Publié le 22 oct 2024Lecture 6 min
Quelles pathologies évoquer devant une rhinite avec bilan allergologique négatif ?
François LAVAUD, Reims - D’après la communication de Geoffrey Mortuaire, CHU de Lille - CFA 2024
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Cadre sémiologique, les rhinites chroniques
Rhinites allergiques et rhinites non allergiques s’inscrivent dans le cadre des dysfonctionnements rhinosinusiens chroniques (DRSC) concernant des patients développant une symptomatologie fonctionnelle persistante sur au moins 12 semaines. Pour en déterminer l’étiologie, l’ORL va s’appuyer sur son interrogatoire, son examen clinique, la nasofifroscopie et l’imagerie. On va ainsi pouvoir définir des cadres simples à identifier comme les étiologies tumorales (tumeurs bénignes ou malignes) et les rhino-sinusites chroniques (10,9 %) au sein desquelles certaines formes sont localisées comme les sinusites infectieuses et d’autres sont diffuses. Parmi les rhino-sinusites chroniques diffuses certaines sont associées à des polypes, ce sont les polyposes nasosinusiennes, les maladies mucociliaires, les sinusites oedémato purulentes (SOP) primitives, et d’autres formes ne sont pas associées à des polypes, notamment dans les maladies systémiques et les déficits immunitaires. Mais on peut observer des maladies mucociliaires avec rhinosinusite chronique diffuse sans polypes. Dans ces DRSC un cadre particulier est représenté par les rhinites chroniques (30 % des DRSC).
Outils d’évaluation des symptômes
On utilise des échelles visuelles analogiques ou numériques. Sont apprécés le prurrit nasal, l’anosmie ou la dysosmie, les douleurs, l’obstruction, la rhinorrhée, les éternuements et les épistaxis. Le score est de zéro si le symptôme est absent, 1 s’il est recueilli à l’interrogatoire (ou modéré), 2 si c’est le motif de la consultation (ou sévère). L’échelle va donc de 0 à 14. On apprécie aussi si les symptômes sont uni ou bilatéraux. On précise la topographie des symptômes, s’ils sont intermittents ou permanents et s’il existe un facteur déclenchant.
Les questionnaires de qualité de vie sont utiles notamment dans les pathologies liées à l’asthme.
Diagnostics à envisager devant un tableau de rhinite chronique d’allure allergique
Le tableau clinique est celui d’une rhinite prédominant sur le compartiment central. À l’examen nasofibroscopique on observe parfois un aspect pseudo polypoïde des structures turbinales ce qui est un diagnostic différentiel avec la polypose nasale. Après rétraction muqueuse sous vasoconstricteur, il s’agit non pas de polypes mais d’une hypertrophie des structures turbinales qui s’observe parfois dans les rhinites allergiques aux acariens.
Devant un tableau évocateur de rhinite allergique à bilan allergologique négatif on peut alors évoquer une forme particulière la rhinite chronique allegique locale ou entopie. Ce serait une forme particulière de rhinite allergique où on aurait uniquement au niveau muqueux une production d’anticorps contre les allergènes sans traduction sur le plan biologique de l’atteinte allergique. Les tests cutanés restent négatifs Cette forme représenterait un nombre assez important de patients chez lesquels il n’y a pas d’orientation étiologique (10 à 45 % des rhinites chroniques non allergiques). Elles sont fréquemment associées à de la conjonctivite et de l’asthme. À l’heure actuelle les moyens diagnostiques sont assez limités et reposent sur des tests de provocation nasale
En cas d’aggravation des symptômes dans certaines circonstances, comme la consomation de boissons alcoollisées, notamment de vin blanc et d’anosmie complète, associées à des symptômes respiratoires dyspnéiques, on pourrait évoquer la rhinite chronique non allergique à éosinophiles ou NARES. L’imagerie objective outre une atteinte inflammatoire muqueuse au niveau des fosses nasales un retentissement sinusien. L’atteinte inflammatoire muqueuse s’étend au-delà du nez respiratoire pour atteindre les cavités sinusiennes ethmoidales.. C’est une ethmoidite oedemateuse qui répond au même mécanisme physiopathologique que la polypose nasale avec mise en jeu des éosinophiles, des alarmines et des interleukines 4, 5 et 13 avec inflammation à éosinophiles qui serait le précurseur de la polypose nasale. Signe d’alerte à rechercher, l’anosmie. Le diagnostic se fait par dosage des éosinophiles dans les secrétions nasales (> 20 %). Pour certains, le NARES serait une autre forme de rhinite allergique locale.
Hyperréactivité de la muqueuse nasale aux conditions extérieures
Devant des éternuements en salve en fonction des conditions environnementales, avec bilan allergologique négatif et de recherche de Nares négative on peut suspecter une rhinite par hyperréactivirté de la muqueuses nasale.
