Allergologie
Publié le 07 juil 2023Lecture 5 min
Les allergies respiratoires à l’heure du changement climatique
Denise CARO, Boulogne-Billancourt
Le réchauffement climatique, du fait des activités humaines génératrices de gaz à effet de serre, est responsable de vagues de chaleur plus longues et plus fréquentes, d’une grande variabilité des températures, d’une pollution de l’air croissante, de modifications de la distribution spatiale et temporelle des allergènes (pollens, moisissures, insectes), et autres événements affectant la santé respiratoire et contribuant à l’augmentation de la fréquence et de la sévérité des maladies allergiques et de l’asthme(1). Mieux appréhender ces phénomènes doit permettre de les prévenir plus efficacement.
L’exposome, c’est-à-dire la totalité des expositions environnementales auxquelles un sujet est exposé (exposome externe) et ses conséquences sur les organes et cellules (exposome interne), explique l’augmentation de fréquence et de sévérité des maladies respiratoires et allergiques. Parmi les facteurs environnementaux de l’exposome externe le plus étudié, les aéroallergènes intérieurs et extérieurs et les polluants jouent un rôle clé dans l’étiopathogénie de la réponse inflammatoire aux allergènes et les manifestations cliniques des allergies. Le changement climatique, l’urbanisation et la perte de la biodiversité affectent les sources, les émissions et la concentration des principaux aéroallergènes et polluants atmosphériques. Ce sont là de grands défis, actuels et futurs, pour la santé et la qualité de vie d’un nombre croissant de patients allergiques(2).
Le changement climatique peut avoir des effets directs sur les maladies allergiques (température, UV, pluie, pression atmosphérique), des effets indirects (pollution, pollen, moisissures, infections, etc.) ou des effets mixtes résultant de la conjonction des effets directs et indirects (par exemple l’asthme à l’orage).
DAVANTAGE DE POLLENS
La responsabilité des pollens et celle de la pollution sont au premier plan des mécanismes responsables de l’augmentation de la fréquence et la sévérité des maladies allergiques.
En réaction au changement climatique, les plantes se déplacent vers une région dont le climat leur convient mieux, s’adaptent au nouveau climat ou bien disparaissent. Il s’ensuit des modifications dans la présence, l’importance et la saisonnalité des pollens et des allergènes. Ainsi certains pollens jusqu’alors classés comme secondaires deviennent primaires. C’est le cas du chêne vert (Quercus ilex) qui d’ici 2100 s’étendra bien au-delà de la Méditerranée. En outre, le vent participe au déplacement des pollens : celui de bouleau va de l’Islande à la Sibérie.
De même les saisons polliniques deviennent de plus en plus longues et souvent anticipées ; les pollens sont plus nombreux (donc responsables de plus d’allergènes) et parfois inattendus. Une étude californienne montre que le nombre annuel de semaines d’alerte aux pollens a régulièrement augmenté entre 2002 et 2019 : plus 8 semaines pour les pollens d’arbres et plus 9 semaines pour les moisissures(3). Or la concentration en pollens de l’air est associée à une augmentation des symptômes de rhinite et d’asthme, du risque d’exacerbations et du recours aux soins(4).
UN AIR CHARGÉ EN CO2 ET PARTICULES FINES
L’effet du changement climatique sur la pollution de l’air, notamment dans les villes, commence à être bien étudié. L’élévation de la température, l’urbanisation ainsi que les sécheresses responsables d’un appauvrissement de la biodiversité, d’une augmentation des poussières et des incendies, sont associées à une élévation du taux d’ozone et de particules fines dans l’air que l’on respire. Or une exposition durable à cette pollution est responsable d’un remodelage des voies aériennes à l’origine du développement d’un asthme, d’un trouble obstructif pulmonaire chronique, ou de phénotypes asthme-like qui s’aggravent en présence d’air pollué. Ce rôle délétère de l’ozone et des particules fines est bien démontré chez l’enfant et reste à confirmer chez l’adulte(5).
Par ailleurs, la pollution, notamment le taux de CO2, est susceptible d’augmenter la quantité d’allergènes contenus dans le pollen ou relargués par ce dernier ; c’est le cas des allergènes d’Ambrosia(6). Le même phénomène est retrouvé avec les moisissures en particulier avec les allergènes d’Aspergillus fumigatus(7).
Enfin, la survenue de crises d’asthme après un orage, notamment chez les patients avec un asthme sévère, pourrait être expliquée de la façon suivante : l’orage concentre les grains de pollen au niveau du sol qui, après leur rupture sous l’effet du choc osmotique, relarguent ensuite des particules allergéniques dans l’atmosphère. Durant les 20-30 minutes après un orage, les patients souffrant d’allergie aux pollens peuvent inhaler une forte concentration d’allergènes dispersés dans l’air, à l’origine de réactions asthmatiques souvent sévères(8).
L’HYPOTHÈSE DE LA BIODIVERSITÉ
Les modifications profondes de la biodiversité consécutives aux changements climatiques et des modes de vie pourraient bien jouer un rôle dans l’augmentation des allergies, du fait de la perte des relations symbiotiques avec les bactéries. Les microbiomes au niveau de l’intestin, de la peau et du système respiratoire, sont altérés et ne jouent plus correctement leur rôle barrière. Certains taxons bactériens susceptibles de produire des facteurs de régulation immunitaire et de cicatrisation de la barrière, tels que les acides gras à chaîne courte, ne sont plus suffisamment représentés. Ainsi, les modifications de la composition du microbiote intestinal et cutané sont associées à diverses affections inflammatoires, telles que l’asthme, les maladies allergiques, les maladies inflammatoires de l’intestin, le diabète et l’obésité(9).
L’utilisation croissante de détergents dans les lessives et produits ménagers, ainsi que d’enzymes et d’émulsifiants dans l’industrie alimentaire sont responsables (avec les autres facteurs de pollution : fumée de cigarette, particules fines, gaz d’échappement, microplastiques) d’une inflammation des tissus et d’une dysbiose microbienne, qui jouent un rôle dans de nombreuses maladies chroniques non transmissibles(10).
Mieux comprendre les mécanismes en jeu dans l’augmentation des maladies allergiques du fait du changement climatique doit permettre non seulement de mettre en place des mesures préventives, mais aussi de prendre conscience de l’importance de modifier nos modes de vie pour freiner le réchauffement de la planète et l’extinction de la biodiversité.
Un réchauffement inédit
Entre 2000 et 2019, la Terre s’est réchauffée de 0,66 °C en moyenne par rapport à la période précédente (1961-1999). La tendance au réchauffement paraît s’accélérer : on a gagné 0,19 °C durant la décennie 2009-2019 comparée à la précédente. Les cinq dernières années sont les plus chaudes observées depuis 1850. Et avec 14,5 °C en moyenne, l’année 2022 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée en France. Ce fut également une année noire pour les incendies de forêt(11).
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