Alternaria

Figure 1. Taches d’aspect gris noir sur des murs humides évoquant la présence de moisissures, dont Alternaria, mais pas seulement.   ÉPIDÉMIOLOGIE, ALLERGÈNES ET ASPECTS CLINIQUES   Les spores d’Alternaria sont dépourvues de risques chez les individus normaux qui les éliminent grâce à l’épuration mucociliaireb. Les allergènes présents dans les spores d’Alternaria sont libérés au cours de la germination chez certains asthmatiques ou en cas d’immunodéficience locale (mucoviscidose par exemple). Les spores d’Alternaria sont présentes dans l’air pendant toute l’année (entre 100 et 10 000 m3), au maximum en août-septembre, où elles peuvent entraîner une rhino-conjonctivite dite « pseudo- pollinique » en imitant les symptômes d’une rhinite allergique saisonnière. Mais à cette période, la pollinisation des graminées est depuis longtemps terminée. Chez des patients polysensibilisés, le pourcentage des prick-tests (PT) positifs dans une consultation tout-venant d’allergologie varie entre 5,5 et 13 %. L’allergie isolée à Alternaria existe, mais elle est rare(1). Parmi près d’une quinzaine d’allergènes d’Alternaria, le principal est Alt a 1(2). En 2005, Asturias et coll.(2) dénombraient 11 allergènes d’Alternaria, identifiés à la nomenclature d’Alt a 1 à Alt a 11. Le diagnostic d’allergie à Alternaria est basé sur l’anamnèse, l’examen du logement par un conseiller(ère) en environnement intérieur, la présence de spores de moisissures dans l’air ambiant, l’analyse mycologique éventuelle d’un prélèvement fait au domicile, la positivité des PT et du dosage des IgE sériques spécifiques (IgEs)(2). La valeur diagnostique des IgEs dirigées contre l’allergène recombinant (rAlt a 1) est comparable à celle des IgEs dirigées contre l’allergène naturel (nAlt a 1)(2). Depuis 1960-1980, il est reconnu que les moisissures atmosphériques, en particulier celles d’Alternaria, peuvent être associées à des asthmes aigus graves (AAG) et à des décès par asthme, aussi bien chez des individus isolés que dans le cadre d’épidémies de crises aiguës graves(3-5). • En 1981, Jenkins et coll.(3) incriminaient a posteriori les moisissures pour expliquer l’épidémie de décès par asthme survenue au cours de l’été à Cardiff(3). • En 1991, O’Hollaren et coll.(4) rapportaient 11 cas d’AAG avec arrêt respiratoire (dont 2 décès) survenu chez de jeunes asthmatiques âgés de 11 à 25 ans, tous originaires du Midwest où Alternaria est abondant. Les PT et les IgEs de ces patients furent comparés à 99 témoins appariés : 10 sur 11 (91 %) avaient des PT positifs vis-à-vis d’Alternaria contre 31 (31,3 %) chez les témoins (p < 0,001). L’étude statistique montra que le risque d’arrêt respiratoire par AAG était 200 fois plus important en cas de positivité des PT vis-à-vis d’Alternaria (OR 189,5 [IC95% 6,5-5535,8])(4). À noter que les dosages des IgEs dirigées contre Alternaria étaient positifs chez les 9 patients testés. • Entre 1985 et 1989, à Chicago, Targonski et coll.(5) ont étudié les liens entre les décès par asthme chez les patients âgés de 5 à 34 ans, le compte des pollens dans l’atmosphère, et celui des spores de moisissures. La concentration des spores de moisissures et non celle des pollens était très étroitement associée aux décès par asthme (Z Score = 2,80, p < 0,005). Le risque de décès par asthme pour un nombre de spores supérieur à 1 000 m3 était multiplié par 2 (OR 2,16 [IC95% 1,31-3,56], p = 0,003)(5). Depuis la parution de ces publications, de nombreuses études ont confirmé l’association entre allergie à Alternaria et AAG (asthme prélétal ou létal)(6). La sensibilisation à Alternaria est davantage associée à l’asthme sévère qu’à l’asthme modéré ou léger(7). La comparaison de 3 groupes d’asthmatiques, totalisant 50 patients(8) : groupe I (20 patients admis en unité de soins intensifs pour AAG), groupe II (15 patients admis aux urgences, mais ne nécessitant pas de soins intensifs), groupe III (15 patients qui n’avaient jamais été admis aux urgences) montrait que le pourcentage d’asthmatiques sensibilisés à Alternaria était plus élevé dans le premier groupe (54 %) que dans les deux autres (30 %) (p = 0,005)(8). Ce lien est principalement observé chez les adultes jeunes et les adolescents, et même chez les enfants(9). Pour Maurya et coll.(10), il est possible d’identifier les asthmatiques à risque de développer une aspergillose broncho-pulmonaire allergique (ABPA) qui sont généralement sensibilisés à Alternaria . Parmi 105 asthmatiques, 30 (28,5 %) avaient des PT positifs pour Alternaria , 11 (10,4 %) avaient des IgGs contre Alternaria , et 8 (7,6 %) avaient des précipitines. Le diagnostic d’ABPA fut porté chez 8 (26,6 %) de ces 30 patients, soit chez 7,6 % de l’ensemble des 105 asthmatiques(10). Figure 2. Trois spores d’Alternaria (collection RNSA). Figure 3. Alternaria (spores) et filament sur la peau d’un brûlé (collection Guy Dutau). Figure 4. Cette figure montre à la fois des spores d’Alternaria (grandes spores de couleur violet-rouge avec queue) et des spores de Cladosporium (petites spores de couleur violet clair) (collection RNSA). a. https://www.inspq.qc.ca/moisissures/fiches/alternaria-alternata (consulté le 4 décembre 2022). b. Mouvement des cils vibratiles de l’épithélium qui éliminent les impuretés et le mucus grâce à des battements incessants de bas en haut sur une couche de mucus (tapis mucociliaire).