Rhinites chroniques non allergiques non éosinophiliques
Elles représentent 50 % des causes de rhinites chroniques non allergiques.
On y distingue les étiologies intrinsèques, rhinite sénile à prédominance rhinorrhéique et rhinite hormonale lors de la grossesse avec augmentation tissulaire des éosinopuiles et des récapteurs à l’histamine sous l’action des estrogènes.
Les formes extrinsèques sont liées à ds expositions à des agents extérieurs, on y trouve des rhinites professionnelles avec exposition à des molécules de faible poids moléculaire qui créent un état inflammatoire chronique de la muqueuse nasale. Elles peuvent être le vecteur associé d’une véritable rhinite allergique. Dans ce cadre on trouve aussi des rhinites gustatives, des rhinites médicamenteuses par vasodilatation des muqueuses ou intolérance aux AINS. A part reste le cadre des rhinites idiopathiques.
Ces rhinites obéissent à des mécanismes divers avec inflammation neurogène et déséquilibre du système nerveux autonome, s’intégrant dans le mécanisme de l’hyperréactivité nasale. La rhinite sénile et la rhinite médicamenteuse entrent dans le cadre du déséquilibre du système nerveux autonome avec hyperréactivité parasympathique. La conséquence est une hypersecrétion muqueuse et une vasodilatation avec œdème muqueux. Au niveau clinique ceci aboutit à des symptômes de rhinorrhée et d’obstruction nasale. L’inflammation neurogène se rencontre dans les rhinites gustatives, les rhinites professionnelles et les rhinites idiopathiques. Il y a mise en jeu du système nerveux non adrénergique non cholinergique (NANC) intraépithélial et périvasculaire par le biais de récepteurs intraépithéliaux TRPM8, TRPA1 et TRPV1. Ces récepteurs sont sensibles à certains stimuli dont les variations de température, l’huile de moutarde et la capséicine du piment rouge. Si ces récepteurs sont stimulés il y a un courant nerveux afférent passant par les centres de contrôle centraux et aboutissant à un influx efferent via le système sympathique et le système parasympathique. Mais il peut y avoir une stimulation directe des structures périphériques par le jeu du système NANC avec d’emblée création d’une vasodilatation et un œdème muqueux avec hypersécrétion et processus inflammatoirre. Des études sur ces processus physiopathologiques portent sur l’exposition des muqueuses nasales à de l’huile de moutarde à différentes concentrations. Chez un sujet normal la réponse de la muqueuse nasale mesurée en potentiels d’action est faible. Sur un tableau connu d’hyperréactivité nasale un très fort potentiel d’action apparait à de faibles concentrations d’huile de moutarde traduisant la mise en je de ce système NANC. De façon générale les patients victimes de rhinite idiopathique ont une réponse plus importante pour de faibles concentrations d’huile de moutarde. De là découlent des perspectives thérapeutiques avec la capsaïcine en application locale sous forme de spray ou de gouttes qui peut induire une désafférentation des récepteurs périphériques du système NANC et permettre par stimulations répétées de diminuer la réponse muqueuse à l’inflammation liée à ce système nerveux autonome et de ce fait l’hyperréactivité nasale.
Rhinites chroniques associées
En pratique, les choses ne sont pas aussi simples et il y a intrication des différents processus les uns avec les autres. On sait par exemple qu’on peut avoir un effet de la bradykinine et de l’histamine sur les récepteurs TPRV 1 avec effet de l’azelastine sur ce récepteur et amélioration de la symptomatologie d’hyperréactivité nasale. On sait aussi que certains rhinovirus peuvent induire l’expression de ces récepteurs avec en cas de rhume apparition d’une symptomatologie d’hyperréactivité nasale avec éternuements et congestion nasale.
Globalement, l’hyperréactivité nasale peut être présente à tous les niveaux,60 % dans la rhinite allergique, 80 % dans la rhinite infectieuse, 65 à 70 % dans la rhinite allergique locale, 60 % dans la rhinite médicamenteuse, 70 % dans la rhinite sénile, 70 % dans la rhinite professionnelle et 90 à 95 % dans la rhinite gustative.
En synthèse
Dans le cadre des rhinites chroniques on retrouve celles qui sont classiquement allergiques, celles qui sont non allergiques à éosinophiles (NARES) qui se caractéisent par de l’anosmie avec un lien possible avec la polypose nasosinusienne et les rhinites non allergiques non éosinophiliques. Dans les rhinites allergiques on individualise les rhinites chroniques par allergie locale et dans les rhinites non allergiques non éosinophiliques les rhinites intrinsèques et les rhinites extrinsèques.
Enfin on peut aller encore plus loin dans la caractérisation tissulaire de la rhinite et on a individualisé des formes de rhinites chroniques non allergiques non éosinophiliques liées aux mastocytes.
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