Asthme
Publié le 05 juin 2024Lecture 6 min
Asthme de l’enfant : quels examens pour quelles indications ?
Dans le contexte de l’asthme du nourrisson et du jeune enfant, la Société française d’allergologie (SFA), la Société pédiatrique de pneumologie et allergologie (SP2A) et la Société française d’imagerie pédiatrique et prénatale (SFIPP) recommandent la radiographie thoracique en cas de suspicion d’asthme chez l’enfant. Le scanner thoracique est envisagé pour des situations spécifiques, notamment en cas d’asthme sévère résistant au traitement. Une étude, dont les résultats préliminaires ont été présentés lors du 28e Congrès de pneumologie de langue française (CPLF), a eu pour objectif d’évaluer ces pratiques. Ses conclusions mettent en lumière la contribution significative de cet examen au diagnostic différentiel, avec la bronchiolite oblitérante postinfectieuse comme principal diagnostic évoqué.
Les symptômes respiratoires chez l’enfant sont souvent aspécifiques, et la compression ou l’obstruction des voies aériennes peuvent mimer un asthme chronique. La radiographie thoracique fait partie de tout bilan initial face à des symptômes évocateurs d’asthme chez l’enfant. Ainsi, dès qu’un asthme est suspecté, la réalisation d’au moins une radiographie thoracique est préconisée. Si aucune anomalie n’est détectée lors de cet examen, sa répétition lors d’une exacerbation ultérieure n’est pas nécessaire. Cependant, elle sera envisagée en présence d’exacerbations atypiques, que ce soit en raison de leur gravité inhabituelle ou de critères supplémentaires, tels qu’une fièvre. « Par conséquent, indique Laureline Berteloot, si l’on soupçonne une affection respiratoire autre qu’une crise d’asthme, la réitération de cet examen, notamment dans le cas de suspicion de pneumothorax, d’atteinte parenchymateuse pulmonaire (pneumonie infectieuse) ou d’inhalation de corps étranger, est justifiée. En résumé, la radiographie thoracique est un examen systématique en cas de suspicion d’asthme chez l’enfant qui ne doit pas être réitéré en cas de normalité, sauf critères d’atypie. »
Pour sa part, le scanner thoracique est réalisé de façon exceptionnelle : il est envisagé soit pour approfondir une anomalie détectée lors de la radiographie thoracique standard et/ou l’endoscopie bronchique, soit dans les situations d’asthme sévère résistant au traitement maximal bien conduit ou en présence de bruits atypiques, tels qu’une dyspnée aux deux temps. Cette décision repose sur une discussion collégiale, impliquant habituellement le pneumologue, le radiologue, et idéalement dans un environnement spécialisé au fait des spécificités de l’imagerie pédiatrique. « Ces scanners s’inscrivent souvent dans le cadre d’un bilan complet comprenant diverses explorations immunitaires, des tests de la sueur, des investigations allergiques : pricktests, pHmétrie, exploration immunitaire, des épreuves de fonction pulmonaire et, dans les cas les plus graves, une endoscopie bronchique, voire des biopsies bronchiques », précise L. Berteloot. L’objectif global de ce bilan exhaustif est de rechercher un diagnostic différentiel ou des facteurs aggravants.
Scanner chez l’enfant avec injection de produits de contraste
Sur le plan pratique, la réalisation du scanner doit être planifiée en dehors des périodes d’exacerbation ou d’infection pour éviter toute altération de l’interprétation scanographique. Une particularité lors du scanner chez l’enfant est l’injection de produits de contraste, visant en particulier à rechercher des anomalies vasculaires telles que des arcs vasculaires ou autre structure compressive, rares mais pouvant être présentes dans les diagnostics différentiels de l’asthme. L’injection de produit de contraste est nécessaire en l’absence de graisse médiastinale qui permet, chez l’adulte, un contraste spontané entre les différentes structures médiastinales, qu’elles soient vasculaires, ganglionnaires ou tumorales.
Quel intérêt du scanner dans le bilan d’asthme sévère chez l’enfant ?
