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Allergologie

Publié le 03 oct 2022Lecture 7 min

Asthme : quel impact de la pollution atmosphérique ?

Habib CHABANE, D’après la session « Asthme et pollution », avec la participation de C. Chenivesse (Lille), B. Benabes Jezraoui (Amiens), F. Trita (Tunis), A. Tsicopoulos (Lille), S. Demoulin-Alexicova (Lille) et B. Housset (Créteil) CFA 2022

La pollution atmosphérique a des conséquences non négligeables sur les maladies respiratoires. Qu’en est-il pour l’asthme étant donné son caractère souvent allergique ?

Asthme et modulation de l'inflammation par les polluants L’asthme allergique (atopique) se caractérise par une augmentation des IgE, des éosinophiles, de l’oxyde nitrique (NO) expiré et des cytokines de type  Th2, comme l’a rappelé Anne Tsicopoulos (Lille). L’inflammation de type Th2 (T2) dans l’asthme fait intervenir les cellules Th2, ILC2, les interleukines IL-4, IL-13, IL-17 et la libération d’alarmines (IL-1β, IL-6, IL-23, IL-33, TNF-α et TSLP) par le contact avec les allergènes, les polluants ou les agents infectieux. La pollution atmosphérique joue un rôle dans le développement et les exacerbations de l’asthme. La pollution stimule les cellules épithéliales des voies aériennes et modifie les réponses innées et adaptatives aux allergènes inhalés. L’exposition à l’ozone accroît le stress oxydatif par l’intermédiaire des ROS (reactive oxygen species) très probablement par peroxydation lipidique des phospholipides du surfactant pulmonaire et des membranes cellulaires. Les ROS activent à leur tour la libération d’alarmines pro-inflammatoires. Grâce à des modèles murins, plusieurs auteurs ont montré l’effet potentialisateur de la pollution sur la sensibilisation et la réponse à l’inhalation d’allergènes d’acariens. L’association à un polluant (benzopyrène) aux allergènes d’acariens augmente significativement la production d’alarmines pro-Th2. De même, la co-exposition aux particules de diesel et aux allergènes d’acariens comparée à l’exposition à l’un d’eux isolément, a révélé une augmentation des IgE spécifiques de l’allergène, des éosinophiles, des cytokines Th2/Th17 par le biais des ROS et de l’aryl hydrocarbone récepteur. L’inhalation de particules ultrafines entraîne chez les souris des modifications épigénétiques de la méthylation de l’ADN, en particulier par déméthylation des sites impliquant les gènes NFκB. Chez l’enfant asthmatique, il a été montré l’augmentation de la méthylation de Foxp3. La méthylation de l’ADN nasal de 3 gènes permet de différencier les asthmes sévères des asthmes non sévères. Chez les adultes les asthmatiques sévères, l’exposition à la pollution liée au trafic routier intense augmente l’expression de l’ARN messager et la libération d’IL-17 et celle des ROS au niveau de l’épithélium bronchique. Ainsi les études expérimentales récentes ont identifié de nouveaux mécanismes responsables de l’effet délétère des polluants atmosphériques sur les asthmes T2 ouvrant la perspective de nouvelles cibles thérapeutiques chez les patients à risque. Exposition chronique et pics de pollution La majorité de la pollution atmosphérique est d’origine anthropogénique, souligne Silvia Demoulin-Alexikova (Lille). L’émission de polluants primaires tels que les particules fines, le CO, NO, NO2 , SO2 , provenant de la combustion de carburants fossiles induit la formation de polluants secondaires comme l’ozone (O3 ), les acides nitrique et sulfurique, avec pour conséquence le changement climatique. Une étude publiée en 2020 dans The Lancet ayant compilé 87 facteurs de risque dans 204 pays a révélé que la diminution moyenne de l’espérance de vie en raison de la pollution liée aux particules fines est passée de -2,7 ans à -4,7 ans entre 1990 et 2019. L’augmentation de la durée et de l’intensité des saisons polliniques et celle des pics de pollution ont pour conséquence l’augmentation du risque de développement d’asthme et du risque d’exacerbation de celui-ci. L’exposition à la pollution peut survenir pendant la période critique de développement (enfance). Au-delà de cet âge, elle peut être limitée aux pics de pollution ou être chronique. L’exposition aux polluants pendant les périodes critiques de développement (conception, naissance, croissance) entraîne des altérations du système respiratoire et immunitaire avec pour conséquence une augmentation du risque d’asthme. Une métaanalyse de 41 études (1999-2016) a révélé que l’augmentation de plus de 10 % des valeurs seuils de pollution recommandés s’accompagne d’un risque 2 fois plus élevé d’asthme. Une autre métaanalyse de 18 études (2004-2017) a révélé un risque significatif plus élevé de développement d’asthme à 5 ans associé à l’exposition au NO2, SO2 et PM10. L’exposition aux particules fines PM10 et PM2,5 pendant la grossesse est associée à la méthylation de deux gènes (FAM13A et NOTCH4) liés à la croissance pulmonaire et à l’asthme chez les enfants de sexe masculin. Les polluants sont aussi incriminés dans les exacerbations d’asthme et plus particulièrement l’ozone (8 à 20 % des cas) et les particules fines PM2,5 (4 à 9 % des cas). Il y a une corrélation