Publié le 25 nov 2023Lecture 5 min
L’impact de l’asthme maternel sur la grossesse et la santé du futur enfant
Denise CARO, d’après les communications ERS 2023
Plusieurs communications de l’ERS se sont intéressées à l’impact de l’asthme sur la fertilité, le déroulement de la grossesse et la santé ultérieure des enfants à naître.
Sachant que les femmes asthmatiques ont plus souvent besoin d’un traitement de fertilité, ont un délai de grossesse plus long et un risque de fausse-couche plus élevé que les non-asthmatiques, A. Hansen et coll. (Copenhague Danemark)(1) ont cherché à savoir si l’inflammation de type 2 pouvait être responsable de ces difficultés. En effet, on sait que les cellules inflammatoires T2 (éosinophiles, mastocytes) dans l’utérus varient de façon cyclique, mais on ignore si cela contribue à une altération de la fertilité chez les femmes asthmatiques. Afin d’évaluer cette hypothèse, les auteurs ont recrutés 30 patientes recevant un traitement pour la fertilité, la moitié étant asthmatiques l’autre non (pas de différence d’âge, ni d’IMC entre les deux groupes). Toutes les femmes se sont soumises à un questionnaire, une mesure du FeNO, des prélèvements sanguins, une spirométrie, un test de provocation bronchique, une analyse des crachats et une biopsie de l’endomètre (faire proche du moment de l’ovulation). Les auteurs n’ont pas observé de différence concernant la fonction pulmonaire, le nombre de cellules dans les crachats et le taux de la CRP sanguine. En revanche, les femmes asthmatiques présentaient une réactivité des voies respiratoires plus prononcée, étaient plus souvent allergiques et avaient des taux d’IgE totales et de bêtaéosinophiles plus élevés. Les femmes non asthmatiques avaient eu un peu plus de transferts d’embryons. La biopsie de l’endomètre n’a montré aucune différence significative entre les groupes en termes de plasmocytes/mm2 (0,64 ± 1,1 ; 1,63 ± 3,3, NS), de mastocytes/mm2 (4,95 ± 6,3 ; 6,72 ± 6,7, NS) ou d’éosinophiles/mm2 (0,006 ±0,02 ; 0,002 ± 0,01, NS). Et les deux groupes avaient tendance à avoir des cellules inflammatoires T2 dans l’utérus.
Ainsi, les femmes asthmatiques et non asthmatiques recevant un traitement de fertilité présentent un degré similaire d’inflammation T2 dans l’utérus. L’inflammation T2 ne semble pas pouvoir expliquer les problèmes de fertilité des femmes asthmatiques.
SENSIBILISATION ET COMPLICATIONS DE LA GROSSESSE
Une fois enceintes les femmes asthmatiques sont davantage exposées à un risque de complications telles qu’une hypertension artérielle, un accouchement prématuré et/ou une petite taille pour l’âge gestationnel. Une équipe suédoise s’est demandé si le stress, la sensibilisation ou l’altération de la fonction pulmonaire pouvaient contribuer à ces problèmes.
Pour cela G. Rejnö et coll. (Stockholm, Suède)(2) ont utilisé une cohorte de 1 693 femmes enceintes dont 1 554 ont été suivies jusqu’à l’accouchement et 252 ont eu une spirométrie pendant la grossesse. Les données sur les diagnostics d’asthme, les médicaments et le stress provenant des registres nationaux ont été liées aux données de cohorte. Les associations entre l’asthme allergique ou non et les issues périnatales ont été estimées à l’aide d’une régression logistique et linéaire. Les scores Z pour FEV1/FVC, FEV1 et FVC ont été utilisés dans les analyses secondaires. Toutes les analyses ont été ajustées au stress maternel.
Ainsi 18 % des femmes de la cohorte (n = 276) souffraient d’asthme, 61 % d’entre elles étaient sensibilisés (IgE ≥ 0,35 kE/L, n = 169). L’asthme allergique était associé à une réduction de l’âge gestationnel moyen (- 0,5 semaine, IC95% : -1,0 à -0,1) et à un poids moyen à la naissance inférieur (-105 g). En revanche, les auteurs n’ont pas observé ce type de résultats chez les femmes asthmatiques non allergiques. De même le stress ne semble pas avoir d’impact sur la survenue de complications. D’une façon générale, la cohorte était en bonne santé avec des plages de fonction pulmonaire normales ; aucune association significative entre la fonction pulmonaire et les effets indésirables n’a été détectée.
