Publié le 04 juil 2022Lecture 5 min
Asthme : les inégalités homme/femme
Denise CARO, Boulogne-Billancourt
Le risque de développer un asthme ou d’avoir un asthme plus sévère est-il lié au sexe, comme le suggèrent les données épidémiologiques ? Dès lors, quels en seraient les mécanismes et quelles conséquences pourrait-on en déduire pour la pratique clinique ?
En 2019, il y avait près de 440 millions d’asthmatiques dans le monde(1). En France l’asthme touche 6 à 8 % de la population.
D’une façon générale, les filles ont des réponses immunitaires plus importantes que les garçons ; elles font moins d’infections et moins de cancers, mais davantage de maladies auto-immunes et allergiques(2). Et en effet, on observe des différences de fréquence et de sévérité de l’asthme entre les sexes, avec une inversion des tendances au moment de l’adolescence.
Dans l’enfance, le ratio filles/garçons est inférieur à un ; à partir de l’adolescence, les femmes sont plus touchées que les hommes ; chez les personnes âgées, les différences disparaissent(3). De même, il y a davantage d’hospitalisations pour asthme chez le petit garçon que chez la fillette, puis la tendance s’inverse avec plus d’hospitalisations chez les femmes que chez les hommes à l’âge adulte(4,5).
Comment expliquer les changements au moment de la puberté ? Est-ce l’asthme des garçons qui disparaît ou bien le début de l’asthme est-il plus tardif chez la fille ? En réalité, il semble que les deux phénomènes se conjuguent , avec davantage de rémissions chez le garçon que chez la fille durant l’enfance (et même au-delà de la puberté) et davantage d’asthmes débutants après l’adolescence chez la fille(6).
DES DIFFÉRENCES ANATOMIQUES ET ENVIRONNEMENTALES
Les facteurs expliquant la disparité entre filles et garçons ne se limitent pas aux sécrétions hormonales, mais concernent aussi l’anatomie et les mécanismes respiratoires.
Les filles ont des voies aériennes 30 % plus petites que les garçons ; de ce fait, elles ont aussi une moins grande différence de calibre entre la trachée et ces voies aériennes(7). Leur maturation pulmonaire durant la vie intra-utérine est plus rapide avec une meilleure production de surfactant(8).
À l’inverse, la dysanapsie (différence entre les gros troncs et les petites voies aériennes) est plus marquée initialement chez les garçons et favorise l’obstruction bronchique. En revanche, leur croissance pulmonaire dure plus longtemps (21 ans, au lieu de 16 ans chez les filles) et leur fonction respiratoire à l’âge adulte est 25 % supérieure à celle des filles. Cela explique qu’il y ait plus de rémissions d’asthme chez le garçon(8).
Ainsi, une puberté précoce chez la fille (avant 10 ans) est associée à une fonction respiratoire plus basse et une hyperréactivité bronchique plus importante, avec une prévalence plus élevée d’asthme(9).
Des facteurs environnementaux interviennent également dans la différence entre les sexes. Les filles sont plus sédentaires que les garçons et plus exposées qu’eux aux cosmétiques, colorations capillaires et produits ménagers. Exposées au tabac dans la petite enfance, les filles développent plus de sensibilisations à des allergènes aéroportés que les garçons(10).
Par ailleurs, les filles en surpoids ou obèses entre 6 et 11 ans ont un risque d’asthme multiplié par 7 à l’âge de 11-13 ans. Cela n’est pas vrai chez le garçon(11). Garçons et filles ne sont donc pas égaux face au risque d’asthme.
Dès lors, ce constat a-t-il des répercussions en pratique clinique ?
L’IMPACT DES TRAITEMENTS HORMONAUX
En particulier, les traitements hormonaux peuvent-ils modifier le risque de développer un asthme ? Les données sur l’impact des contraceptifs et du traitement hormonal substitutif (THS) sont contradictoires et on ne peut rien en déduire au plan pratique.
Les traitements hormonaux peuvent-ils modifier le contrôle de l’asthme ?
D’après les bases de données de consommation des médicaments, le fait d’avoir un jour utilisé un contraceptif oral diminue un peu le risque d’exacerbations sévères chez la femme(12). De même, le risque de symptômes d’asthme chez les femmes asthmatiques qui utilisent un contraceptif est légèrement diminué(13). En définitive, on manque d’études pour conclure et le GINA ne fait aucune recommandation dans ce domaine. Toutefois, s’il n’y a pas de contre-indication à proposer une contraception chez une femme avec un asthme même sévère, il n’y a pas lieu de proposer une contraception à une femme dont l’asthme est mal contrôlé dans le but de l’améliorer.
Qu’en est-il du THS chez la femme ménopausée ? Là encore les données sont contradictoires. Le fait d’avoir utilisé un THS augmente le nombre d’exacerbations sévères, mais le fait d’en prendre un, au moment de l’analyse, n’est pas associé à cette augmentation du risque d’exacerbations ; la durée du THS n’a pas d’impact sur le risque.
En pratique, on demande aux femmes avec un asthme mal contrôlé si elles prennent un THS, sans pour autant devoir incriminer systématiquement le traitement hormonal dans le mauvais contrôle. Avant de décider d’arrêter le THS, il faut s’assurer que l’aggravation de l’asthme a suivi l’introduction du THS(14).
Enfin, à l’heure actuelle il est impossible de faire des recommandations sur l’intérêt d’administrer des androgènes chez l’asthmatique. L’administration d’une nébulisation de DHEA chez des patients avec un asthme peu sévère a permis une amélioration du contrôle de l’asthme, sans modification du VEMS ni de la qualité de vie(15).
L’AGGRAVATION DE L’ASTHME EN PHASE LUTÉALE
L’asthme prémenstruel existe-t-il ? Et que proposer aux femmes qui s’en plaignent ?
De 19 à 40 % des femmes asthmatiques ont une aggravation de leurs symptômes respiratoires durant la phase lutéale. Ce phénomène est plus fréquent en cas d’asthme sévère, d’intolérance aux AINS et de surpoids. Il est souvent associé aux symptômes du syndrome prémenstruel. On note une baisse du VEMS sans variation du NO (marqueur de l’inflammation)(16,17).
En pratique, il faut interroger les femmes asthmatiques sur l’existence d’un asthme prémenstruel. Il est possible de prescrire une contraception orale en cas d’aggravation de l’asthme en phase lutéale, surtout si celle-ci est associée à un syndrome prémenstruel. On peut également proposer d’augmenter les bronchodilatateurs au moment des règles ; le NO ne variant pas, l’augmentation des anti-inflammatoires n’est pas justifiée.
Au total, en pratique clinique, il ne faut pas omettre d’interroger les femmes asthmatiques sur les autres facteurs favorisant leurs symptômes respiratoires : utilisation de produits ménagers au travail et à la maison, utilisation des cosmétiques, ressenti de leur maladie (différent de celui des hommes). Un travail récent a montré que les femmes préféraient être prises en charge par une femme que par un homme pour leur asthme(18).
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