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Allergologie

Publié le 03 nov 2022Lecture 6 min

Les réactions locorégionales aux venins d’hyménoptères peuvent-elles relever d’un traitement par immunothérapie spécifique ?

François LAVAUD, Reims

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Indications actuelles de l'immunothérapie allergénique (ITA) aux venins d'hyménoptères L’ITA est le seul traitement qui permette de réduire les risques d’anaphylaxie et de décès chez les patients sensibilisés aux venins d’hyménoptères. Pour les différents consensus européens ou américains, l’ITA aux venins d’hyménoptères est réservée aux patients ayant présenté des manifestations systémiques après piqûre et chez lesquels la preuve d’une sensibilisation IgE-dépendante a été prouvée par tests cutanés ou dosage d’IgE spécifiques. Et cette indication concerne les réactions systémiques dépassant le niveau cutané sauf s’il existe des facteurs de risque qui ont été bien définis, exposition importante (apiculteurs notamment), grand âge, prise de médicaments bêtabloquants ou inhibiteurs de l’enzyme de conversion, syndrome d’activation mastocytaire. On tient compte également dans cette situation de l’altération de la qualité de vie et des conditions environnementales, notamment en cas d’éloignement important des centres de soins. Les réactions locorégionales (RLR) ne font pas l’objet de recommandations d’ITA même si le bilan confirme une sensibilisation au venin et quelle que soit l’intensité de la positivité des dosages d’IgE spécifiques. Leur traitement repose sur des mesures symptomatiques locales ou la prise d’antihistaminiques. Les corticoïdes et la prescription d’un dispositif auto-injectable d’adrénaline ne sont pas indiqués.   Épidémiologie des réactions locorégionales Par définition une RLR survient dans les suites immédiates d’une seule piqûre, avec phénomènes inflammatoires prurigineux et douloureux et un œdème localisé sur la piqûre, atteignant plus de 10 cm et s’aggravant dans les 24-48 heures. Sa durée est de plus de 72 heures. Ces RLR peuvent s’aggraver en étendue au fur et à mesure des piqûres et peuvent présenter des risques de symptômes sévères en cas de localisation faciale ou endo-buccale. Les RLR concerneraient 2,4 à 26,4 % de la population générale mais ce grand écart rend compte de leur mauvaise considération dans les études épidémiologiques qui le plus souvent les négligent en ne considérant que les réactions systémiques. Du reste, compte tenu de l’absence de traitement spécifique le bilan allergologique n’est pas justifié sauf en cas de doute diagnostique sur l’étiologie de la réaction. Cependant à une RLR peut succéder une réaction systémique en cas de nouvelle piqûre dans 5 à 10 % des cas. Selon une étude récente mais controversée ce taux serait même de 24 %. L’existence des tests cutanés positifs pour l’abeille ou la guêpe Vespula à un seuil de réactivité ≤ 0,001μg/ml par voie intradermique serait un facteur de risque pour un passage vers des réactions systémiques.     ITA dans les RLR En raison du risque possible d’évolution des RLR vers une réaction systémique, les recommandations européennes évoquent l’effet préventif de l’ITA qui diminuerait ce risque mais réduirait également l’intensité et la durée des symptômes et pourrait donc être envisagée comme traitement potentiel en cas de réactions invalidantes. Dans la littérature, on trouve des séries de RLR, et notamment dans les travaux de Golden et coll., où l’ITA a été menée avec une bonne efficacité, une amélioration des symptômes (taille et durée des lésions) et de la qualité de vie des patients. Les tenants de cette indication argumentent sur le rôle de facteurs décisionnels que sont une exposition plus importante au risque de piqûre. Ceci concerne les apiculteurs ne pouvant ou ne voulant pas quitter leur activité professionnelle mais aussi les paysagistes et sylviculteurs ou les métiers de bouche. Dans ces cas, le contexte professionnel doit être pris en compte d’autant plus qu’il existe une altération marquée de leur qualité de vie en lien avec l’intensité et la récurrence des réactions ou l’anxiété créée par le risque de nouvelles piqûres ou la crainte de manifestations anaphylactiques pour lesquelles ils sont informés. En revanche, le terrain atopique n’est pas un facteur de risque. Autres situations à risque sur le devenir des RLR, le grand âge, les comorbidités associées dont l’état cardiovasculaire et son traitement, et les désordres mastocytaires. Dans ces dernières conditions une piqûre d’hyménoptère peut conduire à des symptômes anaphylactiques fulgurants, voire à une évolution fatale même si les piqûres antérieures étaient mieux tolérées. Pour les désordres mastocytaires, il est proposé de les rechercher systématiquement mais uniquement en cas de réaction systémique. En connaissance de cause, l’ITA aux venins d’hyménoptères est uniquement recommandée dans les réactions systémiques et n’est pas conseillée dans les RLR pour différentes raisons. Tout d’abord l’efficacité globale de l’ITA dans cette indication n’a pas été démontrée dans des études de grande échelle avec un niveau de preuve qui reste faible. L’évolution des RLR vers une réaction systémique en cas de nouvelle piqûre existe mais demeure modérée et serait encore plus basse en cas de RLR répétées. Si l’intensité de la sensibilisation a été évoquée comme marqueur prédictif elle n’a qu’un intérêt partiel et aucun moyen diagnostique fiable et spécifique n’est disponible. Les effets secondaires de l’ITA existent même s’ils restent peu fréquents, mais des réactions anaphylactiques sont décrites. La durée du traitement n’est pas codifiée pour les RLR et si on se réfère aux réactions systémiques elle est de 5 ans. Dans ces conditions, si l’indication de l’ITA est basée sur la balance bénéfice/risque individuel de chaque patient, le bénéfice attendu reste médiocre. Il faut aussi prendre en compte les conditions circonstancielles de l’ITA aux venins d’hyménoptères. Les protocoles d’ITA nécessitent des séances d’hôpital de jour (HDJ) dans des unités très spécialisées puis un suivi mensuel pendant la première année, puis en fonction des centres 6 à 12 rappels par an dans les années suivantes jusqu’à l’arrêt du traitement. Cette activité est loin d’être commune sur la surface de l’Hexagone, justifiant un personnel médical et paramédical hautement qualifié. C’est une activité chronophage et qui a un coût. En dehors des frais liés à l’HDJ, le prix des venins pour diagnostic et traitement a nettement augmenté ces dernières années (entre 60 et 90 euros le flacon de 120 μg à usage extemporané) ce qui est un budget et un souci pour les pharmacies hospitalières. Par ailleurs, les places en HDJ ou consultations d’allergologie manquent cruellement avec une demande en augmentation constante, ce qui nécessite de prioriser la prise en charge des patients les plus à risque ou les plus fragiles. Enfin plusieurs vagues récurrentes de pénuries de venins ont compliqué la situation ce qui a nécessité une adaptation des pratiques en privilégiant la mise en route de l’ITA chez les patients présentant les formes ou les facteurs de risque les plus graves.   CONCLUSION • L’ITA ne reste pas recommandée pour les RLR dans les consensus internationaux et pour la pratique française. Le manque répétitif d’extraits de venins, le coût des protocoles et l’investissement des équipes pour un faible bénéfice collectif attendu sont autant d’obstacles à sa mise en place. • Cependant, dans des cas bien définis, l’ITA pourrait être discutée notamment en cas de facteurs de risque reconnus pour améliorer la qualité de vie. De toute façon, l’information éclairée du patient et sa décision restent prioritaires.  D’après la communication de F. Castelain (CHU de Besançon) «Allergie aux venins : mise au point et nouveaux insectes» CFA 2022

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