Le plantain, un allergène méconnu

Notes de l’introduction a. Jolie et modeste plante à longue floraison, https://www.promessedefleurs.com/vivaces/vivaces-de-a-a-z/ruine-de-rome-cymbalaria-muralis-p-5778.html (consulté le 9 décembre 2022). b. Plante du sud de l’Europe, poussant dans les zones rocheuses, souvent associée au chêne vert. Fleurs bleues groupées en capitules solitaires entourés de bractées pointues. c. Petite plante rampante dans les endroits sablonneux humides. Fleurs de couleur jaune pâle. Floraison de mai à octobre.https://fr.wikipedia.org/wiki/Kickxia(consulté le 9 décembre 2022.) d. Commune sur l’ensemble du territoire français. Fleurs jaunes. https://www.google.com/search (consulté le 9 décembre 2022). e. Plante très discrète à feuilles orbiculaires et à petites fleurs à 5 pétales de couleur blanche ou rose. https://www.florealpes.com/fiche_sibthorpiaeuropaea.php (consulté le 9 décembre 2022). f. Les véroniques sont un genre de plantes herbacées annuelles ou pérennes comptant plus de 200 espèces à travers le monde. La plante doit son nom à sainte Véronique, qui aurait recueilli un linge portant les traits du Christ et aurait, grâce à ce linge, guéri l’empereur Tibère de la lèpre. Il existe des véroniques arbustives. https://fr.wikipedia.org/wiki/Véronique_(plante) (consulté le 9 décembre 2022). g. Angelonia (Angelonia angustifolia) est un genre d’environ 30 espèces poussant du Mexique à l’Argentine, classé dans les Plantaginacées. Ce sont des plantes herbacées présentes principalement dans les habitats arides et semi-arides. https://en.wikipedia.org/wiki/Angelonia (consulté le 9 décembre 2022). h. Russelia equisetiformis, appelée plante corail, sous-arbrisseau pleureur de la famille des Plantaginacées, à feuillage persistant. Répartition naturelle du Mexique au Guatemala. Elle a été naturalisée dans plusieurs régions du monde à la suite de son utilisation ornementale. https://www.google.com/search?q=russelia (consulté le 9 décembre 2022). i. https://www.lxbio.fr/liste-des-allergenes/ (consulté le 10 décembre 2022).   BOTANIQUE ET POLLINISATION   La figure 1 montre diverses familles, Labiées, Verbénacées et Plantaginacées (plantains) selon les descriptions de L. Plantefol(1) : voir les images numérotées de 9 à 14. Il existe plusieurs centaines d’espèces de plantains, dont une vingtaine pousse en France, dans les champs, les terrains vagues, le long des chemins. Le plantain fleurit de mi-mai à mi-août (figure 2). Figure 1. Labiées, Verbénacées et Plantaginacées (Plantains). D’après Plantefol, voir les schémas de 9 à 14 : les trois plantains d’après L. Plantefo : Plantago major, Plantago media et Plantago lanceolata, d’après(1) (collection G. Dutau). Figure 2. Plantain lancéolé. Nombreuses plantes en phase de floraison (collection RNSA).   Le nombre de grains de pollens de plantain semble évoluer en augmentant dans certaines régions. À titre d’exemple, entre 1989 et 2021, le taux annuel de pollens de plantain a plus que doublé à Toulouse, passant de 300 à 1 200 m3/an (figure 3a), et il a même quadruplé à Lyon(2). Toujours à Toulouse, l’évolution du comptage journalier de ces pollens pendant les quatre dernières années montre que la pollinisation a lieu principalement de début de mai à fin septembre, avec un maximum de mi-juin à fin août. En 2018 (courbe bleue) la pollinisation a été la plus importante de mi-juin à fin août (figure 3b)(2). Des schémas semblables ont été observés dans d’autres villes de France avec un quadruplement à Strasbourg(2). Figure 3. Évolution des totaux annuels des pollens de plantain de 1989 à 2021 à Toulouse. On constate un doublement de la moyenne sur la période (collection RNSA).   ALLERGÈNES ET ALLERGÉNICITÉ   L’allergie au pollen de plantain, probablement sous-estimée, semble assez importante, mais elle varie selon les régions et l’importance de l’exposition pollinique. Au Portugal, parmi 628 patients atteints de pollinose, Couto et Miranda(3) ont observé que 229 (36,5 %) d’entre eux étaient sensibilisés au plantain. En France, le plantain est moins prévalent et donne surtout lieu à des pollinoses de proximité impliquant le pissenlit, le mimosa, et le mûrier à papier ou mûrier de Chine (Broussonetia papyrifera)(4). En 2004, en Allemagne, Gadermaier et coll.(5) ont observé des pourcentages de sensibilisations au pollen de plantain semblables à ceux rapportés au Portugal. Ils insistent sur les protéines responsables des réactions allergiques aux pollens des « mauvaises herbes » (Astétacées, Urticacées, Euphorbiaciées) dans lesquelles ils rangent aussi une quatrième famille, celles des plantains (Plantaginacées). Quatre grandes familles de protéines semblent être la cause majeure des réactions allergiques aux pollens des « mauvaises herbes » : les pectates lyases de l’ambroisie Amb a 1 ; les défensines de l’armoise (Art v 1), les allergènes de type Ole e1 et Pla l 1 du plantain. En Europe, dans l’étude GA2LEN III portant sur 3 034 patients parmi lesquels 1 996 (68,2 %) étaient sensibles à au moins un allergène, Bousquet et coll.