Au cours des 10 dernières années, les stratégies diagnostiques ont peu, voire pas évolué faute d’études cliniques sur le sujet. C’est pourquoi L. Berteloot a entrepris une démarche rétrospective en examinant l’ensemble des scanners réalisés au cours de cette période pour les enfants âgés de 0 à 16 ans atteints d’asthme sévère dans l’hôpital Necker-Enfants Malades. Cette étude, menée de 2010 à 2024, a inclus tous les scanners réalisés dans le cadre d’une hospitalisation pour un bilan d’asthme sévère.
Ont été exclues de cette étude les pathologies susceptibles de brouiller l’interprétation des résultats, telles que la drépanocytose, une prématurité < 32 SA, les cardiopathies ou les malformations majeures comme une atrésie de l’œsophage. Cette initiative visait à répondre à des questions cruciales et à évaluer les pratiques actuelles, en déterminant la proportion de diagnostics différentiels évoqués au scanner. Un second objectif était d’identifier d’autres critères prédictifs afin d’optimiser l’usage des scanners et potentiellement réduire leur fréquence.
L’étude a inclus 500 patients, et à ce stade, 310 scanners ont déjà été passés en revue. Les résultats concernant le pourcentage de fois où le scanner évoque un diagnostic différentiel et le pourcentage de cas où il est normal sont des données clés pour évaluer l’utilité de cet examen. D’après ces résultats partiels, 64 % des patients inclus dans l’étude étaient des garçons, avec un âge médian de 3,2 ans (3 mois-14 ans). Au total, 92 % des scanners ont été injectés. Dans 71 % des cas, le scanner n’a pas orienté vers un diagnostic différentiel d’asthme. Cependant, dans près d’un tiers des cas (29 %), l’examen a suggéré un autre diagnostic, que ce soit un diagnostic différentiel complet ou un facteur aggravant potentiel.
À ce stade de l’analyse, le scanner semble effectivement un examen contributif au diagnostic différentiel. Un constat rassurant quant à la méthodologie actuelle. La bronchiolite oblitérante postinfectieuse (BOPI) est le diagnostic différentiel le plus fréquemment évoqué au scanner.
* Postinfectious Bronchiolitis Obliterans in Children: Diagnostic Workup and Therapeutic Options: A Workshop Report. Can Respir J 2020.
D’après la session « Asthme de l’enfant : quels examens pour quelles indications ? », lors du 28e Congrès de pneumologie de langue française (janvier 2024, Lille)
INTERVIEW
Vermatim Laureline Berteloot
Nous avons souhaité prendre du recul sur nos pratiques et évaluer l’efficacité réelle de l’utilisation du scanner dans le diagnostic différentiel de l’asthme sévère chez l’enfant, afin de tirer des conclusions robustes à partir de notre vaste base de données.
Nos résultats préliminaires appuient la place de cet examen la prise en charge de ces enfants. La bronchiolite oblitérante postinfectieuse (adénovirus, grippe, mycoplasme, et probablement SARS-CoV-2, etc.) représente 13 % des cas dans notre série, à ce stade de l’analyse. L’intérêt du scanner est que le diagnostic de BOPI peut ainsi être effectué chez des jeunes enfants qui ne peuvent pas effectuer des tests de la fonction respiratoire. Cela permet une adaptation du traitement, incluant des antibiotiques et l’ajustement des stratégies thérapeutiques.
Par ailleurs, nous avons mis en évidence des anomalies des arcs aortiques chez 4 patients (soit 1,3 %), ce qui justifie également l’injection de produits de contraste, malgré une faible fréquence de cette anomalie congénitale. Parmi les autres suggestions de diagnostic différentiel ou associé, il y avait 5 % de pneumopathies d’inhalation, 4,2 % de corps étrangers intrabronchiques, 2,25 % de trachéobronchomalacie, 8 % d’infection, 3,8 % de dyskinésie ciliaires primitives. Nos résultats provisoires sont donc en faveur de la pertinence du scanner dans la prise en charge des enfants atteints d’asthme sévère. D’autant qu’en ce qui concerne les complications potentielles, nous n’avons pas constaté d’événements indésirables graves, en particulier pas de chocs allergiques.
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