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Asthme

Publié le 27 juin 2024Lecture 5 min

Asthme : la place des biomarqueurs bronchiques dans la prise en charge

Denise CARO, d’après la communication du Pr Charles Pilette (UC Louvain)

La mise en évidence de biomarqueurs capables d’aiguiller la susceptibilité à une pathologie, le diagnostic d’une maladie ou la réponse thérapeutique est un élément capital de la prise en charge des patients. Concernant l’asthme et les allergies, on dispose plusieurs biomarqueurs sériques et de la fraction expirée du NO (FeNO). La question est de savoir si des biomarqueurs locaux mesurés dans les expectorations ou les biopsies bronchiques apportent des renseignements complémentaires.

Le dosage des IgE totales dans le sang (valeur seuil 100 KU/l) est facile à réaliser, mais peu informatif. Celui des IgE spécifiques (0,35 KU/l) détermine la réactivité immédiate ; il a une bonne corrélation clinique ; toutefois sa valeur seuil est variable et c’est un marqueur peu prédictif. La mesure des éosinophiles sanguins (150-300/µl) est utile au phénotypage de l’asthme ; elle est facile à réaliser. C’est un bon indicateur pronostique et prédictif de la réponse à la cortisone et aux biothérapies anti-T2, mais il est variable dans le temps. La tryptase (8 µg/l) plasmatique donne des renseignements utiles en cas d’anaphylaxie et/ou de désordres du mastocyte. Elle est facile à mesurer et a une bonne valeur diagnostique ; son utilisation est limitée en raison de sa variabilité en fonction du moment du prélèvement. Elle n’a pas réellement d’intérêt au niveau bronchique. D’une façon générale, on se heurte à la variabilité de ces marqueurs (exceptés concernant les IgE sériques). Ainsi une minorité de patients avec un asthme sévère (6 %) ont des taux d’éosinophiles régulièrement au-dessus de 300 cellules/µL, 50 % ont des taux variables autour de ce seuil et chez 46 % des patients le taux d’éosinophiles reste inférieur à la valeur seuil(1). « Par conséquent il faut répéter les prélèvements pour caractériser les patients » a indiqué le Pr Charles Pilette UC Louvain. Toutefois, le taux d’éosinophiles dans le sang a une valeur pronostique (un taux élevé indique un risque important d’exacerbations) et prédictive de l’efficacité du traitement « théragnostique » (plus le traitement abaisse le taux, meilleure est la réduction des exacerbations). En revanche, le taux d’IgE totales n’a pas la même valeur prédictive(2).   L’INTÉRÊT CIBLÉ DES BIOMARQUEURS LOCAUX   Dès lors quel est l’intérêt de rechercher les biomarqueurs bronchiques dans les expectorations (ou une biopsie) ? L’un des freins à l’utilisation de ce type de marqueurs est la variabilité des polynucléaires dans les crachats, surtout concernant les neutrophiles. Il faut établir une valeur seuil en fonction de la population que l’on étudie. La neutrophilie normale dans les bronches varie entre 40 et 76 % (notamment en fonction de la pollution atmosphérique). Le taux normal d’éosinophiles est de 2 à 3 %(3). De plus, le taux d’éosinophiles de l’expectoration est prédit par celui des éosinophiles sanguins et la mesure du FeNO. Toutefois chez les 30 % de patients qui n’ont ni élévation du FeNO ni une hyperéosinophilie sanguine, il est intéressant de rechercher les éosinophiles dans les expectorations. Bon nombre de patients étiquetés non-T2 ont en fait une hyperéosinophilie dans les expectorations et parfois dans le tissu bronchique à la biopsie(4). Enfin, le FeNO a un double intérêt : c’est un marqueur de l’inflammation T2 et de l’adhérence aux corticostéroïdes inhalés (CSI). D’autres gaz ont été mesurés dans les expectorations comme des composés volatiles hexane et 2-hexanone pour les éosinophiles. Quand on combine les éosinophiles, le FeNO et ces composés volatils, on arrive à prédire de manière assez fidèle l’éosinophilie de l’expectoration. On peut faire de même pour les neutrophiles des crachats avec l’hexane, le nonanal et 1-propanol(5).   LE CONCEPT D’IGE SPÉCIFIQUES LOCALES   Qu’en est-il de l’intérêt des IgE locales ? Rappelons que ce sont les ophtalmologues qui ont introduit le concept de réactivité IgE locale, concept ensuite décliné au niveau des voies respiratoires. Les ORL privilégient le test de provocation spécifique pour diagnostiquer la rhinite allergique locale (entopie) sans avoir à démontrer la présence d’IgE spécifiques. Environ la moitié des patients avec une rhinite non allergique ont une réactivité clinique quand ils sont exposés aux acariens et un quart a des IgE spécifiques détectables dans les sécrétions nasales(6). De même, il est intéressant d’étudier la réactivité locale dans l’asthme intrinsèque. Dans une publication de 2011, des patients avec un asthme non allergique, non sensibilisés aux pneumo-allergènes courants notamment aux acariens, avec un prick-test négatif et pas d’IgE spécifiques dans le sang, présentaient des taux d’IgE locales spécifiques au même niveau que ceux avec un asthme allergique, sensibilisés aux acariens. Ces patients ont ensuite été exposés aux acariens et n’ont eu aucune réponse spécifique(7) . « Cela pose la question de la pertinence clinique de la présence d’IgE spécifiques, a dit le Pr Pilette. La détection des IgE spécifiques ne signifie pas que le patient est réactif et un patient réactif n’a pas forcément d’IgE spécifiques détectables. » Chez des patients allergiques aux acariens, la réactivité spécifique est très variable, déterminée par la réactivité non spécifique (histamine, métacholine), mais aussi par le niveau d’IgE spécifique. La réponse éosinophilique locale dans les bronches des patients avec un asthme allergique durant la phase tardive pourrait être un marqueur intéressant pour déterminer les patients bons candidats à un ITA spécifique(8).   LA POURSUITE DES RECHERCHES   Enfin concernant l’activation mastocytaire, peu d’études ont regardé quels en étaient les biomarqueurs dans l’expectoration. Une étude transcriptomique à partir de la cohorte U-Biopred a montré trois grands types de signatures associées à l’activation mastocytaire : l’activation du mastocyte par l’IL-33 associée à un asthme neutrophile sévère, l’activation par les IgE, associée à un phénotype éosinophile, et la signature IFN-g correspondant aux clusters 2 et 3 associés à une infection virale(9). D’autres biomarqueurs en sont au stade de recherche. La protéine CC16 est un biomarqueur d’exposition toxique ; elle augmente dans le sérum chez l’animal exposé à l’ozone ; secrétée dans les voies respiratoires, elle passe dans le sérum. Chez des enfants avec une rhinite allergique, il semble qu’un taux bas de protéines CC16 soit associé à un risque de développer un asthme ultérieurement. Ce serait un médiateur capable d’inhiber l’inflammation T2 et l’augmentation des éosinophiles(10,11). D’après la communication du Pr Charles Pilette (UC Louvain) CFA 2024

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