Publié le 09 mai 2022Lecture 4 min
Cancer et thrombose : trois messages clés dans la conduite à tenir
Caroline GUIGNOT, D’après la session « Maladies vasculaires » CPLF 2022
La survenue d’une thrombose chez les patients atteints de cancer relève d’une procédure de prise en charge qui a récemment évolué, à la lumière de nouvelles données. Focus sur trois points des recommandations françaises parues en 2021.
Les patients atteints d’un cancer actif (ceux sous traitement curatif, palliatif ou en récidive) ont un risque significatif d’événement thrombo-embolique veineux (ETEV). En 2021, le groupe de travail Recommandations de bonne pratique pour la prise en charge de la MTEV a actualisé ses recommandations(1) sur la prise en charge du risque de récidive.
Quelle molécule choisir ?
Historiquement, les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ont montré leur supériorité sur les anti-vitamine K (AVK) avec une réduction relative du risque de récidive de 40 %, mais sans diminution du risque d’hémorragies majeures. De même, les anticoagulants oraux d’action directe (AOD) ont montré qu’ils étaient plus efficaces que les AVK. Cinq études principales ont étudié l’intérêt de l’apixaban (ADAM-VTE(2), CARAVAGGIO(3)), l’édoxaban (HOKUSAI-Cancer(4)) ou le rivaroxaban (SELECT-D(5), CASTA DIVA(6)) sur les HBPM (daltéparine essentiellement), au sein desquelles figuraient des sous-groupes de patients atteints de cancer. La métaanalyse de ces données confirment que les anticoagulants oraux directs (AOD) sont plus efficaces que la daltéparine sur le risque de récidives thrombo-emboliques, avec toutefois une taille d’effet modeste. Parallèlement, il existe une tendance non significative de saignement associé, hormis les hémorragies cliniquement significatives (c’est-à-dire nécessitant une prise en charge : risque relatif 1,48 [1,18-1,45]).
Aussi, les recommandations françaises préconisent de choisir en première ligne une HBPM sans relais par AVK ou l’apixaban, et l’édoxaban ou le rivaroxaban en alternative hors cancer digestif ou uro-génital. Les données observationnelles montrent que le risque de récidive est maximal au cours du premier mois suivant l’événement index mais le traitement doit être mené a minima durant 6 mois.
Par ailleurs, les embolies asymptomatiques de découverte fortuite, qui ne sont pas rares chez les patients cancéreux, relèvent des mêmes recommandations, quelle que soit leur localisation (distale ou proximale) car leur potentiel récidivant est le même.
Faut-il poursuivre le traitement au-delà de 6 mois ?
Il existe peu d’études cliniques randomisées qui se sont penchées sur le bénéfice d’une prolongation du traitement anticoagulant au-delà de 6 mois. Cependant, il semble que le risque thrombo-embolique et le risque hémorragique persistent après 6 mois tant que le cancer reste actif : selon des données observationnelles(7), les récidives thrombo-emboliques sont de 3,2 pour 1 000 patients-années lorsque l’anticoagulant est arrêté pour guérison du cancer, alors qu’elles sont de 19 pour 1 000 patients-années lorsque l’arrêt est motivé par d’autres raisons Il existerait aussi des différences significatives selon le site du cancer et son contexte évolutif(8) : le taux de récidives serait similaire au taux d’hémorragies majeures chez les patients atteints de cancer du sein ou de cancer colorectal alors qu’il serait inférieur chez ceux ayant un cancer de la prostate, et supérieur en cas d’atteinte du poumon.
Parce qu’entre 6 et 12 mois, le risque de récidive ou de complication hémorragique dépend de la nature et de l’évolutivité du cancer, les recommandations françaises suggèrent de poursuivre le traitement anticoagulant au-delà de 6 mois, et ce tant que le cancer est actif ou nécessite un traitement, y compris hormonal. Aucun essai n’offre un niveau de preuve suffisant pour déterminer quelle molécule choisir : un traitement par HBPM peut être poursuivi s’il est bien toléré. A contrario, un AOD peut lui être préféré. Les AVK restent réservés aux insuffisants rénaux sévères. Une étude APICAT est aujourd’hui menée chez des patients à 6 mois de l’ETEV afin d’évaluer si une demi-dose d’apixaban permettrait de réduire le risque de récidive et celui de saignement associé au traitement, comparativement à la dose standard.
Quelle attitude en cas de récidive sous anticoagulant ?
En premier lieu, il est préconisé de s’assurer que la récidive est bien objectivée (comparaison aux anciens clichés) et d’évaluer le traitement anticoagulant en cours (molécule, posologie, observance). Une récidive sous HBPM justifie d’augmenter la posologie : dose curative si celle qui était prescrite était inférieure, +25 % si la dose curative était déjà prescrite. En cas de récidive sous AOD, un switch vers une HBPM à dose curative est préconisé. Enfin, une récidive sous AVK doit conduire à un switch vers une HBPM à dose curative ou, à défaut, un AOD.
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