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Allergologie

Publié le 20 sep 2023Lecture 8 min

Rhinite allergique, une prise en charge multidisciplinaire

Denise CARO, Boulogne-Billancourt, d’après l’émission Axis TV : « Les enjeux de la prise en charge de la rhinite allergique : l’affaire de tous »

La fréquence des allergies a fortement augmenté depuis un demi-siècle et continuera sa progression les années à venir. En effet dans les années 1970, 2 à 3 % de la population présentait des manifestations allergiques, 30 % en 2010 et on estime à 50 % la population concernée en 2050. L’atopie suit la même trajectoire ascensionnelle, tout comme la rhinite allergique qui en fait partie. Ainsi, on estime que 16 millions de personnes développent une RA en France, dont plus de la moitié sont allergiques aux acariens ou aux pollens et un présentera des signes cliniques d’asthme(1). Une émission Axis TV consacrée à la prise en charge de la RA a permis de faire le point sur la question.

L’ARIA classe les RA en intermittentes ou persistantes et en légères ou modérées à sévères. On estime que 42 % des RA sont intermittentes, 40 % sont persistantes légères et 18 % persistantes modérées à sévères(1). La sévérité est à prendre en compte, notamment avec les répercussions dans la vie quotidienne et sur le sommeil.   Comme pour toute pathologie, l’étape diagnostique est primordiale. Il convient d’abord d’éliminer une pathologie autre. « L’examen des fosses nasales permet d’éliminer un certain nombre de diagnostics différentiels, tels qu’une rhinite infectieuse avec des sécrétions épaisses et sales, une polypose nasale (qui peut cependant coexister avec une RA), une rhinite croûteuse (liée à une sarcoïdose ou une granulomatose avec polyangéite) ou une tumeur, a expliqué le Pr Elie Serrano (ORL, Nantes). L’examen peut aussi révéler une déviation de la cloison ou une hypertrophie des cornets qui majorent l’obstruction nasale et rendent moins efficaces les traitements locaux. » La RA est toujours bilatérale. Les sécrétions sont claires et la muqueuse pâle. Elle est rarement responsable d’une anosmie ou de douleurs (plutôt évocatrices d’une sinusite). La responsabilité de l’allergie doit ensuite être confirmée avec l’identification du ou des coupable(s) : pollens (bouleau, cyprès, graminées, ambroisie, armoise, olivier ou frêne pariétaire), acariens (D. pteronyssinus, D. farinae), les animaux (chat, chien), les moisissures (Alternaria, Aspergillus, Cladosporium). Pour cela on peut faire des tests cutanés ou des dosages biologiques. « Les prick-tests sont reproductibles, sensibles et moins onéreux que les dosages biologiques. Toutefois, la recherche d’IgE spécifiques permet de doser les allergènes sources et les allergènes moléculaires, a précisé le Dr Ariane Nemni (allergologue, Aulnay-sous-Bois). Les allergies aux pollens associées à des allergies alimentaires sont de plus en plus fréquentes. Ces enfants feront ensuite souvent de l’asthme. »   Le monitorage des symptômes Une fois le diagnostic de RA posé et le coupable identifié, il importe, d’une part, de rechercher des signes évocateurs d’un asthme associé et, d’autre part, d’évaluer les répercussions dans la vie quotidienne de la RA, notamment sur le sommeil. Ainsi, une toux et des difficultés respiratoires doivent faire évoquer un asthme. Selon une étude de 2003, 30,8 % des RA intermittentes et 31,9 % RA persistantes ont une toux associée et 17,8 % des RAI et 9,4 % des RAP ont des difficultés respiratoires associées(2,3). « Les troubles du sommeil (et les troubles de la vigilance qui l’accompagnent) sont d’autant plus importants à rechercher qu’ils peuvent être responsables d’accidents de la voie publique », a insisté le Dr Nemni. Une enquête auprès de conducteurs adultes atteints d’une