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Pneumologie

Publié le 09 mai 2022Lecture 5 min

Sommeil : comment les outils connectés peuvent modifier le suivi des patients

Caroline GUIGNOT, D’après la session : « Sommeil, pneumologie et diagnostic en 2021 » CPLF 2022

Parce que la multiplication des objets connectés ne justifie pas en soi leur utilisation, il est important d’établir le rationnel et les objectifs de leur usage pour apprécier leur apport et leurs limites par rapport aux approches habituelles.

Les bénéfices du télémonitoring de la pression positive continue (PPC) sont multiples. Leur point commun est l’amélioration de l’observance, élément clé de l’efficacité de la PPC et donc de la réduction du risque de complications à long terme encouru par le patient apnéique. Une mauvaise observance dans les premiers jours de son initiation étant déterminante pour celle à plus long terme, les données accessibles au patient via son smarthpone favorise une meilleure implication de sa part tandis que le télémonitoring offre un moyen rapide d’intervention de la part de l’équipe qui le suit. Les données collectées peuvent aussi être utilisées à des fins d’éducation thérapeutique au cours de la prise en charge. Une métaanalyse a récemment objectivé ces différents bénéfices(1). Parallèlement, les fuites — qu’elles soient liées au circuit, au masque ou à sa manipulation, à l’ouverture buccale, l’effort respiratoire, la pression... — ou l’existence d’un IAH (index apnées-hypopnées) résiduel élevé sont des facteurs défavorables pour l’observance. Le télésuivi offre le moyen d’identifier des valeurs anormales ou la dégradation de ces indicateurs dans le temps, permettant de déclencher une action de la part de l’équipe médicale. À noter d’ailleurs que la tendance à présenter des IAH élevés au cours du suivi semble plus déterminantes qu’une valeur d’IAH élevée ponctuelle dans le parcours des patients. Enfin, le télésuivi permet de détecter des événements intercurrents, notamment cardiovasculaires. L’étude française AlertApnée a par exemple décrit que le télésuivi avait permis d’identifier la survenue d’une respiration de Cheyne-Stokes chez une large proportion des patients apnéiques inclus et qu’à un an, ceux-ci avaient un risque cardiovasculaire multiplié par un facteur 5,7 par rapport aux autres. Parce que le télémonitoring engendre un nombre d’alertes supérieur au suivi médical classique, un tri est nécessaire pour discriminer ces événements selon leur nature (technique vs clinique) et les stratifier selon leur gravité. Des procédures de gestion et une adaptation des seuils d’alerte sont nécessaires. Un groupe de travail de la Société française de recherche et médecine du sommeil et de la Société de pneumologie de langue française ont d’ailleurs proposé récemment un arbre décisionnel(3). L’implémentation du télésuivi dans la routine clinique impose beaucoup de questions pratiques (transparence, implication et rémunération des acteurs, implémentation logicielle des algorithmes...) et ne peut avoir lieu qu’à condition d’une bonne acceptabilité et d’un bénéfice perçu par tous les protagonistes – patients et médecins. Sur ce dernier point, une étude multi-disciplinaire (services de l’AP-HP, sociologues, psychanalystes, juristes...) a mis en avant la notion de coût psychique, liée à la nouvelle temporalité induite par l’outil connecté, et ce lien désormais constant entre le soignant et le soigné qui favorise des attentes et attitudes nouvelles. L’évaluation des usages, quant à elle ne doit pas faire l’épargne de celle de la dimension psychique des utilisateurs. L’IA peut-elle sonner la glas de la polysomnographie ? La technique polysomnographique conventionnelle a des limites bien connues : complexe à mettre en œuvre, inadaptée à la demande épidémiologique, conduisant à des diagnostics sur mesure unique. Face aux difficultés d’accès aux soins et à l’intérêt de mesures écologiques, au domicile, différents systèmes digitaux ont été développés et commercialisés. À titre d’exemple, WatchPATTM One — une montre connectée jetable développée pour le diagnostic du syndrome d’apnée du sommeil (SAS) — a vu sa prescription exploser aux États-Unis au cours de la pandémie de Covid-19. Des outils connectés plus maniables, petits et utilisables à domicile, permettent aussi d’envisager une évaluation sur plusieurs nuits successives. La réitération du test conduit à une évaluation de la sévérité de l’atteinte plus fiable que celle posée après une mesure unique(4,5) et bénéficie en cela des capacités d’analyses offertes par le machine learning. Dans d’autres troubles du sommeil, comme ceux engendrés durant la pandémie de Covid-19, des outils polysomnographiques spécifiques (capteurs sous le matelas) en situation écologique et associés à des outils d’analyse adaptés se sont révélés utiles pour mesurer et confronter la perturbation de l’architecture du sommeil sur plusieurs nuits successives, sans impacter les services de polysomnographie. Des solutions de médecine digitale avec analyse automatique par intelligence artificielle ont également permis de disposer d’outils d’évaluation complémentaires de ceux conventionnels, par exemple en produisant des cartes d’hypnodensité bâties sur l’architecture du sommeil nocturne dans la narcolepsie(6) ou en diagnostiquant les formes de SAS y compris celles les plus difficiles à identifier, à partir de capteurs des mouvements mandibulaires associés au machine learning ou des réseaux de neurones artificiels(7). De même, ces outils pourraient être utilisés pour le diagnostic de bruxisme. La polysomnographie pourrait donc à terme garder une place pour les patients complexes, reçus par des médecins experts. Les services compléteraient leur activité par celle du télésuivi et de l’exploitation des données d’enregistrements faits aux domicile. In fine, l’évaluation de la santé connectée est complexe du fait des multiples éléments qui la composent : patient, médecin, capteur, serveur, IA... Par ailleurs, la sécurité des données et de l’IA qui les exploite doit être garantie. L’ensemble impose une vigilance qui a été inscrite dans la loi de bioéthique (principe de supervision humaine via des collèges de garantie humaine dédiés). Une notion depuis intégrée par l’OMS dans ses recommandations d’éthique et de gouvernance de l’IA (juin 2020), et par l’Union européenne dans un règlement dédié, en cours de rédaction.

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