Publié le 15 déc 2022Lecture 6 min
Quatre leviers d’action pharmacologiques pour réduire la sévérité du SAOS
Caroline GUIGNOT, Lille
Si la prise en charge des troubles respiratoires permet d’améliorer le pronostic lié au syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), l’enjeu est aussi d’offrir une réponse plus personnalisée en fonction des différents phénotypes et endotypes de la maladie. Quatre pistes ont été présentées au cours d’une session dédiée.
Réduire l’indice de masse corporelle reste un enjeu pertinent chez le patient SAOS en situation d’obésité. Pour l’heure, il existe deux approches pharmacologiques : l’orlistat et les agonistes de GLP-1. L’orlistat est un inhibiteur de lipase intestinal qui réduit notamment l’absorption des lipides au niveau du duodénum terminal. Il est indiqué chez les sujets obèses ayant un indice de masse corporelle de 30 kg/m2 (ou 28 kg/m2 en cas de comorbidités), pour une durée maximale de 2 ans. Il permet de réduire l’activité de la lipase sur la dégradation des lipides en acides gras, qui sont excrétés dans les selles, à l’origine des principaux effets indésirables (diarrhée, stéatorrhée, déficit en vitamines ADEK). Parallèlement, les agonistes de GLP-1 miment les effets de l’hormone, en modulant notamment la vidange gastrique, le péristaltisme intestinal ainsi que la sécrétion et la synthèse d’insuline. Les études aujourd’hui disponibles sur le liraglutide (prise quotidienne) ou le sémaglutide (prise hebdomadaire) permettent d’envisager pour le premier une perte de 6 kg chez les sujets obèses ayant un syndrome d’apnée du sommeil modéré à sévère(1) et 7,6 kg en moyenne selon des études menées en vie réelle parmi les patients en situation d’obésité(2) ainsi que, pour le second, une diminution du poids de 11,6 kg selon une métaanalyse ayant été menée à partir des données de 4 études menées chez des sujets obèses non diabétiques(3). Les deux molécules sont respectivement autorisées pour des IMC > 40 kg/m2 et de 30 kg/m2 , ou 35 kg/m2 et 27 kg/m2 en cas de comorbidité. D’autres analogues de GLP-1 comme le tirzépatide sont prometteurs, avec des promesses de perte pondérale encore supérieures, qu’il faudra toutefois confirmer en vie réelle. L’ensemble de cette classe thérapeutique engendre des troubles digestifs transitoires (diarrhée, constipation, nausée, etc.). À moyen terme, des associations entre analogues de GLP-1 et des antagonistes du SGLT2 comme l’empagliflozine, qui empêche la réabsorption rénale de glucose, devraient également aboutir.
La piste du muscle génioglosse
Durant le sommeil, l’activité du génioglosse, à la base de la langue et de l’entrée des voies aériennes supérieures (VAS), et la compliance de ces dernières diminuent, ce qui engendre une réduction du diamètre des VAS. Dans le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), la réactivité du génioglosse est encore plus réduite et semble renforcée par la chronicisation de la maladie : en effet, des études suggèrent que les hypoxies épisodiques nocturnes altèrent la contractilité des muscles respiratoires et le système de contrôle neural qui régule la perméabilité des VAS. Stimuler le génioglosse semble limiter le collapsus en libérant le carrefour aéro-digestif supérieur.
Ainsi, plusieurs essais ont été conduits en associant des molécules ciblant le système noradrénergique et le système cholinergique : l’association orale d’atomoxétine et d’oxybutynine permet d’améliorer l’activité de ce muscle et de réduire de 63 % l’index d’apnée-hypopnée (IAH) par rapport au placebo(4) . Elle améliore les mesures de la collapsibilité des VAS, augmente la stabilité du contrôle respiratoire et réduit légèrement le seuil de réveil(5). Une autre combinaison utilisant cette fois réboxétine et oxybutynine semble également prometteuse(6). D’autres combinaisons (atomoxétine-bipéridène, atomoxét inefésotérodine, atomoxétine solifénacine) ont conduit à des résultats contrastés. La plupart de ces études ont été conduites auprès de faibles effectifs et de courtes périodes. Aussi, une métaanalyse(7) ayant compilé ces données n’a pu conclure, par manque de puissance statistique. La revue systématique associée, elle, conclut à une amélioration modeste du gain de boucle totale et de la collapsibilité des VAS, en faveur d’une amélioration de la sévérité du SAOS. Des études plus puissantes et prolongées sont attendues.
