est passée de 8,6 % en 2003-2004 à 12 % en 2016-2017.
L’adolescence est une période à risque de non-contrôle, avec une moindre utilisation des traitements de fond que les plus jeunes(8). Cela s’explique par les particularités psychologiques liées à cet âge, avec la fréquence élevée des conduites à risque (tabac, cannabis, etc.), de la dépression et de l’anxiété. Le défaut de traitement est responsable d’une inflammation bronchique sous-jacente avec davantage de symptômes (sifflement, toux, difficulté à respirer, réveils nocturnes) et des crises déclenchées par l’exercice. « Aussi pense-t-on trop souvent que le sport est contre-indiqué chez l’adolescent asthmatique. C’est faux, a affirmé le Dr Rola Abou Taam (pneumo-pédiatre, hôpital Necker, Paris). Un plan d’action doit être mis en place ; il doit être expliqué au jeune et bien compris de lui. L’échauffement est important et le patient doit avoir un médicament de secours avec lui pendant l’exercice physique. »
Quoi qu’il en soit, il faut d’abord s’assurer du bon contrôle de l’asthme et en cas d’asthme sévère proposer une activité physique adaptée. Il est aussi possible de faire un certificat d’aptitude partielle au sport ou une inaptitude temporelle si l’asthme n’est pas contrôlé. Il n’y a pas de place pour un certificat d’inaptitude définitive.
Quant au choix de l’activité physique, il portera sur celui que le jeune aime. Ce peut être : la natation ou l’aquagym, les arts martiaux ou toute activité qui atténue le stress ; le vélo, la randonnée et le roller, améliorent la capacité respiratoire ; la danse, le tennis, la gymnastique, l’escalade, l’aviron ou tout autre sport peuvent être choisis. Bien entendu, l’équitation est déconseillée chez les allergiques au cheval ou au foin. Et il faut éviter de pratiquer un sport de plein air en période de forte pollinisation. La plongée sous-marine n’est pas conseillée, mais elle est possible, en cas d’asthme non sévère et bien contrôlé.
« Il faut savoir reconnaître et prendre en charge une comorbidité responsable d’une dyspnée d’effort qui gêne la pratique de l’exercice physique », a rappelé le Dr Rola Abou Taam. Ce peut être : une dysfonction respiratoire (fermeture paradoxale des cordes vocales en inspiration concernant volontiers les enfants anxieux, des manœuvres respiratoires améliorent le tableau), un syndrome d’hyperventilation (fréquent chez adolescent souffrant d’asthme allergique sévère)(9) ou un déconditionnement engendré par l’inactivité, porte d’entrée dans un cercle vicieux détérioration fonctionnelle/inactivité(10). Ces patients bénéficieront d’un programme d’activité physique, si possible associé à une éducation thérapeutique.
Plusieurs études ont montré que l’augmentation de l’activité physique chez les jeunes asthmatiques était associée à une amélioration de la tolérance à l’exercice, un recul du seuil de déclenchement de la crise avec une diminution de l’hyperventilation d’exercice, une meilleure estime de soi et une meilleure qualité de vie(11-13).
L’activité physique adaptée sur ordonnance
L’activité physique adaptée (APA) est définie comme étant l’ensemble des activités physiques et sportives adaptées aux capacités physiques des personnes qui ont des maladies chroniques et des besoins spécifiques, notamment les asthmes sévères.
« Le coach d’APA est un professionnel du sport qui a pour vocation de mettre en place des programmes de réadaptation à l’effort physique à destination des patients atteints de maladies chroniques. Il intervient dans des programmes sport-santé ainsi que des programmes de réadaptation à l’effort physique sur prescription médicale », a expliqué Jane Arrestier (professeur d’APA). Le décret du 30 décembre 2016 permet aux professionnels de santé de prescrire une APA aux patients en ALD (affection de longue durée) dans le cadre du parcours de soins. Il suffit d’indiquer sur l’ordonnance : « Faire pratiquer 12 séances d’activités physiques adaptées à “Nom Prénom” par un professeur d’APA » ou « “Nom Prénom” nécessite la mise en place d’un programme de réadaptation à l’effort physique sur 12 semaines par l’association/club … ». Le médecin joindra le bilan médical de son patient indiquant : les comorbidités, les limitations et allergies, les constantes médicales et les traitements en cours.
Le programme comprend 12 séances sur 3 mois. La première séance est la plus importante ; le programme est expliqué au patient et une évaluation médico-sportive est effectuée. Les résultats de cette première évaluation peuvent être transmis au médecin prescripteur. Les séances suivantes conjuguent : étirements dynamiques, renforcement musculaire et endurance, retour au calme avec étirement statique et exercices de respiration ; certains programmes incluent de l’éducation thérapeutique. Un nouveau bilan médico-sportif est parfois réalisé à mi-programme. Et au cours de la deuxième partie de l’APA, on commence à travailler à un projet sportif à long terme. Le bilan médico-sportif de fin de l’APA est à nouveau transmis au médecin prescripteur.
« L’APA est un traitement de l’asthme au même titre que les médicaments ou la réhabilitation respiratoire, a noté le Pr Colas Tchérakian. Malheureusement il n’est pas pris en charge par l’Assurance Maladie en dépit de son haut niveau de preuve sur les bénéfices santé. »
D’après l’émission « Le pouvoir de l’activité physique adaptée pour transformer la gestion de l’asthme chez l’enfant et l’adulte », 2e d’une série de 4 émissions sur le thème « Au-delà de l’asthme sévère : le souffle en question », organisées par OPA Pratique et animées par le Dr Olivier Chabot
Avec la participation du Pr Colas Tchérakian (hôpital Foch, Suresnes), du Dr Rola Abou Taam (pneumo-pédiatre, hôpital Necker, Paris) et Jane Arrestier (professeur d’activité physique adaptée)
Avec le soutien institutionnel du laboratoire
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