Publié le 05 jan 2015Lecture 9 min
L’atteinte des voies aériennes dans la BPCO
P. A. GRENIER, université Pierre et Marie Curie, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
Chez les patients atteints de BPCO, l’usage de la tomodensitométrie (TDM) permet d’identifier les différents phénotypes morphologiques qui peuvent aider le clinicien pour une meilleure prise en charge thérapeutique. Les signes TDM des lésions bronchiolaires sont des micronodules centronodulaires et au stade de bronchiolite obstructive, une hypodensité par hypoperfusion parenchymateuse sans distorsion de l’architecture pulmonaire persistante en expiration (piégeage expiratoire) avec redistribution vasculaire relative vers les zones non atteintes (perfusion en mosaïque). L’épaississement pariétal bronchique est un marqueur de sévérité clinique de la maladie, au même titre que les bronchectasies cylindriques, les diverticules bronchiques et le pourcentage d’emphysème. Grâce à des logiciels spécifiques d’analyse d’images, une évaluation quantitative de l’emphysème, du piégeage expiratoire et du remodelage bronchique peut venir compléter l’analyse visuelle des images natives.
La BPCO est une maladie des voies aériennes lentement progressive, caractérisée par une réponse inflammatoire chronique induite par l’inhalation de fumée de cigarette. Cette inflammation engendre à terme une destruction du parenchyme pulmonaire (emphysème) et une réduction irréversible de la lumière des petites voies aériennes (bronchiolite obstructive). Les deux phénomènes sont responsables d’une limitation du flux aérien se traduisant par un syndrome obstructif fonctionnel. Il a été démontré que les lésions bronchiolaires (sténose, obstruction) précédaient l’apparition microscopique de la destruction emphysémateuse(1). Ceci explique pourquoi les patients ayant un même degré de sévérité d’obstruction fonctionnelle peuvent présenter des différences importantes dans l’apparence morphologique au scanner. Certains patients peuvent avoir une destruction emphysémateuse étendue, tandis que d’autres ayant le même degré de réduction des débits expiratoires n’ont que peu ou pas d’emphysème suggérant une atteinte obstructive des petites voies aériennes prédominante. La TDM permet d’identifier des anomalies phénotypiques sur le parenchyme pulmonaire et les voies aériennes pour une meilleure stratification des patients dans les essais cliniques et audelà une meilleure prise en charge personnalisée(2). Les avancées technologiques apportées par les nouvelles générations de scanner ont transformé l’imagerie morphologique des voies aériennes. Il est possible d’acquérir lors d’une courte apnée l’ensemble du thorax permettant l’obtention de données volumiques de haute résolution, dont on peut extraire des reconstructions bidimensionnelles multiplanaires d’excellente qualité. Des logiciels spécifiques d’analyse d’images permettent une évaluation quantitative de l’emphysème, du piégeage expiratoire et du remodelage bronchique(3). L'atteinte des petites voies aériennes Au début de la maladie et avant même la constitution d’une BPCO, les lésions bronchiolaires sont purement inflammatoires et potentiellement réversibles (bronchiolite respiratoire du fumeur) (figure 1). Elles s’expriment par des micronodules centrolobulaires de faible densité prédominant dans les lobes supérieurs, plus ou moins associés à des plages en verre dépoli. Lorsque les lésions emphysémateuses sont étendues dans les lobes supérieurs, cette inflammation bronchiolaire est surtout observée dans les bases pulmonaires sous forme de verre dépoli, au sein duquel des petites images kystiques sont présentes reflétant des zones emphysémateuses. Parfois, ces images en verre dépoli sont remplacées par des réticulations intralobulaires, voire des bronchiolectasies et bronchectasies par traction. Ces anomalies interstitielles, avec ou sans fibrose, ont été rapportées dans 8 % d’une cohorte de patients fumeurs avec ou sans BPCO(4). Au stade de bronchiolite obstructive (fibrose péri-bronchiolaire), les sténoses bronchiolaires ne sont pas directement visibles sur les images scanographiques, mais peuvent induire des signes scanographiques indirects liés à l’hypoventilation et au piégeage expiratoire. Les zones atteintes apparaissent relativement hypodenses du fait de l’hypoperfusion qui exprime la vasoconstriction réflexe dans les zones hypoventilées (figure 2). Un aspect de perfusion en mosaïque peut être présent du fait du contraste entre les zones hypodenses et les zones normales (redistribution vasculaire vers les zones normalement ventilées). Le piégeage se reconnaît sur l’absence de réhaussement de densité en expiration dans les zones atteintes. L’hypodensité par hypoperfusion d’origine bronchiolaire doit être différenciée de l’emphysème panlobulaire sur l’absence de distorsion de l’architecture pulmonaire et l’absence de lignes septales ou d’opacités linéaires en bandes, souvent présentes dans les pyramides basales en cas d’emphysème. La densitométrie pulmonaire peut être utilisée pour une analyse quantitative du piégeage expiratoire(5). Dans les formes les plus précoces de la maladie, la meilleure méthode pour mettre en évidence une obstruction sur les petites voies aériennes est de mesurer la valeur du rapport entre la densité moyenne du poumon en expiration et celle mesurée en inspiration(6). En cas d’emphysème, celui-ci peut être exclu du volume d’analyse par un premier seuillage à 950 UH, puisqu’il est lui-même responsable d’une hypodensité. L’application