(6) arrivent à la conclusion qu’il suffit de 8 à 13 allergènes pour identifier plus de 95 % des sujets sensibilisés (en particulier graminée, D. pteronyssinus, bouleau, chat, armoise, olivier, blattes, Alternaria). Le pollen de plantain ne fait pas partie de cette liste, ce qui explique que la grande majorité des sensibilisations/allergies au plantain ne sont pas identifiées. En 2014, Gadermeier et coll.(7) pensent que le plantain, originaire d’Europe et d’Asie, devenue une plante cosmopolite, fleurissant de mai à septembre, cause importante de rhinite, de conjonctivite et d’asthme allergiques en particulier dans les régions à climat tempéré. Ces symptômes sont à classer parmi les « pollinoses estivales ». Les allergènes du pollen sont des protéines de poids moléculaire (PM) divers, de 17, 19 et 40 kilo-daltons (kDa), qui ont été très étudiés(8-12). Il existe une réactivité croisée entre les pollens de plantain et de graminées(8). L’allergène majeur est Pla l 1 reconnu par 80 % des patients sensibilisés au plantain et présentant une homologie partielle avec Ole e 1(11,12).   DIAGNOSTIC   Il faut penser à une allergie au pollen de plantain devant des symptômes de « pollinose d’été » sous la forme de rhino-conjonctivite et d’asthme, surtout s’il existe de nombreux plants de plantain à proximité, ou si le patient exerce une profession exposée (jardiniers, techniciens en environnement extérieur). L’exploration allergologique est basée sur les PT et la détermination des IgEs pour lesquels il existe deux possibilités de dosages : isolé pour le plantain (w9) et combiné pour le mélange « Plantago lanceolata, Chenopodium album, Salsola kaki, Rumex acetosella » (Wx6)i.   TRAITEMENT   Le RNSA nous a permis de connaître la carte des prescriptions APSI (Allergènes préparés spécialement pour un seul Individu). La figure 4 montre que la répartition des immunothérapies allergéniques (ITA) est homogène dans l’ensemble du territoire français, ce qui, par voie de conséquence, témoigne de l’ubiquité du plantain sur l’ensemble du territoire français. La fréquence des ITA au plantain en pourcentage de l’ensemble des ITA va de 0 % (Paris, Strasbourg) à 1 % (Nantes, Lyon), 2 % (Clermont-Ferrand) et même 13 % (Toulouse). Globalement, seuls les sites de Toulouse, Clermont-Ferrand et Bordeaux ont des nombres significatifs de prescriptions d’ITA/APSI de plantain(2). Ces chiffres doivent être pondérés en raison des difficultés de diagnostic de cette allergie qui est très souvent méconnue. Figure 4. Répartition des immunothérapies au plantain en France (collection RNSA).   ALLERGIE AU PSYLLIUM   Le psyllium, mucilage laxatif extrait de la graine de plantain, peut donner lieu à des accidents allergiques individuels ou à des maladies professionnelles. Bernedo et coll.(13) ont étudié 58 soignants d’un service de gériatrie exposés quotidiennement aux laxatifs à base de plantain qu’ils ont comparé à 63 soignants non exposés. Dans le premier groupe, le pourcentage de sensibilisation au plantain était de 13,8 % et celui des allergies cliniques de 8,6 %, alors qu’ils étaient de zéro dans le second(13). Le sérum des sujets sensibilisés ou allergiques fixait plusieurs protéines du plantain (de PM 17, 20, 25, 32-34, 54, 73-7D et > 97 kDa). Il existe une réaction croisée entre les graines et le pollen de plantain(13). Viñas et coll.(14) ont décrit une allergie au Spagulax® (Plantago ovata seed) chez un laborantin de 36 ans qui développa une rhino-conjonctivite allergique après avoir manipulé des sachets de ce médicament. Le PT (Prick plus Prick) était positif au Spagulax® et les symptômes étaient IgE-médiés. Trois protéines de PM 15, 18 et 50 kDa furent impliquées dans les extraits de plantain(14). Suhonen et coll.(15) ont rapporté un cas de choc anaphylactique après l’ingestion d’un laxatif à base de psyllium. Un autre cas d’anaphylaxie IgE-médiée au psyllium a été rapporté par Collado-Chagoya et coll.(16) chez une infirmière âgée de 43 ans. Pendant la préparation de ce laxatif, elle développa une rhinoconjonctivite, une urticaire, un angio-œdème et un bronchospasme nécessitant l’administration d’adrénaline. L’analyse des cas rapportés sur PubMed montre au moins une dizaine d’autres anaphylaxies au psyllium dont un cas fut mortel(17).   L’auteur n’a pas de conflit d’intérêts.