Publié le 29 mar 2023Lecture 5 min
L’hydrops endolymphatique, marqueur de la maladie de Ménière, mais pas seulement !
Hannah DAOUDI - ORL, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
La récente technique d’IRM « hydrops » permet de visualiser les structures endolymphatiques sur séquences 3D-FLAIR 4 heures après l’injection intraveineuse de gadolinium, qui s’accumule majoritairement dans les espaces périlymphatiques. Ainsi, on visualise l’endolymphe dans le saccule, l’utricule et la cochlée. Un récent article(1) rappelle que l’hydrops endolymphatique (HE) peut être visualisé en cas de maladie de Ménière, mais également dans d’autres pathologies.
HYDROPS ENDOLYMPHATIQUE
La maladie de Ménière est connue pour ses symptômes audio-vestibulaires, notamment des crises épisodiques de vertiges ou une perte auditive neurosensorielle fluctuante. L’HE en est un signe radiologique typique, mais sa présence ne confirme pas le diagnostic et peut être marqueur d’une autre pathologie. L’IRM « hydrops » ou IRM « labyrinthique tardive » est aujourd’hui indiquée en cas de suspicion de maladie de Ménière, mais aussi en cas de surdité fluctuante, de vertiges ou d’acouphènes.
Cet examen peut être difficilement interprétable : l’espace endolymphatique varie entre les sujets sains et il peut être difficile de reconnaître les variantes pathologiques ou cliniquement pertinentes. Ainsi, un récent article fait le point sur les étiologies d’HE et les auteurs proposent une classification des troubles retrouvés selon les signes cliniques des patients(1).
ANALYSE DE LA LITTÉRATURE
L’analyse de la littérature montre que l’HE n’est pas présent seulement chez les patients présentant une maladie de Ménière typique, mais aussi dans divers troubles otologiques : Ménière atypique, surdité fluctuante, schwannome vestibulaire, surdité brusque, vestibulopathie chronique, dilatation de l’aqueduc vestibulaire (DAV) et déhiscence canalaire supérieure (DCS) — troisième fenêtre, otospongiose et HE retardé.
Un HE retardé se traduit par des symptômes vestibulaires récurrents (vertiges, acouphènes, sensation de plénitude dans l’oreille) ressemblant à ceux de la maladie de Ménière. Les patients présentent souvent un hydrops sacculaire à l’IRM qui se développe plusieurs années après une perte auditive. La période d’apparition des symptômes varie selon l’étiologie de la surdité : de quelques mois en cas de traumatisme crânien, d’une dizaine d’années si surdité brusque ou traumatisme sonore, et plus longue encore en cas de surdité due à la maladie des oreillons.
CLASSIFICATION DES HYDROPS ENDOLYMPHATIQUES
Une des premières classifications décrites différentiait l’HE vestibulaire à proximité ou non de la fenêtre ovale(2). Les patients présentant un HE proche de la fenêtre ovale présentaient fréquemment une surdité de transmission dans les fréquences graves. Ce mécanisme pourrait, entre autres, expliquer la surdité de transmission présente dans les pathologies à troisième fenêtre (DAV ou DCS).
Occasionnellement, une hernie de l’hydrops au niveau des canaux semi-circulaires pouvait être détectée. Gürkov et coll. ont étudié la relation entre une hernie dans le canal semi-circulaire latéral et la fonction calorique chez des patients présentant une maladie de Ménière unilatérale certaine. Une hernie du canal semi-circulaire était corrélée à des réponses caloriques altérées.
Gürkov et coll.(3) ont ensuite proposé une classification basée sur les symptômes cliniques et les imageries des diverses étiologies. Ils distinguaient un hydrops primaire d’un hydrops secondaire. Sont classés parmi les hydrops primaires :
maladie de Ménière typique ou atypique (hydrops cochléaire ou hydrops vestibulaire) ;
vestibulopathie chronique
Sont responsables d’un hydrops secondaire :
HE retardé ;
dilatation de l’aqueduc vestibulaire et déhiscence canalaire supérieure : HE causé par des lésions pathologiques de la troisième fenêtre ;
schwannome vestibulaire (HE longtemps asymptomatique) ;
surdité secondaire à une chirurgie otologique, traumatisme crânien ou inflammation ;
surdité secondaire aux oreillons.
Le classement est moins évident pour les surdités brusques ou l’otospongiose.
L’HE dans l’otospongiose peut être primaire et concomitant à l’apparition du foyer otospongieux, mais aussi d’apparition secondaire : causé par une atteinte de la capsule otique.
La présence d’HE dans la surdité brusque pourrait être expliquée par : un HE symptomatique (primaire) qui serait l’étiologie primaire de la surdité ; un HE asymptomatique (primaire) qui serait un facteur de risque de surdité brusque ; ou encore un HE « dégénératif » (secondaire) qui se développerait après l’apparition de la surdité.
Figure 1. Classification de l’hydrops endolymphatique.
Un schwannome vestibulaire peut provoquer un hydrops secondaire, longtemps asymptomatique,
qui peut le devenir avec apparition de vertiges, acouphènes multifactoriels.
Un HE retardé peut être provoqué par une chirurgie otologique, un traumatisme, une maladie inflammatoire,
ou encore une surdité due aux oreillons. DAV : dilatation de l’aqueduc vestibulaire,
DCS : déhiscence canalaire supérieure, HE : hydrops endolymphatique, SB : surdité brusque
Figure 2. Cas clinique.
Patiente de 76 ans présentant une surdité bilatérale progressive, après deux épisodes de surdité brusque :
en 1990 à gauche et 2010 à droite. Elle est appareillée en bilatéral depuis 2013, et porte un TriCROS depuis peu.
Elle présente quelques vertiges intermittents, pas d’acouphène. Un syndrome de Gougerot-Sjögren a été diagnostiqué.
L’audiogramme montre une surdité moyenne à droite et sévère à gauche,
l’intelligibilité ne dépasse pas les 50 % à 60 dB avec les deux appareils.
L’examen calorique montre une hyporéflexie droite et aréflexie gauche.
L’IRM de l’angle ponto-cérébelleux est normale.
L’IRM hydrops montre un aspect d’hydrops sacculaire et utriculaire (flèche orange) et cochléaire (flèche jaune) bilatéral plus marqué à droite
CONCLUSION
Il est important d’apprécier la prévalence relativement élevée de l’HE dans les populations saines et chez les patients souffrant d’autres troubles vestibulaires, car la détection de l’HE à l’IRM n’indique pas forcément une maladie de Ménière.
Les classifications décrites pourraient permettre de mieux comprendre les mécanismes, et d’élucider la physiopathologie des troubles otologiques liés à l’HE, non totalement comprise aujourd’hui.
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