positive entre la concentration de PM2,5 et le nombre de visites aux urgences pour asthme. Dans une ville comme Dublin, le taux annuel moyen de NO2 a diminué significativement de 24 µg/m3 en 2019 à 17 µg/m3 en 2020 à la suite du confinement lié à la pandémie de Covid-19. Cette diminution s’est accompagnée d’une réduction significative du nombre d’admissions hospitalières pour asthme. Dans la ville de Bologne (400 000 habitants), la fermeture des écoles pendant le premier confinement a été accompagnée d’une baisse de 85 % des passages aux urgences pour asthme aigu, bronchospasme ou bronchite sifflante. Dans la ville de New York, le confinement a fait baisser de 23 % le taux de particules PM2,5 dans l’air. Une simulation a évalué l’économie de santé à plus de 54 millions de dollars liée aux consultations aux urgences et hospitalisations pour asthme qui pourraient être réalisées si cette baisse de pollution était maintenue pendant 5 ans. Il y a aujourd’hui suffisamment de preuves épidémiologiques pour établir un lien entre la pollution de l’air ambiant et le développement ou l’exacerbation de l’asthme pour inciter à la mise en œuvre de mesures préventives. Comment évaluer une exposition à la pollution en pratique quotidienne et conseiller les patients ? L’évaluation de l’exposition individuelle à la pollution atmosphérique en pratique quotidienne est un domaine d’intérêt croissant comme le précise Bruno Housset (Créteil). La mesure de la qualité de l’air repose sur l’indice ATMO créé en 1994 à l’initiative du ministère chargé de l’environnement et d’associations agréées de surveillance de la qualité de l’air. C’est un indicateur journalier de la qualité de l’air qui fournit une information synthétique sous une forme simple (couleur/qualificatif) sur le niveau de la pollution de l’air ambiant dans les villes de plus de 100 000 habitants, initialement basé sur les concentrations de quatre polluants atmosphériques (SO2, O3, NO2, PM10). Il a été révisé en juillet 2020 par l’ajout de l’évaluation des particules fines PM2,5, l’alignement des seuils des quatre premiers polluants atmosphériques sur ceux de l’Agence européenne pour l’environnement, la suppression de la qualité de l’air « très bon » et le rajout de la qualité de l’air « très mauvais » (figure). Figure. Indice ATMO révisé applicable au 1er janvier 2021. Source : https://www.airparif.asso.fr/indice-atmo En 2015, l’OMS a recommandé des valeurs seuils d’exposition aux cinq principaux polluants atmosphériques et un « Indice mondial de qualité de l’air » a été créé. Les particules fines ont des effets délétères sur la santé, c’est pourquoi les seuils préconisés par l’OMS visent à parvenir à des concentrations de particules les plus faibles possibles pour les PM2,5 : valeur moyenne annuelle de 5 µg/m3 et valeur moyenne par 24 heures de 15 µg /m3 et pour les PM10 : valeur moyenne annuelle de 15 µg/m3 et valeur moyenne par 24  heures de 45 µg/m3. En 2019, 99 % de la population mondiale respiraient un air pollué dépassant les seuils préconisés par l’OMS. L’étude longitudinale de sept cohortes européennes d’exposition de 28 millions d’individus a révélé une surmortalité dans tous les pays, quel que soit le seuil de pollution choisi. La pollution intérieure provient des fumées domestiques des personnes qui cuisinent et chauffent leur logement en utilisant de la biomasse, du pétrole et du charbon en plus de la pollution par les PM2,5 provenant de l’extérieur. D’autres sources aggravent la pollution intérieure comme la fumée de cigarette, les composés organiques volatils (formaldéhyde, benzène, phtalates) se dégageant des revêtements de sols, de murs, et celles liées aux activités domestiques (produits d’entretien, détergents, insecticides). Il y a aussi des polluants naturels comme le radon, le méthane, les moisissures domestiques. En France, au moins 10 % des logements sont multipollués. Les normes en matière de prévention de l’exposition à la pollution intérieure ont évolué grâce aux normes sur la ventilation, au diagnostic immobilier, à la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public et à l’étiquetage de certains produits (peintures, matériaux de construction). Il est aujourd’hui possible de connaître le profil d’exposition individuelle à la pollution grâce à des capteurs à bas coût, qui peuvent fonctionner en réseau (réseau français ENERIS). Des mesures simples comme l’aération quotidienne, le maintien d’une ventilation efficace et la diminution des sources de pollution (éviter de fumer à l’intérieur, préférer les matériaux A+, limiter l’usage des produits d’entretien volatils, purificateurs d’air munis de filtres HEPA). Au total, la pollution atmosphérique constitue un risque environnemental majeur pour la santé. En diminuant les niveaux de pollution atmosphérique, il est possible de réduire la morbidité liée aux accidents cardiovasculaires, aux affections respiratoires, chroniques ou aiguës, dont l’asthme. Il est nécessaire de développer la recherche dans ce domaine et d’informer la population générale sur les risques liés à la pollution de l’air.

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