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Allergologie

Publié le 19 mai 2013Lecture 7 min

Les blattes : des allergènes souvent méconnus

H. CHABANE, Saint-Denis
Les blattes, parasites domestiques cosmopolites, dégagent des allergènes puissants responsables de rhinite et d’asthme sévères. La prévalence de l’allergie aux blattes est en augmentation, probablement liée au développement de l’habitat collectif vertical, l’insuffisance des moyens de désinsectisation et des conditions socio-économiques défavorables. Le traitement consiste en une éradication qui repose sur les mesures d’hygiène et l’utilisation régulière d’insecticides naturels ou chimiques. Ces derniers doivent être utilisés avec prudence en raison de leur toxicité et de leur pouvoir irritant, en particulier chez l’asthmatique. 
L’allergie aux blattes a tardé à être reconnue, comparée à l’allergie à d’autres insectes comme les hyménoptères connue depuis l’Antiquité. Elle a longtemps été confondue avec l’allergie à la poussière de maison : les allergènes de blattes peuvant être un constituant majeur de la poussière de maison. La question a été soulevée par la publication de l’équipe de A.R. Feinberg en 1956, mais c’est en 1964, seulement, que leur rôle dans l’allergie respiratoire est confirmé par H.S. Bernton et coll.(1) qui avait rapporté les cas de deux techniciens travaillant sur les blattes qui avaient développé une rhinite et de l’asthme. De nombreux travaux ont montré que les blattes sont responsables d’asthme sévère aux États-Unis(2). Plusieurs auteurs ont souligné l’importance de cette allergie qui mérite d’être recherchée systématiquement, en particulier devant tout patient souffrant d’asthme et/ou de rhinite sévères et résident dans un habitat collectif.   Aspects épidémiologiques La prévalence de la sensibilisation aux blattes parmi les patients souffrant d’asthme et/ou de rhinite allergique varie de 3 à 25 % en Europe et de 19% à 80 % aux États-Unis(2-5). En Extrême-Orient, elle varie de 18 % à 77 %. La prévalence est plus élevée dans les villes urbanisées, à forte population vivant dans un habitat collectif de type vertical et ne bénéficiant pas d’un entretien régulier de désinsectisation. Les sujets asthmatiques allergiques aux blattes ont un asthme plus sévère caractérisé par un nombre plus important de visites aux urgences et d’hospitalisations(3). L’asthme est perannuel, avec une augmentation hivernale liée au confinement de l’atmosphère durant cette période(4). L’asthme est souvent associé à une rhinite allergique(4).   Écologie des blattes   Les blattes sont des insectes très anciens apparus au Carbonifère et leur aspect a peu changé depuis 320 millions d’années. Elles ont résisté à toutes les catastrophes naturelles et font partie des rares espèces qui survivraient à une catastrophe nucléaire. Il existe plus de 3 500 espèces, surtout tropicales(3). Une cinquantaine d’espèces sont des parasites de l’habitat de l’homme, en particulier trois espèces africaines : la blatte américaine ou Periplaneta americana, la blatte orientale ou Blatta orientalis et la blatte germanique ou Blatella germanica. De petite taille, cette dernière est cosmopolite(3,4). Elle se multiplie très rapidement, ce qui accroît le risque de sensibilisation. Un couple peut donner naissance à environ 10 000 descendants en une année(3). En France, on trouve la blatte germanique partout. La blatte américaine, cosmopolite, de taille plus grande, peut voler. Elle aime la chaleur et l’humidité et se voit beaucoup dans le sud de la France et aux Antilles (ravets). La blatte orientale de taille intermédiaire ne vole pas. Les trois espèces trouvent leur biotope dans les habitations collectives où la chaleur, l’humidité et la disponibilité de la nourriture sont les conditions nécessaires à leur vie et leur multiplication rapide. Les blattes vivent en groupe et ont une activité nocturne. Le jour, elles se cachent dans les fentes, canalisations et appareils électroménagers. Elles sont omnivores. C’est dans la cuisine, où elles trouvent leur nourriture, que la concentration d’allergène majeur est la plus élevée(6). Enfin, le fait d’habiter un immeuble de plus de 3 étages constitue un facteur de risque d’allergie aux blattes(5). Ce risque est plus élevé lorsque les conditions socio-économiques sont défavorables(2,7). Les blattes parasitent aussi les commerces (restaurants, boulangeries, entrepôts, etc.).   Comment diagnostiquer l’allergie aux blattes ?   