d’un deuxième seuillage à 860 UH permet de segmenter les zones pulmonaires, dont la densité est comprise entre les deux valeurs de seuil et qui reflètent le piégeage expiratoire par obstruction bronchiolaire au sein d’un poumon non emphysémateux. On peut ainsi classer les zones parenchymateuses pulmonaires en trois catégories : le parenchyme emphysémateux, le parenchyme non emphysémateux mais contenant des lésions de bronchiolite obstructive, et les zones normales(7). Le manque de changement de volume pulmonaire segmenté entre des valeurs de 950 UH et 860 UH entre l’inspiration et l’expiration, a pu être corrélé à l’importance du syndrome obstructif fonctionnel(7). Certains auteurs ont pu développer des algorithmes d’analyse d’images basés sur des recalages non rigides permettant de superposer voxel à voxel les acquisitions en inspiration avec celles en expiration(8). La répétition au cours du temps de telles analyses semble permettre d’évaluer la stabilité, l’aggravation des lésions, voire la réversibilité de certaines obstructions fonctionnelles(8). Atteinte des voies aériennes proximales Le remodelage de la trachée et des bronches se caractérise histologiquement par une inflammation pariétale, une métaplasie épidermoïde de l’épithélium bronchique, une discrète augmentation de la membrane basale et des muscles lisses, une hyperplasie marquée des glandes bronchiques sous-muqueuses et un déficit en cartilage. L’épaississement pariétal bronchique est reconnaissable sur les coupes TDM (figure 3). Il est relativement fréquent chez les sujets fumeurs avant même le développement d’une BPCO, mais au stade de syndrome obstructif fonctionnel, celui-ci est encore plus fréquent et plus marqué(9). Il a pu être corrélé à l’étendue des lésions histologiques de remodelage des petites voies aériennes, ce qui lui donne un rôle de marqueur indirect de la présence de bronchiolite obstructive(10). L’évaluation visuelle de ce signe souffre toutefois d’une certaine variabilité interobservateurs justifiant le développement de logiciels d’analyse d’images, permettant des mesures quantitatives des parois bronchiques(11). Ces algorithmes permettent successivement une segmentation automatique de l’air intratrachéal et intrabronchique, puis une extraction de l’axe central de cet arbre trachéobronchique segmenté, puis la reformation des sections bronchiques générées de façon strictement perpendiculaire à l’axe central, suivie d’une segmentation automatique des contours interne et externe des sections pariétales bronchiques (figure 4). Les mesures de surface luminale et pariétale bronchique peuvent être obtenues sur des bronches segmentaires, sous-segmentaires et sous-sous-segmentaires(12). L’épaississement pariétal bronchique est un marqueur de sévérité clinique de la maladie, corrélé à la fréquence des poussées d’exacerbation de la maladie, au même titre que le pourcentage d’emphysème(13). En cas d’emphysème confluent et étendu, le nombre de bronches distales et sous-segmentaires est diminué du fait de la destruction des voies aériennes(14). Les bronches proximales résiduelles ont des parois et des lumières volontiers irrégulières avec alternance de sténoses et de dilatations(15) (figure 5). La prévalence des bronchectasies est relativement élevée chez les patients atteints de BPCO modérée ou sévère ; elles sont souvent liées aux poussées d’exacerbation de la maladie et à une colonisation bactérienne de l’arbre bronchique(16) (figure 6). Une bronchomalacie est volontiers présente sur les bronches segmentaires et sous-segmentaires des pyramides basales du fait d’un déficit en cartilage. Celui-ci est identifié par un collapsus exagéré, voire complet, des lumières bronchiques sur des acquisitions faites en expiration forcée(17). La trachéomalacie est beaucoup plus rare, survenant surtout chez les patients qui ont un emphysème sévère. Elle est reconnue sur une réduction de plus de 70 % de la surface de section de la lumière trachéale sur des acquisitions en expiration dynamique(18). Les diverticules bronchiques, exprimant la fusion de multiples dilatations et dépressions des canaux glandulaires bronchiques, peuvent être vus sous forme de petites clartés dans la paroi des bronches souches, lobaires et segmentaires(15) (figure 7). Ce signe est plus fréquent chez les gros fumeurs et particulièrement chez ceux souffrant d’une bronchite chronique. Il est aussi plus fréquent en cas d’insuffisance respiratoire obstructive sévère et quand l’emphysème pulmonaire est étendu(19). Enfin, la trachée en fourreau de sabre est une déformation relativement fixe de la portion intrathoracique de la trachée, caractérisée par une réduction du diamètre coronal avec augmentation du diamètre sagittal. Cette déformation est la conséquence de l’amplitude des contraintes mécaniques intrathoraciques survenant chez les patients ayant une insuffisance respiratoire obstructive. En pratique, le scanner multicoupes permet aujourd’hui l’appréciation morphologique de l’atteinte des voies aériennes et du parenchyme pulmonaire chez les patients atteints de BPCO. Cet examen permet un meilleur phénotypage des patients, en différenciant ceux dont l’atteinte prédominante est l’emphysème de ceux dont l’atteinte prédominante reste localisée sur les petites voies aériennes. Quelle que soit la prédominance de l’atteinte, la présence de modifications morphologiques de l’arbre trachéobron chique est l’expression de la sévérité clinique de la maladie.
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