RA, non ou mal traitée, montre que 25 % d’entre eux s’endorment facilement, notamment au volant, 30,3 % ont un score d’Epworth altéré (8 questions sur la capacité à s’endormir dans 8 situations) — sévèrement dans 4,4 % —, 24,4 % ont un score de Karolinska impacté (1 question pour la facilité à s’endormir à cause de la RA) — 2 % sévères —, 0,7 % ont eu un accident à cause de la RA(4). « Le monitorage des symptômes grâce aux échelles analogiques d’évaluation, aux questionnaires et d’une façon générale aux outils de l’e-santé, est essentiel pour repérer et enregistrer les symptômes (dont le patient n’a pas toujours conscience) et pour graduer le traitement et le personnaliser », a noté le Dr Nemni.   Un traitement par étapes La première étape est d’éliminer l’allergène de l’environnement du patient. Ensuite le traitement se fait par étapes en fonction de la sévérité et de la chronologie. Dans les RA intermittentes ou persistantes légères, on commence par un anti-H1 oral non sédatif ou un anti-H1 local ou la cromone nasale ou du sérum salé (accord professionnel) et parfois rien. Dans les formes intermittentes modérées à sévères, si l’anti-H1 oral non sédatif ou l’anti-H1 local ou les CS nasaux n’ont pas suffi, on double la dose de CS nasaux ; en cas d’insuffisance, on ajoute un anti-H1 nasal ; en l’absence d’amélioration après 7 à 15 jours, on passe à l’étape suivante. Dans la RA persistante modérée à sévère après les étapes décrites précédemment, on propose une ITA avec éventuellement un décongestionnant (utilisé moins de 3 jours). Il est utile d’adresser le patient au spécialiste en cas de symptômes atypiques, de fortes comorbidités, de résistance au premier traitement et d’indication d’ITA(5-7). L’éducation thérapeutique est très importante à mettre en place. « Il faut notamment expliquer et montrer au patient comment utiliser un spray nasal, a déclaré le Pr Serrano. Il doit se laver le nez avant, se moucher, pulvériser en visant l’œil et pas la cloison. Le contact de l’embout avec la cloison peut être responsable de petits épistaxis. » Il importe également de rassurer le patient concernant la bonne tolérance des CS nasaux. En réponse à la question d’un auditeur, le Pr Serrano a précisé qu’il y a un rapport de 1 à 1 000 entre la concentration de CS au niveau du nez et le passage dans le sang et que la très faible quantité de CS qui passe dans la circulation est détruite dès le 1er passage hépatique. Il n’y a pas d’effet clinique et pas d’effet à long terme. Toutefois chez les patients asthmatiques, il faut tenir compte des doses cumulés de CS inhalés dont le passage pulmonaire est plus important qu’en nasal.   La place de l’immunothérapie allergénique Actuellement l’immunothérapie allergénique est administrée par voie sublinguale, soit sous forme de gouttes sous la langue, soit en comprimés pour les acariens et pour les pollens. Selon les recommandations de l’ARIA et le rapport de la commission de transparence de la HAS, l’immunothérapie allergénique (ITA) est indiquée dans la RA modérée ou sévère, persistante ou intermittente, insuffisamment contrôlée par les traitements symptomatiques et les mesures d’éviction des allergènes. Elle est aussi proposée chez les patients présentant une intolérance aux traitements symptomatiques nasaux. « L’ITA constitue à l’heure actuelle le seul traitement à visée étiologique susceptible de modifier l’histoire naturelle de la maladie allergique », a mentionné le Dr Nemni. De nombreuses études randomisées contre placebo et méta-analyses dans la rhinite pollinique et la rhinite aux acariens chez l’adulte et l’enfant ont montré une réduction significative des symptômes et de la consommation des traitements symptomatiques après ITA par voie sublinguale (SLIT)(7).   