Le diagnostic repose sur les tests cutanés avec un extrait de corps total de blattes. L’extrait de blatte germanique est suffisant pour réaliser le prick-test, quel que soit le type de blatte présent chez le patient. Les résultats des tests cutanés peuvent être confirmés par le dosage des IgE spécifiques anti-blattes(2,3). Il ne faut pas omettre de préciser sur l’ordonnance l’espèce germanique ou américaine, car, à défaut de précision, le laboratoire risque d’effectuer les 2 voire 3 dosages disponibles, ce qui n’a aucun intérêt pour le clinicien, compte tenu des réactions croisées entre les trois espèces. L’extrait de blatte germanique devrait faire partie de la batterie standard. L’imunoCAP®Phadiatop, test qui recherche des IgE spécifiques d’un mélange de pneumallergènes, ne contient pas de blatte. Un résultat négatif n’exclut donc pas une allergie aux blattes chez un patient monosensibilisé à cet insecte. Outre la possibilité d’une sensibilisation simultanée aux blattes et aux acariens domestiques, il existe des réactions croisées entre ces deux sources d’allergènes. L’allergène commun responsable est une tropomyosine (Der p 10/Der f 10 des acariens), également impliquée dans les réactions croisées avec la crevette (rPen a 1)(8). Plusieurs allergènes de blattes ont été identifiés(2,4) (tableau 1). Aucun dosage d’allergènes recombinant de blatte n’est disponible en routine(6). Tableau 1. Les allergènes de blattes.   Comment lutter efficacement contre les blattes ? Un dépistage précoce de la sensibilisation aux blattes est nécessaire pour identifier les patients allergiques de façon à mettre en oeuvre rapidement des mesures d’éradication. Seules les mesures collectives de désinsectisation sont susceptibles d’être efficaces(3,4). Il est recommandé de faire appel à une entreprise spécialisée de désinsectisation pour traiter tout l’immeuble. En France, ces entreprises doivent être agréées (loi du 17 juin 1992). L’éradication des blattes repose sur les mesures d’hygiène et les traitements chimiques. Les insecticides disponibles sur le marché ont une efficacité variable selon le niveau d’infestation des locaux et le degré de rémanence du produit. • L’utilisation de désinsectisants chimiques (hydraméthylon 2 %, fipronil 0,05 %, carbamates, acide borique), biologique naturel (pyrèthre en bombe fumigène ou en spray) ou des pyréthrinoïdes de synthèse (perméthrine, suméthrine, bifenthrine, etc.) sont les méthodes les plus efficaces (tableau 2). L’emploi d’appâts empoisonnés à l’hydraméthylon est utile en cas d’infestation faible et pour le traitement d’entretien. Les insecticides à action foudroyante sont asphyxiants par blocage de la respiration mitochondriale ou neurotoxiques en bloquant les récepteurs GABA ou la cholinestérase. D’autres insecticides ont une action toxique plus lente, de type ovicide et larvicide(4). Les répulsifs sont peu efficaces et non recommandés comme méthode d’éradication.   Tableau 2. Agents de lutte contre les blattes.   • Ces traitements seront complétés par des mesures simples de privation de la nourriture par le nettoyage quotidien de la cuisine et l’aspiration les miettes. La vaisselle doit être faite tous les soirs. Il faut vider la poubelle tous les jours et ne pas laisser de nourriture accessible dans les placards. Les cadavres de blattes doivent être éliminés régulièrement. Il faut aussi reboucher toutes les fissures et poser des bandes d’étanchéité autour des portes et fenêtres pour empêcher l’entrée des blattes. Il est recommandé de ne pas acheter d’appareils électroménagers d’occasion. L’immunothérapie spécifique par voie injectable et par voie sublinguale existe, mais il n’y a pas suffisamment de preuve d’efficacité (2). En pratique Chez tout patient résidant dans un habitat collectif et souffrant d’asthme et/ou de rhinite persistante, ne pas oublier :  de demander s’il y a des blattes dans l’immeuble, car le plus souvent le patient répond non à la question « Avez-vous des blattes dans votre domicile ? » ;  d’effectuer un prick-test à l’extrait de blatte germanique chez tout patient habitant dans un immeuble collectif ;  de se méfier des réactions croisées entre les acariens et les blattes. En cas de doute, demander un dosage d’IgE spécifiques anti-rDer p 10 (tropomyosine d’acarien) complété par des anti-rDer p 1 et anti-rDer p 2 pour vérifier s’il y a une sensibilisation réelle aux acariens.

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