La voie de l’anydrase carbonique
La ventilation respiratoire est sous l’influence de l’anhydrase carbonique, une enzyme qui présente 14 isoformes et est présente dans de nombreux tissus, avec un rôle particulièrement important dans l’équilibre acidobasique au niveau rénal. Les études mécanistiques montrent qu’il existe une association entre la sévérité du SAOS et l’activité de l’AC, suggérant une potentielle suractivation enzymatique. Plusieurs inhibiteurs d’AC sont aujourd’hui commercialisés dans des indications variées. Récemment, plusieurs études ont évalué les inhibiteurs d’AC dans la prise en charge du SAOS, dont l’acétazolamide. Dans de premières études cliniques, l’inhibiteur permet de réduire significativement l’IAH par rapport à un placebo. Plus récemment, des études ont été menées avec le sulthiame (200 et 400 mg, versus placebo) dans le SAOS modéré à sévère et ayant abandonné le traitement par PPC(8). Il a été démontré un profil d’affinité pour l’AC comparable aux autres inhibiteurs et des effets secondaires dose-dépendants, mais légers et transitoires pour la plupart (paresthésies, troubles gastro intestinaux, fatigue, etc.). Les deux dosages conduisaient à une réduction relative de l’IAH de 32 % et 41 % respectivement. Il est intéressant de noter que la réponse est relativement homogène quel que soit l’endotype de SAOS, par contraste avec les autres composés de la même classe thérapeutique. Le développement se poursuit.
La piste du seuil de réveil
Durant le sommeil lent, la régulation ventilatoire est dépendante des paramètres métaboliques. La physiopathologie du SAOS pourrait reposer sur un seuil de réveil bas du fait d’un rétrécissement des voies aériennes supérieures, d’une instabilité du contrôle respiratoire lié à un loop gain élevé (rapport entre réponse et perturbation respiratoires) et/ou à une altération du contrôle et des fonctions des muscles pharyngés durant le sommeil. En découle une réponse ventilatoire inappropriée face à de faibles variations de CO2.
Lorsque le seuil de réveil est bas, le réveil est facilité, les changements rapides de phase entre sommeil léger et éveil favorisent l’instabilité respiratoire avec une modification des seuils apnéiques dépendant du CO2 . En théorie, il serait possible d’augmenter ce seuil au niveau central en utilisant un hypnotique. Cependant, il est nécessaire d’évaluer si une telle intervention influence les muscles respiratoires et permet de modifier la sévérité de l’apnée. En pratique, des études ont été conduites en utilisant notamment des benzodiazépines, des hypnotiques Z ou des sérotoninergiques (trazodone) mais leurs résultats n’ont pas été totalement satisfaisants, avec des résultats parfois nuls ou contradictoires sur l’un et/ou l’autre de ces trois paramètres d’évaluation différents. Sans doute la combinaison de certaines de ces molécules pourraient être intéressantes. Parallèlement, une autre approche consiste à supprimer les éveils médiés par le CO2 . La pimavansérine est un antisérotoninergique qui a été évalué en ce sens, mais les premières données(9), issues d’une administration unique n’ont pas montré d’effet significatif sur le seuil de réveil ou la sévérité du SAOS versus placebo. Une analyse en sous-groupe ayant montré une capacité à relever le seuil de réveil et une légère diminution de la sévérité de la maladie, d’autres travaux sont envisagés.
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