QUELS RISQUES CHEZ LES ENFANTS DE MÈRES ASTHMATIQUES ?
Autre question en débat, l’asthme maternel expose-t-il à une augmentation du risque de diabète de type 1 du futur enfant et comment ? En effet, il reste difficile de savoir si l’association entre diabète de la mère et le DT1 chez l’enfant est due à l’exposition du fœtus pendant la grossesse ou à une susceptibilité familiale du fait de gènes et d’un environnement, partagés. A. Smew et coll. (Stockholm, Suède)(3) ont comparé l’effet de l’asthme maternel pendant la grossesse et avant la grossesse. Les auteurs ont utilisé un échantillon de la population suédoise : 1,4 million d’enfants nés entre 2007 et 2020 ont été liés à leurs parents biologiques et suivis par des registres nationaux depuis la préconception, pendant la grossesse et l’enfance, jusqu’en 2021. L’asthme et le diabète de type 1 ont été détectés à partir de combinaisons validées de diagnostics et de prescriptions de médicaments. L’étude a montré que les enfants exposés à l’asthme maternel in utero (2,5 %) ne présentaient pas de risque accru de DT1 par rapport à ceux non exposés (HR 0,90 [IC95% : 0,75-1,08]). En revanche, l’asthme maternel préexistant (11,9 %) et l’asthme paternel (9,0 %) étaient tous deux associés à un risque de DT1 chez leur enfant (1,18 [1,08- 1,29] et 1,21 [1,10-1,34] respectivement). Les auteurs concluent que l’asthme maternel est un facteur de risque de diabète de type 1 chez leur enfant, mais que celui-ci n’est pas dû spécifiquement à l’exposition du fœtus pendant la grossesse et que le surrisque est bien dû à une susceptibilité familiale.
Enfin, un autre travail suédois a cherché à déterminer si l’augmentation de prévalence de l’asthme chez les enfants dont les parents ont un faible statut socio-économique était dû à un tabagisme et/ou un excès pondéral souvent retrouvés dans cette population.
Pour cela C. Lundholm et coll. (Stockholm, Suède)(4), se sont appuyés sur les registres sanitaires et socio-démographiques suédois et ils ont identifié 393 061 enfants avec au moins un frère ou une sœur plus jeune (né dans les 5 ans après eux), tous deux inclus dans le registre médical des naissances (MBR). L’exposition était une faible éducation maternelle à la naissance de l’enfant. L’asthme/la respiration sifflante à l’âge de 2 et 5 ans ont été définis sur la base d’un diagnostic d’asthme associé à la délivrance de médicaments contre l’asthme. Étaient pris en compte le tabagisme maternel pendant la grossesse (SDP), l’IMC en début de grossesse et le tabagisme lors de l’attente du frère ou de la sœur plus jeune (tabagisme maternel pendant la petite enfance -tabagisme passif-), tous issus du MBR.
Ainsi l’association entre l’éducation de la mère et l’asthme ou la respiration sifflante à l’âge de 2 ans était OR = 1,17 (IC95% : 1,15-1,20) et OR = 1,06 (IC95% : 1,03-1,08) à 5 ans. d’après les auteurs, le statut socio-économique expliquerait 17 % de l’association avec l’asthme à l’âge de 2 ans, le tabagisme maternel dans la petite enfance 17 % et l’IMC maternel 20 %. Les estimations correspondantes pour l’asthme à 5 ans étaient respectivement de 6 %, 0 % et 54 %. Ce travail montre que l’IMC maternel et le tabagisme sont des facteurs importants à cibler afin de réduire la prévalence de l’asthme ou la respiration sifflante tout particulièrement chez les enfants dont la mère à un bas statut socio-économique.
D’après les communications citées en références ERS 2023
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