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Allergologie

Publié le 24 juin 2024Lecture 4 min

Allergies oculaires émergentes

Habib CHABANE, Anglet - CFA 2024

L’œil est un organe particulièrement exposé aux différents allergènes de l’environnement. Ces derniers peuvent être responsables d’une inflammation de la surface oculaire (conjonctive et cornée) et/ou palpébrale. La session organisée par le GOA au CFA 2024 a permis d’aborder les allergies oculaires liées à des allergènes domestiques, mais aussi professionnels, dont certains sont bien connus et d’autres moins.

Contrairement aux eczémas de contact des paupières, il n’y a pas de véritable allergène émergent décrit dans l’inflammation de la surface oculaire. En revanche, l’utilisation croissante des biothérapies a fait émerger une complication relativement fréquente liée à l’utilisation du dupilumab depuis qu’il a obtenu l’AMM en 2017. Le dupilumab est un anticorps monoclonal qui se fixe à la chaîne alpha du récepteur de type 1 à l’IL-4 et de type 2, commun à l’IL-4 et IL-13. Il bloque ainsi l’action de ces cytokines Th2 majeures, impliquées dans l’asthme sévère, la polypose naso-sinusienne, la dermatite atopique (DA) et l’œsophagite à éosinophiles. Les effets indésirables observés lors du traitement par dupilumab sont la conjonctivite et la blépharo-conjonctivite, plus rarement une kérato-conjonctivite. Ces effets indésirables apparaissent dans 5 à 36 % des séries de patients rapportées(1). Les complications oculaires débutent 3-9 semaines après le début du traitement et sont souvent résistantes aux traitements locaux habituels. Elles nécessitent le recours aux anti-inflammatoires/immunosuppresseurs locaux (corticoïdes, ciclosporine, tacrolimus). Parmi les patients traités par dupilumab, les complications oculaires ne surviennent presque exclusivement que chez ceux souffrant de DA (RR = 2,64 [IC95% : 1,79-3,8]). Lorsque le dupilumab est prescrit pour les autres indications, la fréquence des complications oculaires ne diffère pas de celle des sujets recevant le placebo dans les essais cliniques (RR = 0,71 [IC95% : 0,44-1,13])(2). Bien que la prévalence des conjonctivites et blépharo-conjonctivites soient plus importante chez les patients souffrant de DA, l’étude prospective française de Costedoat et coll. a bien montré que l’incidence des complications oculaires est de 18,7 % chez les patients traités par dupilumab pour DA modérée à sévère, sans conjonctivite préalable. Cette étude a observé que le facteur de risque le plus important associé à ces complications oculaires est la présence d’une dermatite atopique de la tête et du cou (OR : 7,25 [IC : 1,94-30,07]). Le mécanisme de survenue de ces complications n’est pas connu. Plusieurs hypothèses physiopathologiques ont été évoquées, mais non validées, parmi lesquelles l’augmentation des Th17 consécutive à l’effet anti-Th2 du dupilumab. La diminution des cellules à gobelets et la faible diffusion du dupilumab dans la surface oculaire ont aussi été évoquées. Les patients souffrant de DA ont, en effet, moins de cellules à gobelets que les sujets témoins et le dupilumab réduit la sécrétion des mucines, mais cette réduction n’est pas corrélée à l’apparition d’une complication oculaire. Des auteurs ont observé la disparition des complications oculaires du dupilumab sous traitement antifongique local (clotrimazole) et oral (fluconazole et itraconazole). Kozera et coll.(3) dans une étude prospective sur 171 patients souffrant de DA ont montré que la présence d’IgE spécifiques anti-Malassezia avait une sensibilité de 94,1 % et une spécificité de 87,9 % pour la prédiction de l’apparition d’une complication oculaire sous dupilumab. La corrélation entre les IgE anti-Malassezia et les complications oculaires du dupilumab est à rapprocher du facteur de risque élevé associé à l’apparition de ces complications chez les patients souffrant de dermatite atopique de la tête et du cou rapporté par Costedoat et coll.(4). Cet endotype de DA est lié à une allergie de type retardée à la levure Malassezia du microbiome cutané et une sensibilisation IgE-dépendante à cette levure. C’est probablement la sensibilisation IgE-dépendante à Malassezia qui est responsable de la prévalence élevée de conjonctivite et kérato-conjonctivite chez ces patients. L’allergie à Malassezia pourrait aussi expliquer l’incidence plus importante de complications oculo-palpébrales dans ce sous-groupe de patients lorsqu’ils sont traités par dupilumab. Des recommandations pour le diagnostic et la prise en charge de ces complications ont été publiées en France et à l’étranger. Un examen ophtalmologique avant la mise sous traitement est souhaitable, mais non toujours réalisable pour des raisons de disponibilité des ophtalmologistes et de surcoût. La recherche de sensibilisation IgE dépendante à Malassezia pourrait être une alternative pour dépister les patients à risque de développer des complications oculo-palpébrales sous dupilumab si d’autres études sont menées pour confirmer l’intérêt de cet examen. Elle permettrait de proposer à ces patients à risque un traitement antifongique adapté dès les premiers symptômes, voire à titre préventif. Cette stratégie réduirait sans doute le recours aux corticoïdes et immunosuppresseurs.

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