Des liens étroits entre RA et asthme Il existe un lien fort entre RA et asthme. « Il y a un continuum entre le nez et les bronches, a affirmé le Pr Alain Didier (pneumologue, Toulouse). Les patients avec une RA ont plus souvent un asthme que ceux indemnes de cette pathologie. »(8). Au fur et à mesure de l’évolution de leur maladie, les patients atteints de rhinite (allergique ou non) ont de plus en plus de risque de développer un asthme et ce risque est plus élevé lorsque la rhinite est allergique(9). « Il importe de traiter correctement la RA afin d’éviter son évolution vers un asthme, a insisté le Pr Didier. L’ITA peut être intéressante quand l’allergène est bien identifié. » « Le risque d’asthme varie en fonction du type de sensibilisations. Les personnes sensibilisées aux chats ou aux acariens (allergènes persistants et agressifs) ont plus de risque de développer de l’asthme que celles sensibilisées aux pollens (présents moins longtemps dans l’année)(10), a indiqué le Pr Didier. Mais cela est en train de changer, la modification du climat, la pollution (et les orages) augmentent la durée, l’intensité et l’agressivité des pollens. » En outre, le contrôle difficile de la RA va souvent de pair avec le contrôle difficile de l’asthme. Les médiateurs inflammatoires dans l’air inhalé passent dans la circulation sanguine et propagent l’inflammation. Les nerfs sensitifs jouent un rôle(11). Le risque d’exacerbation de l’asthme diminue de moitié chez les patients traités par corticothérapie nasale(12). « C’est l’intensité de l’inflammation Th2 qui détermine le fait qu’on ait une RA, une rhinosinusite ou un asthme associé, a précisé le Pr Didier. Aussi il importe de phénotyper les patients, afin de personnaliser les choix thérapeutiques. »(13)   ITA et prévention des exacerbations d’asthme L’ITA sublinguale a sa place pour prévenir l’asthme chez des patients avec une RA. En population générale et dans la vraie vie, d’après les données de ventes en officine, les patients n’ayant pas d’ITA ont 30 % de plus de prescriptions pour RA et 20 % de plus de nouveaux médicaments pour l’asthme. Après une ITA, les prescriptions pour RA diminuent de 50 % et les nouveaux traitements pour un asthme de 40 %(14). Dès lors l’ITA aurait-elle une place pour traiter un asthme en dehors d’une RA ? « Chez un patient asthmatique avec peu de symptômes de RA mais une forte sensibilisation aux acariens, actuellement les recommandations françaises ou internationales (GINA) autorisent une ITA sublinguale pour diminuer la fréquence des exacerbations en plus du traitement pour l’asthme, avec l’objectif à terme de diminuer la pression de celui-ci et de baisser le nombre d’exacerbations, a indiqué le Pr Didier. Il est possible que l’ITA ait aussi un effet non spécifique et soit capable de prévenir les exacerbations non pas allergéniques mais infectieuses, en diminuant la réactivité de la muqueuse et en restaurant un épithélium de qualité davantage capable de se défendre contre les infections respiratoires. C’est un domaine d’investigations de l’ITA tout à fait intéressant. »   La prise en charge de la RA doit mobiliser un grand nombre d’acteurs : le patient lui-même avec l’importance de l’éducation thérapeutique, le pharmacien et le médecin généraliste qui pourraient bénéficier d’algorithmes de conduite à tenir, et bien sûr l’allergologue, l’ORL et le pneumologue ; c’est bel et bien l’affaire de tous.   D. CARO, Boulogne-Billancourt D’après l’émission Axis TV : « Les enjeux de la prise en charge de la rhinite allergique : l’affaire de tous », avec la participation du Dr Ariane NEMNI (allergologue, Aulnay-sous-Bois), du Pr Elie SERRANO (ORL, Toulouse) et du Pr Alain DIDIER (pneumologue, Toulouse) avec le soutien institutionnel du laboratoire

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