Allergologie
Publié le 11 mar 2022Lecture 5 min
Le pollen de cyprès : un pollen hivernal
Guy DUTAU, Allergologue, pneumologue, pédiatre, Toulouse
Le cyprès (Cupressus Spp.) est le plus important représentant de la famille des Cupressacées (ou Cupressinées) qui comporte 135 espèces à feuillage persistant(1), réparties en 35 genres dont le genévrier, les thuyas et certains séquoias(a). En France, le cyprès se trouve sur le pourtour méditerranéen. Dans le monde, il est aussi présent aux États-Unis (Californie), au Mexique, en Asie Centrale et en Chine(1,2). Les principaux genres sont Cupressus sempervirens (cyprès vert de Provence), Cupressus arizonica (actuellement appelé Hespero cyparis arizonica) ou cyprès bleu. C’est un arbre de taille élancée, souvent planté sous forme de haies pour couper le vent, disposition habituelle dans la région méditerranéenne. Il sert également de plante d’ornement dans les jardins et les parcs, ainsi que pour clôturer les résidences secondaires. Le cyprès est devenu un élément caractéristique du paysage méditerranéen, en Provence et en Italie par exemple. En dehors de son action protectrice de certaines cultures, le cyprès peut permettre de lutter contre l’érosion des sols en pente et des dunes(b).
Pollens des cupressacées
Le RNSA (Réseau national de surveillance aérobiologique) indique que pollen de cyprès est le taxon le plus important dans les pays méditerranéens(c). Les Cupressacées, mondialement réparties, comportent aussi le genévrier (Juniperus Spp.), le thuya (Thuja occidentalis) et le séquoia à feuilles d’if (Sequioa Spp.). La floraison de diverses espèces de Cupressacées a lieu pendant des périodes successives. Ainsi, Juniperus oxicedrus (genévrier) fleurit d’octobre à décembre, Cupressus arizonica commence en octobre, Thuya orientalis au mois de janvier, Cupressus sempervirens et Cryptomeria japonica de février à mars, enfin Chamaecyparis obtusa en mars et avril.
Ces pollens sont émis à des périodes différentes de celles d’autres arbres et surtout des pollens de Graminées, ce qui explique que la pollinose est devenue une affection presque per-annuelle. S’agissant uniquement des Cupressacées, on voit que les différentes floraisons de ces arbres définissent une saison de pollinisation unique assez longue qui va d’octobre à avril. De plus, les symptômes des allergiques au pollen de cyprès peuvent donc durer plus longtemps que la période habituelle de la pollinisation à cet arbre (janvier- février) car il existe des réactions croisées entre les pollens des différents membres de la famille des Cupressacées.
Ainsi, le pollen de cyprès est un pollen hivernal, sa pollinisation pouvant même débuter pendant la seconde quinzaine du mois de décembre.
Épidémiologie
Dans le sud-est de la France, 7,1 % des enfants sont allergiques au cyprès(3). À l’inverse, la prévalence de l’allergie au cyprès n’est que de 1,04 % dans la population générale en Ligurie alors que cet arbre est largement répandu. Dans cette étude, seul un tiers des patients était monosensibilisé(3). Une autre variété de cyprès (Calocedrus decurrens, angl. : incense cedar) est également responsable de rhino conjonctivites hivernales IgE-dépendantes en Amérique du Nord(5).
Allergènes
Il existe 4 allergènes du pollen de cyprès, également observés dans les autres espèces de Cupressacées indiquées ci-dessus.
Les allergènes du groupe 1 sont représentés par une pectase lyase de poids moléculaire (PM) de 42- 43 kDa. C’est un allergène majeur dénommé Cup a1 pour C. arizonica et Cup s1 pour C. sempervirens. Cet allergène se lie avec 100 % des IgE des patients allergiques au cyprès et il existe une forte homologie entre les diverses espèces(1).
Les autres allergènes sont une polygalacturonase (également allergène majeur sensibilisant 80% des individus allergiques au pollen de cyprès), une protéine thaumatine-like (sensibilisant 40 à 60 % des allergiques au pollen de cyprès), et une protéine fixant le calcium (allergène mineur qui sensibilise 10 à 15 % des patients allergiques au cyprès)(1).
Il existe d’autres protéines sensibilisantes en particulier une protéine basique de PM 14 kDa (ou BP14 pour la famille des gibbérellines(d), responsables de syndromes d’allergie croisée de découverte récente entre le pollen de cyprès et certains fruits [pêche, agrumes]). Ces syndromes cyprès-pêche et cyprès-agrumes se traduisent par un syndrome d’allergie orale.
Symptômes cliniques
Pendant les mois de janvier et février, la pollinose au cyprès est responsable de symptômes importants, en particulier dans le sud de la France (Montpellier et sa région, Provence) et en Italie (figure 1). Ailleurs dans le monde, cette pollinose est présente dans les régions ou pays où ces arbres sont abondants comme le Japon, l’Afrique du Sud, et le sud des États-Unis. Le pollen de cyprès est responsable de symptômes hivernaux : rhinite, conjonctivite, asthme et toux chronique. La rhinite est plus fréquente que la conjonctivite, mais cette dernière est le symptôme le plus invalidant(1,2).
Boutin-Forzano et coll.(1) ont comparé les caractéristiques des individus allergiques au pollen de cyprès (APC) et de ceux allergiques au pollen de graminées (APG). Ils ont observé des différences pour l’APC pour le sex-ratio M/F (1 versus 2 : p =0,001), l’âge moyen au moment du début des symptômes (32 ans versus 17,9 ans : p = 0,0002) et le pourcentage de toux chronique (16,5 % versus 0 % : p = 0,008). Les autres paramètres étaient identiques dans les deux groupes en particulier, les antécédents allergiques de la mère ou du père, le pourcentage des individus nés en dehors de la région de l’étude (Marseille et sa région), le pourcentage de patients mono-sensibilisés (40,8 % versus et 31,5 %), la fréquence de l’asthme (38,1 % versus 38,4 %). L’explication de ces différences APC/APG nécessite des études complémentaires.
Les patients atteints de pollinose au cyprès seraient préférentiellement sensibilisés ou allergiques à la pêche, ce qui constitue une nouvelle association d’allergie alimentaire et pollinique(6-8).
Traitement et prévention
La prévention repose sur une politique environnementale, la sélection de cyprès d’allergénicité faible ou nulle, l’immunothérapie spécifique.
Une grande revue générale sur l’allergie au cyprès est disponible (66 références)(8). L’auteur recense 10 études d’immunothérapie allergénique, 7 par voie sous-cutanée (ITS-SC), 2 par voie sublinguale (ITS-SL) et 1 intramusculaire (ITS-IM). Les effets sont variables, avec cependant des résultats bons ou intéressants dans les deux ITS-SL et dans quatre ITS-SC(8).
Le RNSA alerte sur les différents risques polliniques, ce qui peut permettre aux individus allergiques de réduire ou d’éviter les expositions, et même de prendre un traitement médicamenteux (antihistaminiques H1), surtout s’ils ne sont pas désensibilisés, si possible sur avis médical (cf. Communiqué de presse du RNSA sur l’allergie au pollen de cyprès du 27 janvier 2022 [S. Monnier ; © RNSA], pollens.fr).
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