Publié le 07 juil 2023Lecture 3 min
L’enfant allergique aux urgences : prise en charge de l’anaphylaxie
Denise CARO, Boulogne-Billancourt
Relativement rare au sein des urgences pédiatriques, la prise en charge d’une anaphylaxie chez l’enfant allergique mérite d’être mieux appréhendée. C’est maintenant possible grâce aux enseignements apportés par trois cohortes françaises : les cohortes rétrospectives lorraine(1) et marseillaise(2) et la cohorte prospective Pas-de-Calais(3).
L’admission aux urgences d’un enfant allergique pour anaphylaxie est rare. Elle a été estimée à 106 sur 202 079 admissions dans la cohorte lorraine et à 204 sur 422 483 admissions dans la cohorte marseillaise(1,2) ; 152 cas ont été recensés dans le Pas-de- Calais(3). Cette proportion d’anaphylaxie aux urgences est deux fois plus élevée s’agissant des adultes(1). Parmi les enfants ayant recours aux urgences pour une réaction anaphylactique, 39 % sont atopiques, 21 % ont une dermatite atopique, 37 % une allergie alimentaire et 25 % des allergies alimentaires multiples. On distingue deux sous-groupes : un cluster anaphylaxie alimentaire sévère principalement arachide et fruits à coque (FAC) chez des enfants fortement atopiques (25 % du groupe) et un cluster anaphylaxie légère relevant de causes variées et avec peu de comorbidités atopiques (75 %)(4).
SIGNES CUTANÉS ET RESPIRATOIRES
Sur le plan clinique, les symptômes dominants sont des réactions cutanées (89,6 % dans la cohorte lorraine, 98,5 % dans la cohorte marseillaise et 87 % dans la cohorte Pas-de-Calais), viennent ensuite les signes respiratoires (respectivement 65,1 %, 75,5 % et 34 %), puis les signes gastro-intestinaux (44,3 %, 23 % et 26 %). Il y a 34 % de réactions cardiaques et pertes de connaissance en Lorraine, 11,3 % de problèmes cardiovasculaires et 10,3 % de troubles neurologiques à Marseille et 6 % de troubles cardiovasculaires dans le Pas-de-Calais(1,2,3).
La majorité des réactions anaphylactiques admises aux urgences pédiatriques sont de sévérité moyenne. Selon la classification de Ring et Messner (grades I à IV), il y a 34,9 % de grade II, 40,3 % de grade III, 20,8 % de grade I et pas de grade IV en Lorraine et 83,3 % de grades II et 16,7 % de grades III à Marseille. Dans le Pas-de-Calais, selon la classification Astier (grades I à V), il y a 48 % de grades III, 43 % de grades IV, 0 de grade V, 20 % de grade I, et 7 % de grade II(1,2,3).
D’une façon générale, l’admission en unité de soins intensifs (USI) pour anaphylaxie est rare, elle représente 0,12 % des enfants hospitalisés en USI avec un taux de survie de 98 %(5).
Concernant le taux de mortalité, il y a eu 43 cas de décès par anaphylaxie sur les 294 312 certificats de décès rapportés à l’unité CEPIDC de l’INSERM de 1979 à 2014, soit un taux de 0,077/million/an ; il n’y a pas de différence entre les tranches d’âge ; en revanche le taux diminue de 8 % par période de cinq ans depuis trente ans(6). On note 50 % de décès s’agissant des anaphylaxies de grade IV (13 décès sur 26 cas)(7).
L’ALIMENT, PRINCIPAL RESPONSABLE
Chez l’enfant, les aliments sont le principal responsable des réactions d’anaphylaxie arrivant aux urgences (72 %, dont 21 % arachide, 24 % FAC, 7 % œuf, 8 % lait de vache et 25 % autres) ; arrivent ensuite les médicaments (7 %), les venins (5 %) et les anaphylaxies idiopathiques (8 %) ; dans 20 % des cas, il y a un ou plusieurs cofacteurs (exercice, infection virale)(4). Le risque de récurrence est plus important chez les enfants atopiques (allergie alimentaire, asthme et dermatite atopique). Interrogé par questionnaire en moyenne deux ans après un premier épisode d’anaphylaxie, 1 enfant sur 5 de la cohorte Pas-de- Calais signale avoir eu une récurrence dans les 12 mois ; dans un cas sur deux avec le même aliment que la réaction initiale. Le fait d’avoir une polysensibilisation alimentaire multiplie par 5 le risque de récurrence, les polyallergies alimentaires par 3,3 et le fait avoir eu de l’adrénaline lors d’un premier accident le multiplie par 2,76(8).
LES POINTS À AMÉLIORER
L’analyse des différentes cohor tes met l’accent sur une utilisation insuffisante d’adrénaline : 10 % des enfants en reçoivent avant l’arrivée aux urgences et 31 % à l’hôpital(4). Il semble que la sous-utilisation de l’adrénaline en cas d’anaphylaxie chez l’enfant soit due à une sous-estimation de la sévérité potentielle de la réaction et/ou à une amélioration spontanée des premiers symptômes(9).
Les pistes d’amélioration proposées sont l’utilisation de stylos auto-injecteurs d’adrénaline (AAI) aux urgences et leur prescription à la sortie. Une meilleure formation des médecins semble utile. Enfin, un suivi allergologique après la sortie de l’hôpital hautement souhaitable n’est pas suffisamment mis en place. En effet, les enfants avec au moins une récurrence après hospitalisation en USI ont plus de chance d’avoir : un suivi allergologique (68,4 % vs 17,6 %), un PAI (69,2 % vs 21,4 %) et un stylo d’adrénaline (73,6 % vs 26,37 %)(10).
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